Connaissez-vous les perce-oreilles? Le mythe veut qu’ils soient assez forts pour percer le bout de nos oreilles à l’aide des appendices aiguisés situés au bout de leur abdomen. D’autres prétendent qu’ils peuvent se faufiler dans nos oreilles pendant la nuit. Qu’en est-il vraiment?

Premièrement, l’appendice en forme de pinces qu’arborent les perce-oreilles s’appelle des cerques. Je confirme que ces insectes possèdent suffisamment de force pour pincer les doigts inquisiteurs… mais certes pas pour passer au travers de la peau! Pour ce qui est de la peur voulant qu’ils puissent se faufiler sous nos draps et dans nos oreilles pendant notre sommeil, elle provient peut-être de leur mode de vie. Ils ont une affinité pour les lieux humides et sombres et tendent, par conséquent, à se déplacer davantage pendant la nuit. Peut-être est-il déjà arrivé qu’un d’entre eux se balade en pleine nuit sur le visage d’une personne endormie, la réveillant… et pouf! Un mythe est né!
Les perce-oreilles trouvent leur chemin dans nos demeures bien malgré eux. Comme ils affectionnent les lieux humides, ils se retrouvent dans nos vêtements, étendus sur les cordes à linge, ou encore dans divers objets et plantes procurant un abri d’intérêt. À titre d’exemple, j’avais décroché un emploi dans les cuisines du St-Hubert (bon appétit!) à la fin de mon adolescence. Une fois de retour à la maison, je lavais mes souliers, enduits de gras de cuisine, puis les laissais sécher dehors. Ce milieu humide – qui devait également encore dégager quelque odeur de friture – était très apprécié par ces amis opportunistes. Ainsi, une fois secs, je devais secouer énergétiquement mes souliers avant de les rentrer à l’intérieur. Je voyais régulièrement tomber un ou deux perce-oreilles au sol.

Les perce-oreilles font partie de l’ordre des dermaptères, ce qui signifie « ailes en peau ». Plusieurs familles appartiennent à ce groupe, mais l’espèce la plus connue est sans contredit le forficule forficula auricularia (Famille : Forficulidae). En particulier, l’introduction de cette espèce, provenue d’Europe, puis son expansion rapide au Québec ont propulsé cet ordre autrefois moins connu au palmarès des insectes indésirables.
Aussi, rassurez-vous, ces insectes ne se nourrissent pas de cire d’oreilles… bien qu’il s’agisse d’omnivores capables de se nourrir d’une variété d’aliments. Les ouvrages que j’ai consultés citent de nombreuses sources de nourriture, incluant des détritus (bois mort, végétaux en décomposition), des fleurs, plantes et légumes frais du jardin, ainsi que d’autres invertébrés. Les jardiniers les apprécient généralement moins, puisqu’ils peuvent effectivement s’attaquer à leurs plantes chéries (choux, laitues, fraises et framboises sont entre autres nommés) et à différentes fleurs comme les dahlias. En revanche, ils peuvent se nourrir d’invertébrés nuisibles comme les pucerons et les acariens et ainsi contribuer à nettoyer votre jardin.
Bref, sont-ils des ennemis ou des amis? Selon deux références (Brisson et al. 1992 et Smeesters et al. 2005), les perce-oreilles devraient être considérés davantage comme des alliés du jardinier. En effet, 72% de la diète du forficule serait composée d’invertébrés nuisibles. De plus, ce serait plutôt quand les autres aliments préférés par ce dernier (invertébrés et détritus) se font plus rares qu’il se met à grignoter nos fruits et légumes. Un conseil pratique et écologique est donc de laisser du paillis et des détritus dans vos plates-bandes. Ne visez pas des plates-bandes parfaites sans aucun débris! Laissez-y des feuilles mortes… Tous ces détritus pourront servir, d’une part, de source de nourriture aux perce-oreilles, mais aussi, d’autre part, de refuge à leurs prédateurs qui se chargeront de garder les populations sous contrôle!


Fait intéressant, les mâles et les femelles peuvent être aisément distingués. Il suffit d’examiner la forme de leurs cerques. Chez les mâles, ils sont incurvés et plus robustes. Ils possèdent aussi de petites dents à la base. Les cerques des femelles, quant à eux, sont plus droits et moins robustes.
Pour terminer, je vous avais récemment parlé de soins parentaux chez les invertébrés pour la fête des Mères et la fête des Pères. Les perce-oreilles ne sont pas exclus! Les femelles prennent grand soin de leurs œufs et des jeunes larves. Elles demeurent dans le terrier avec ces derniers dans le but de les protéger de tout intrus. De plus, elles lèchent et déplacent leurs œufs sur une base régulière afin d’empêcher tout champignon indésirable de s’y former. Lorsque les œufs sont prêts à éclore, elles les réorganisent en une seule couche afin de faciliter l’émergence des larves.
Malgré la réaction de dégoût souvent déclenchée par le fait de trouver des perce-oreilles dans la maison ou dans le jardin, il semble que ce type d’insecte soit plus bénéfique et inoffensif que généralement perçu. Pour ma part, lorsque j’en retrouve dans la maison, je prends soin de les transporter vers l’extérieur. Il n’y a pas de risque à les manipuler et vous n’avez pas à vous inquiéter de vous retrouver avec un tout nouveau piercing!
Pour en savoir plus
- Borror, D.J. et R.E. White. 1970. Peterson Field Guides – Insects. 404 p.
- Brisson, J.D. et al. 1992. Les insectes prédateurs : des alliés dans nos jardins. Fleurs Plantes et Jardins : Collection no. 1. 44 p.
- Dubuc, Y. 2007. Les insectes du Québec. 456 p.
- Evans, A.V. 2008. Field guide to insects and spiders of North America. 497 p.
- Loiselle, R. et D.J. Leprince. 1987. L’entomologiste amateur. 143 p.
- Marshall, S.A. 2009. Insects. Their natural history and diversity. 732 p.
- Smeesters, E. et al. 2005. Solutions écologiques en horticulture. 198 p.
- BugGuide. Forficula auricularia. http://bugguide.net/node/view/23281
- Wikipedia. Forficula auricularia. http://en.wikipedia.org/wiki/Forficula_auricularia
Wow! Ton site est une merveilleuse découverte Caroline. Merci de nous partager tes connaissances avec tant de générosité. Et tes photos!!! Quel talent! Beaucoup de temps j’imagine?
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Bonjour Manon,
Merci pour ton commentaire! Ce sont les commentaires positifs que je reçois qui me motivent à continuer!
Oui, cela me prend assez de temps pour élaborer les chroniques. Je passe environ entre 3 à 8 heures par semaine à réaliser les chroniques complètes (les capsules sont moins longues à produire). Ce temps inclut la revue de littérature, la rédaction et la préparation visuelle (photos, vidéos…).
Tant mieux si ça plait 🙂
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