Heureux de voir la neige fondre et les insectes pointer le bout du nez ?
Vous n’êtes pas les seuls !
Même si nos invertébrés adorés se font plus discrets pendant les rigoureux mois d’hiver, des activités comme Papillons en fête (visionnez mes visites de 2025 et 2024 en vidéo) permettent aux petits comme aux grands de garder le lien avec cette précieuse nature.
Et c’est quelque chose d’essentiel.
Ces dernières semaines, je m’affairais à mettre de l’ordre dans une vaste pile d’articles que j’avais accumulés, pour tomber sur un dossier vieux d’un peu plus de dix ans traitant du « déficit-nature ».
Ce concept – nommé nature-deficit disorder en anglais, bien qu’il ne s’agisse pas d’un diagnostic médical – suggère qu’un fossé se creuse entre les enfants (sans oublier les adultes !) et la nature, avec des effets néfastes sur la santé physique et le bien-être mental.
Il exprime que la société d’aujourd’hui favorise moins le jeu non structuré et que les gens restent davantage rivés à leur écran qu’avant – que ce soit la télévision, les jeux vidéo ou le télétravail – et omettent de sortir prendre une bouffée d’air.
Le tout conduisant, selon les sources consultées, à des enfants qui ont plus de difficulté à se concentrer, qui sont hyperactifs et dérangent leurs confrères. Ou encore à des adultes plus stressés, en surplus de poids, et moins « connectés » au monde qui les entoure.
Selon le Children and Nature Network, les enfants passent en moyenne 44 heures par semaine devant un écran et moins de 10 minutes par jour à l’extérieur. C’est ahurissant ! Et si l’on regarde autour de nous, entre les séries télé, le télétravail qui nous garde confortablement dans nos pantoufles, ou la vie qui file si vite qu’on ne priorise pas une randonnée santé (oups, coupable !), on réalise que les adultes ne font pas beaucoup mieux.
Pourtant, les preuves sont là selon Louv (2010) : les notes des enfants de classes sortant régulièrement en plein air sont supérieures à celles de leurs confrères qui demeurent à l’intérieur. Les déficits en vitamine D et la myopie sont également moindres chez les premiers. Même le gain de poids infantile est moindre dans les secteurs urbains où les parcs « verts » occupent plus de place.
Et pour les adultes ?
Lorsqu’on passe un peu de temps à l’extérieur, il y a un accroissement d’activité dans la portion de notre cerveau liée à la dépression et à l’anxiété, conduisant à une meilleure humeur. Et les bienfaits ne s’arrêtent pas là selon les sources consultées : la capacité d’empathie est augmentée, la mémoire s’améliore, de même que les capacités à se concentrer sur des tâches multiples.
Sur le plan physique, les bénéfices sont également présents : diminution du stress et de la fréquence cardiaque et amélioration de la forme physique globale, puisqu’on bouge davantage que devant un écran.
À la fin mars, j’ai fait une petite escapade nature dans un camp rustique du Parc national des Monts-Valin. Pas d’électricité, pas d’Internet. Juste du plein air, un beau feu de foyer et de la bonne compagnie. À notre retour, j’ai mentionné à mon conjoint que ça faisait longtemps que je n’avais pas déconnecté à ce point. C’était même salvateur. Je reconnais que je suis impliquée dans beaucoup de choses, qui me passionnent toutes. Mais le vase est souvent bien plein. J’avais besoin de ce temps de repos, connectée avec la nature et les gens qui m’entourent. Ce fut un déclic. Ça vous est déjà arrivé de ressentir cela ?
Pourquoi ce changement d’habitudes ?
Je ne le cache pas : j’ai 47 ans. Quand j’étais petite, l’Internet n’existait pas.
Comment survivait-on, nous demanderons les plus jeunes ?!? Trêve de plaisanteries !
