Ça y est : vous avez voté pour votre photo préférée de 2023!
Cette année, j’ai reçu un grand nombre de votes témoignant du fait que vous avez fait circuler toutes les belles photos du concours 2023 dans vos réseaux.
D’ailleurs, sur un des partages effectués, j’ai eu le plaisir de lire ce commentaire : « Toutes les photos sont vraiment cool et belles. Ça donne un beau point de vue sur ce merveilleux monde auquel on ne porte pas beaucoup d’attention. »
Objectif atteint! C’est la raison d’être du concours amical, de mettre en lumière ces fabuleux insectes (et autres invertébrés)!
Mais qui, au juste, a remporté le concours amical de 2023?
Il s’agit de Mylène Roy et son cliché d’une vivipare chinoise.
Chose promise, chose due, ladite photo est mise en vedette dans la présente chronique et je m’affairerai à vous parler dans quelques instants de cet invertébré à statut particulier.
Or, avant de commencer, j’aimerais chaleureusement remercier tous les participants qui nous ont fait voir de beaux invertébrés que l’on peut retrouver au Québec.
En particulier, j’offre une mention honorable pour la photographie « Sphinx colibri » de Jean-Michel Nadeau, qui s’est hissée sur la seconde marche du podium. Ce tout joli papillon en a charmé plus d’un!
La vivipare chinoise de Mylène Roy
La photo gagnante de 2023 présente un organisme au statut particulier : il s’agit d’une espèce exotique envahissante. Elle témoigne du fait que ces dernières sont bel et bien établies parmi nous. Hélas!
L’ironie du sort, c’est que, au moment où j’ai découvert la photographie gagnante, je venais de quitter un congrès international axé sur la biodiversité. Ce congrès mettait en lumière plusieurs facteurs contribuant au déclin global dans la biodiversité, parmi lesquels figuraient les espèces exotiques envahissantes. J’ai parlé du déclin dans la biodiversité, un sujet qui pique vivement ma curiosité, dans cette précédente capsule, si vous souhaitez en savoir plus.
Cela étant dit, qu’en est-il de la vivipare chinoise (Cipangopaludina chinensis)?
Lors de la soumission de sa photo, Mme Roy me précisait que le spécimen provenait du lac Champlain. C’est également Mme Roy qui a identifié l’espèce sur la photo – espèce que je ne connaissais pas encore pour ma part, bien que je m’intéresse beaucoup aux milieux aquatiques. Je peux donc vous dire que j’étais très curieuse d’en apprendre plus sur le sujet!
Concernant sa répartition, le site Faune-MELCCFP (2023) précise justement que l’espèce a été rapportée dans le sud de Montréal et dans le bassin versant du lac Champlain. Selon la même source, on la rencontre ailleurs au Canada, notamment dans le sud et l’est de l’Ontario, y compris le lac Érié, ainsi qu’en Colombie-Britannique et en Nouvelle-Écosse.
Pour ma part, j’avais pris en photo une affiche, lors d’une visite à l’automne 2022 à Les Trois Lacs, près de Val-des-Sources, qui indiquait que cette espèce s’y retrouvait. Malheureusement, elle a aussi été repérée dans le lac Matapédia, en Gaspésie, à l’été 2023 (Radio-Canada Ohdio, 2023).

Comme on le voit sur la photo de Mme Roy, la vivipare chinoise est un fort gros escargot qui peut atteindre une longueur de 7 cm. Il semble qu’une autre espèce, Heterogen japonica (pas de nom français dans les sources que j’ai consultées) puisse ressembler à la vivipare chinoise, bien que la coquille de cette dernière soit plus allongée. Sur iNaturalist, il n’y avait pas encore d’occurrences notées pour le Québec, mais on voit qu’elle est introduite aux États-Unis et est maintenant aux portes du Canada, au sud de l’Ontario.
La vivipare géorgienne, qui est un autre envahisseur de bonne taille présent au Québec, se distingue par sa couleur plus pâle, affichant une teinte beige avec une ligne brunâtre qui serpente autour de la spirale de la coquille. Elle se démarque de la vivipare chinoise mature, qui présente des tons plus sombres allant du vert olive, au brun verdâtre et même au brun rougeâtre.
La vivipare chinoise vit en eau douce, de 20 cm jusqu’à 3 mètres de profondeur, dans les milieux à débit faible ou nul, où le substrat est meuble (boueux ou limoneux). Il peut s’agir de rivières, d’étangs, de lacs ou même de fossés en bordure des routes. Sa durée de vie est de quatre à cinq ans.
Comme toute espèce exotique envahissante, il s’agit d’une espèce tolérant un vaste éventail de conditions environnementales. Ainsi, elle tolère un grand gradient de températures (0 à 30 °C), de conditions environnementales (dont des milieux pollués), survit aux hivers froids et peut supporter une exposition prolongée à l’air libre (résiste à la dessiccation).
La femelle peut produire annuellement jusqu’à 65 rejetons. Selon Mme Chalifour, interviewée par Radio-Canada Ohdio (2023), elle a pour particularité de garder ses rejetons dans sa coquille et de les relâcher peu à peu, des mois de mai à octobre. Ces derniers, d’une taille d’environ 5 mm, sont déjà entièrement formés avec leur toute petite coquille.
