Des gammares en appétit!

Le terme amphipode, vous connaissez?

Les gammares sont des crustacés.

Les amphipodes font partie des crustacés.

On entend beaucoup parler des crustacés en milieu marin. Pourtant, saviez-vous qu’on en rencontre également en bon nombre dans les milieux d’eau douce?

Beaucoup des amphipodes rencontrés sont communément appelés « gammares », sans doute parce que l’une des familles les plus populaires de cet ordre d’invertébrés s’appelle Gammaridae. Dans les eaux douces de surface (rivières, lacs et fleuve) du Québec, on retrouve en réalité trois familles : Gammaridae, Crangonyctidae et Hyalellidae.

J’ai fait leur connaissance lors de mes études portant sur les macroinvertébrés benthiques d’eau douce du Québec – soit les organismes sans vertèbres retrouvés au fond des lacs et des rivières, tels les sangsues, crustacés et insectes. Pas besoin d’aller dans les Maritimes pour les croiser, donc, contrairement à beaucoup de macroinvertébrés marins.

Les gammares ressemblent grossièrement à de petites crevettes aplaties latéralement. Ils mesurent entre 5 mm et 20 mm et sont généralement de couleur crème, brune ou verdâtre.

Ils possèdent deux antennes et de nombreuses paires de pattes. Lorsque je me suis renseignée sur leur morphologie, j’ai remarqué que Voshell (2002) identifiait sept paires de pattes, alors que Thorp et Covich (2001) en considéraient cinq. Cette confusion semble liée à la multiplicité des pattes dont la forme et la fonction sont variées. En réalité, on dénombre encore plus d’appendices, qui ont chacun leur utilité : ils servent à saisir (gnathopodes), à marcher (périopodes), à nager (pléopodes) et à manœuvrer, tels des gouvernails (uropodes).

On voit bien les différents types de pattes.

Ils sont munis de branchies, alimentées en eau oxygénée par le mouvement constant des pléopodes, et de mandibules pour se nourrir (et mordre, comme nous le verrons plus tard!).

Ce sont des omnivores opportunistes et ils se délectent de matières végétales et animales, mortes ou vives. Ils broutent aussi les algues qui poussent, par exemple, à la périphérie des roches et sur les plantes aquatiques, de même que les champignons microscopiques et les bactéries qui s’y développent. Même le cannibalisme serait relativement commun chez ces organismes, selon Thorp et Covich (2001).

Ce gammare tourne autour d’un escargot: il aimerait bien le dévorer!

J’ai fait l’expérience de leur gloutonnerie lors d’un périple au parc du Bic, alors que j’en observais dans les mares délaissées par le retrait de la marée. Ils semblaient affamés. La marée ne se rendait plus à leur niveau depuis quelques jours et ils étaient prisonniers de leur mare.

C’est en plongeant mes mains dans leur habitat, pour les filmer sous l’eau, que j’ai fait la découverte de leur voracité. Ils se sont rapidement attaqués à mes doigts, tentant de les croquer! Ouch, ça pince!

Visionnez la vidéo associée à la présente chronique pour voir le tout!

En examinant mes vidéos par la suite, j’ai aussi constaté que bon nombre d’entre eux étaient actifs, grugeant les algues le long des roches ou s’attaquant aux escargots avec lesquels ils partageaient leur « prison ».

Autre observation : nous avons remarqué, mon conjoint et moi, que les gammares étaient particulièrement actifs le soir. Ils formaient littéralement des amas d’individus qui se dispersaient sous les faisceaux de nos lampes frontales. Ce comportement est connu et se nomme phototaxie négative : les gammares n’aiment pas la lumière vive et tendent à la fuir. Cela explique entre autres pourquoi que, lorsqu’on soulève des roches pour dénicher des gammares, ceux-ci se précipitent avec hâte sous une autre roche adjacente.

Les mâles s’agrippent aux femelles jusqu’à ce qu’elles soient prêtes à se reproduire.

Malgré leur humeur parfois mordante, les gammares constituent des organismes utiles. Ils se nourrissent notamment de matière en décomposition et contribuent ainsi à son recyclage dans l’environnement.

Ils figurent aussi au menu d’autres organismes, dont les poissons, les grenouilles et les oiseaux de rivage. Ils contribuent donc à soutenir les chaînes alimentaires aquatiques et terrestres.

De plus, ils sont utilisés comme bioindicateurs en cours d’eau. Leur niveau de tolérance à la pollution varie, selon la famille, de moyennement à très tolérant (MDDEFP 2013).

Vous voulez aller à leur découverte? Inspectez les mares le long du fleuve Saint-Laurent et de son estuaire à marée basse : ils sont omniprésents! Vous pouvez aussi faire comme moi et revirer des roches dans les rivières ou en bordure de lacs. Ils y habitent également.

Faites seulement attention à vos doigts : ils pourraient être victimes de leur gloutonnerie!

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