Je me souviens de mes potions magiques, concoctées dehors avec du sable, des feuilles, des cocottes (alouette !) mêlés dans une chaudière… D’avoir tenté de grimper dans des arbres – je n’ai jamais été très douée en acrobaties, hélas ! D’avoir pris de multiples marches dans les bois, d’être allée à la pêche avec mon papa et d’avoir observé, voire nourrit une panoplie d’animaux… Même ce raton-laveur qui a fui avec mon sac de biscuits en entier, alors que je lui en tendais un de l’autre main !
Les changements technologiques sont souvent pointés comme l’une des causes de ce déficit. Aujourd’hui, la source d’information numéro un est l’Internet. Pourquoi sortir ? Mais les avancées technologiques constituent-elles une si mauvaise chose en soi ? Comme j’aurais aimé lire sur tous les animaux que l’on peut découvrir maintenant en saisissant tout simplement leur nom dans une fenêtre Google ! La façon de travailler et d’apprendre se fait aujourd’hui largement devant un écran d’ordinateur. C’est une réalité qu’il ne faut ni ignorer ni condamner. Vous êtes bien en train de me lire devant un écran, n’est-ce pas ?
Les changements sociétaux et les habitudes de vie joueraient également un rôle. Les sources consultées indiquent que la façon de jouer des enfants a, elle aussi, changé. Au lieu de jouer dehors, chez des amis ou dans des parcs jusqu’à ce qu’il fasse noir, les enfants ont plus tendance à se retrouver seuls, devant un écran. De plus, les inquiétudes au sujet d’étrangers « dangereux » auraient resserré les règles de sorties à l’extérieur et diminué le temps de jeu non structuré.
Comment y remédier ?
Un des articles que j’ai consultés mentionnait l’importance de ces professeurs qui réalisent des sorties avec leurs étudiants, pour leur permettre d’apprendre sur le fascinant monde naturel qui les entoure. Encourageons ces éducateurs qui sèment des graines d’amour de la nature. Justement, j’ai eu la chance de collaborer avec au moins deux d’entre eux – Patrice du Collège Clarétain de Victoriaville, et Denis de l’ERE de l’Estuaire – tous deux dévoués à faire découvrir les beautés des petites et grandes bêtes, de la flore, des roches, et j’en passe ! Bravo, Messieurs !
En tant que parents et amis, vous pouvez aussi inviter vos enfants et collègues à marcher dans une zone boisée. Si la chose vous intéresse, vous pouvez les initier au camping – une activité que j’adore ! Nous avons de si beaux parcs ici au Québec : le choix est grand ! Même les activités à l’intérieur, comme celle de Papillons en fête susmentionnée, ou encore l’Insectarium de Montréal, permettent un fantastique contact avec les organismes vivants. N’hésitez pas à me faire part de vos sorties préférées en la matière : je suis tout ouïe !
Enfin, vous pouvez faire comme moi et vous investir dans la réalisation d’activités qui visent à parler du monde naturel à tous ceux qui veulent bien entendre. Ou tout simplement y participer ! Une piste qui peut vous intéresser : l’Association des entomologistes amateurs du Québec, une organisation dont je suis membre et que j’affectionne particulièrement, parce qu’elle vise justement à sensibiliser, informer et éduquer les gens face au fabuleux monde des invertébrés. Des activités y sont offertes à tous à divers moments de l’année.
Un bémol sur le sujet ?
Si le concept de déficit-nature a beaucoup de promoteurs, certains nuancent cette vision. C’est le cas d’Elizabeth Dickinson (2013) qui, tout en prenant soin de mentionner qu’il y a des points positifs et bienveillants dans ce courant de pensée, souligne que le problème est plus complexe qu’au premier abord.
Elle recommande d’explorer davantage les racines culturelles, psychologiques, émotionnelles et socioéconomiques de cette séparation avec la nature, critiquant entre autres le concept de départ comme étant trop centré sur un vécu de classe moyenne blanche masculine, dont les solutions sont pareillement spécifiques à ce groupe. Ainsi, les solutions avancées impliquent que tous aient le temps, l’argent et les modes de transports disponibles pour se rendre « dans » la nature.