Notre gastéropode est originaire de l’Est de la Russie et du Sud-Est asiatique. Il aurait été introduit au Canada et aux États-Unis par plusieurs biais : commerce associé à l’aquariophilie et aux jardins d’eau, introduction comme ressource alimentaire, et transport vers de nouveaux sites par les plantes aquatiques demeurées accrochées aux embarcations et équipements associés.
Au Québec, sa présence a été notée pour la première fois en 2003… dans le lac Champlain! L’observation de Mme Roy n’est donc pas une surprise, malheureusement!
Comme la vivipare chinoise est de grande taille et qu’elle peut atteindre d’impressionnantes densités – 40 individus par mètre carré –, elle peut avoir d’importantes répercussions sur son environnement. Par exemple, à cause de sa taille et de son abondance, elle peut obstruer les prises d’eau et constituer une nuisance aux baigneurs par l’amoncellement de ses coquilles sur les berges et les fonds sableux.
De plus, comme elle mange les algues qu’elle racle sur divers substrats, elle peut contribuer au déclin dans la biodiversité et l’abondance de cette ressource, qui est à la base de plusieurs chaînes alimentaires aquatiques. Ainsi, elle diminue la quantité de nourriture disponible pour les autres espèces d’escargots indigènes ou pour d’autres brouteurs aquatiques.
Une chose que j’ai souvent remarquée, œuvrant dans le domaine de l’environnement, c’est qu’il est difficile de se débarrasser d’une espèce exotique envahissante une fois qu’elle s’est installée. En ce qui concerne la vivipare chinoise, je trouve peu de conseils pour s’en départir, hormis une note sur l’utilisation du sulfate de cuivre qui permettrait de contrôler certaines espèces envahissantes d’escargots. Toutefois, l’ajout de produits en milieux aquatiques est un sujet délicat : ils ont le potentiel d’affecter d’autres espèces non ciblées et leur utilisation nécessite par conséquent un examen minutieux.
En outre, d’après les sources consultées, la méthode privilégiée pour contrer la propagation des vivipares chinoises semble davantage être de prévenir leur introduction sur de nouveaux sites. Cela implique des mesures telles que le nettoyage des embarcations, des remorques et des équipements associés avant de changer de plan d’eau. De plus, il est recommandé de s’abstenir de vidanger des produits d’étangs ou d’aquariophilie, comme des plantes aquatiques, dans les milieux naturels. Il est aussi pertinent d’apprendre à identifier ces gastéropodes et de signaler leur présence aux autorités concernées ou aux acteurs du milieu, comme les organismes de bassins versants, s’ils sont repérés. En cas de doute, prenez des photos!
Enfin, j’entends certains d’entre vous demander : peut-on les manger? Avouez que ce serait une bonne façon de diminuer leurs populations!
Sachez que la vivipare chinoise figure au menu depuis des millénaires en Asie. Néanmoins, mes lectures m’apprennent que cet escargot pourrait transmettre des vers parasitaires intestinaux aux personnes qui le consomment. Bien que cela soit avéré en Asie, il est encore inconnu, au moment d’écrire ces lignes, si cela peut être le cas en Amérique du Nord. Bref, si vous aviez l’intention de vous cuisiner des escargots à l’ail, il serait plus prudent d’opter pour une autre espèce… du moins pour l’instant!
Voilà qui termine la chronique mettant en vedette la photo gagnante du concours de 2023! Je remercie à nouveau les participants, mais aussi toutes les personnes qui ont pris le temps de voter. Et félicitations encore une fois à Mylène Roy de nous avoir fait découvrir un nouvel organisme – cette fois-ci avec un statut d’espèce envahissante – malheureusement bien établi au Québec!
Pour en savoir plus
- Faune–MELCCFP. 2023. Vivipare chinoise (Cipangopaludina/Bellamya chinensis). https://mffp.gouv.qc.ca/la-faune/especes/envahissantes/vivipare-chinoise/ (page consultée le 12 octobre 2023).
- G3E. 2023. Vivipare chinoise. https://www.g3e-ewag.ca/ressources-interactives/capsules/changements-climatiques/especes-exotiques-envahissantes/vivipare-chinoise.html (page consultée le 14 octobre 2023).
- Gouvernement du Canada. 2022. Vivipare chinoise, vivipare georgienne et nasse de la Nouvelle-Zélande. https://www.dfo-mpo.gc.ca/species-especes/publications/ais-eae/identification-qc/page06-fra.html (page consultée le 14 octobre 2023).
- iNaturalist. 2023. Heterogen japonica. https://inaturalist.ca/taxa/1317209-Heterogen-japonica (page consultée le 16 octobre 2023).
- iNaturalist. 2023. Vivipare chinoise (Cipangopaludina chinensis). https://inaturalist.ca/taxa/83795-Cipangopaludina-chinensis (page consultée le 16 octobre 2023).
- Programme de sensibilisation aux espèces envahissantes de l’Ontario. 2023. Escargots envahissants. https://www.invadingspecies.com/fr/envahisseurs/invertebres/escargots-envahissants/ (page consultée le 14 octobre 2023).
- Radio-Canada Ohdio. 2023. Une nouvelle espèce envahissante dans le lac Matapédia. https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/bon-pied-bonne-heure/segments/entrevue/451068/entrevue-mireille-chalifour-vivipare-chinoise