Elle soulève également que les promoteurs du concept souffrent « d’amnésie générationnelle environnementale », où l’on se dit que « dans notre temps », on était plus près de la nature (ne l’aie-je pas d’ailleurs fait plus tôt ?). Alors que la dégradation de l’environnement et la déconnexion étaient présentes il y a plusieurs générations, sous des formes différentes.
En matière d’exploration émotionnelle, j’aime le fait qu’elle souligne que la nature est non seulement un espace extérieur à explorer, mais aussi un lieu d’émotions, de mémoire et d’identité personnelle. Elle invite notamment à revaloriser l’émerveillement et la curiosité : deux qualités que je valorise beaucoup. Ainsi qu’à laisser place aux sentiments moins agréables que la nature peut faire ressurgir, comme l’étrangeté, l’incertitude ou la peur (du grand méchant loup, peut-être ?), pour comprendre la relation de chaque individu à la nature. Cela faisant qu’on ne généralise ni les causes de la « déconnexion » ni les solutions.
En outre, Mme Dickinson souligne que l’on doit se voir comme faisant partie de la nature (with and of nature), plutôt que devant sortir pour aller « dans » cette dernière (in nature). Il importe de changer l’angle avec lequel on perçoit le problème si l’on veut mieux y remédier.
Je pourrais écrire encore longuement sur le sujet et je vous invite donc à lire les ouvrages cités plus bas si votre curiosité a été piquée. Loin de moi la prétention d’avoir fait le tour de la question, ni des nuances associées !
Une chose demeure : notre relation à la nature est unique et elle a le potentiel d’apaiser nos maux physiques et psychologiques – malgré les nuances évoquées plus haut. Ce n’est pas rien !
Ainsi, avec l’été qui revient à grands pas, je compte poursuivre mon travail de sensibilisation et inciter petits comme grands à sortir dehors… et profiter des premiers insectes qui se pointent le bout du nez !
Youpi, enfin !
Et vous, quelle relation avez-vous avec la nature ?
Pour en savoir plus
- Children and Nature Network. https://www.childrenandnature.org/
- Dickinson, E. 2013. The misdiagnosis : rethinking « Nature-deficit disorder”. Environmental Communication, Vol. 7 (3) : 315-335. Disponible en ligne : https://fernainymat2017.wordpress.com/wp-content/uploads/2017/07/the-misdiagnosis-rethinking-nature-deficit-disorder.pdf (page consultée le 7 avril 2025).
- Goulson, D. 2021. Silent Earth: Averting the Insect Apocalypse. 355 p. (aussi disponible sur Audible.)
- HealthPartners, 2025. What is the “nature deficit disorder”, and can the outdoors really make us feel better ? https://www.healthpartners.com/blog/nature-deficit-disorder/ (page consultée le 6 avril 2025).
- Li, Q.; Kawada, T. 2010. Healthy Forest Parks Make Healthy People: Forest Environments Enhance Human Immune Function; Department of Hygiene and Public Health, Nippon Medical School: Tokyo, Japan.
- Louv, R. 2010. Do our kids have nature-deficit disorder? Educational Leadership, December 2009/January 2010: 24-30.



Tous les jours, au moins dans mon jardin! 😁
J’adore la photo de la petite docbebitte observant un papillon (monarque?) car je me revois, enfant 😀
Bon printemps! 🐝🐛🦋 😊😘
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Bonjour Malyloup,
Oui, il s’agit bien d’un monarque.
Il faudra bien que je vois l’une de ces photos éventuellement! 😉
Et le jardin est en effet un magnifique endroit pour observer des petites bêtes de toutes sortes! J’ai hâte d’y jouer. 🙂
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