Le monde des insectes est vaste et grand. Certains d’entre eux, très communs, peuplent abondamment nos cours et nos maisons. D’autres paraissent plus élusifs. C’est le cas, me semble-t-il, des chrysopes. Pour ma part, du moins, je ne vois tout au plus qu’un individu par été. Avez-vous eu plus de chance que moi?


Les chrysopes font partie de l’ordre des neuroptères (Neuroptera; famille des Chrysopidae). Vêtues de vert vif, elles sont faciles à reconnaître. Elles se distinguent également par de longues ailes translucides et fortement nervurées, qu’elles maintiennent en toit au-dessus de leur abdomen lorsqu’au repos. D’ailleurs, le terme « neuroptère » réfère aux nombreuses nervures qu’arborent les ailes. De plus, les chrysopes sont munies de grands yeux globuleux et iridescents, fréquemment dans les teintes de jaune ou de rouge métallique.
On retrouve les chrysopes un peu partout en Amérique du Nord, comme le témoigne une de mes photographies prise à Badwater basin, à Death Valley en Californie. Il s’agit de l’endroit le plus bas en Amérique du Nord, situé 282 pieds sous le niveau de la mer. Les quelques autres fois où j’ai pu en observer, c’était ici à Québec (un peu moins exotique, je sais!).
Les chrysopes sont des insectes bénéfiques. Les larves, en particulier, constituent de voraces prédateurs. Les adultes pondent les œufs au printemps, habituellement à proximité d’une source de nourriture (par exemple, une colonie de pucerons). Les œufs ont une curieuse apparence : tous blancs, ils sont suspendus à une tige rigide et mince, de sorte à être hors d’atteinte des prédateurs – notamment leurs propres frères et sœurs. Ils ressemblent en quelque sorte à une moitié de Q-tips miniature (voir cette photographie).
Comme mentionné, les larves ont un appétit tellement vorace qu’elles sont susceptibles de manger leurs propres parents. Elles ne font pas la fine bouche et consomment aussi une myriade d’autres invertébrés : pucerons, mites, thrips, larves de mouches et divers invertébrés au corps mou. Ce sont de vraies gloutonnes : selon les sources consultées, elles peuvent consommer 10 pucerons à l’heure, 30 à 50 acariens rouges du pommier à l’heure, jusqu’à 200 insectes par semaine, ou encore 200 à 500 individus pendant la durée de leur stade larvaire (environ dix-huit jours). Imaginez-les débarrasser vos plantes de leurs pucerons à la vitesse de l’éclair!
Les larves ont une allure bien particulière qui me fait penser à une sorte de dragon miniature (photographie à l’appui). Elles sont notamment dotées de fines mandibules allongées dont elles se servent pour injecter des enzymes digestifs dans leurs proies. Elles n’ont ensuite qu’à siroter les tissus liquéfiés! Une de mes sources précise que ce « venin », également produit par les adultes, est suffisamment fort pour induire des démangeaisons, voire des douleurs chez les humains. Doigts trop curieux s’abstenir! Étrangement, certaines larves agglutinent les exosquelettes de leurs proies et/ou divers débris sur leur dos, de sorte à se camoufler. Elles se retrouvent ainsi incognito, au beau milieu de leur garde-manger! À cet effet, je vous recommande d’aller voir cette première photographie, ainsi que cette seconde. Impressionnant, n’est-ce pas?


Les adultes, de leur côté, adoptent une diète plus variée. Certains sont prédateurs (ils aiment bien les pucerons en particulier), alors que d’autres se délectent de nectar et de pollen. Certaines espèces optent pour les deux! D’ailleurs, selon le livre Solutions écologiques en horticulture, on peut attirer les chrysopes adultes dans notre cours en y laissant pousser des fleurs riches en nectar et en pollen (camomille, échinacée, pissenlit et tournesol, pour n’en nommer que quelques-unes), ainsi qu’en prévoyant la présence d’un point d’eau comme un bain d’oiseau. Évidemment, la présence de colonies de pucerons ne nuit pas… quoiqu’on ne fasse habituellement pas exprès pour encourager leur prolifération!
Fait intéressant, les sources que j’ai consultées indiquent que les chrysopes adultes sont susceptibles de dégager une odeur désagréable lorsqu’elles sont manipulées. Cela ne s’est pas produit pour ma part. Est-ce parce qu’elles sont à l’aise avec mon approche? Il faut préciser que je ne les capture pas au sens propre : je les laisse simplement grimper sur mes doigts. D’un autre côté, est-ce parce que je n’ai pas un bon odorat? Je ne suis pas en mesure de vous le confirmer à ce point, mais je serais ravie de vous entendre sur vos expériences en la matière!
Pour terminer, les sources consultées mentionnent que les adultes seraient plutôt nocturnes. Certains d’entre eux seraient d’ailleurs en mesure de détecter les ultrasons émis par les chauves-souris à l’aide de veines ultrasensibles situées sur leurs ailes! Bref, le mode de vie nocturne des chrysopes expliquerait sans doute pourquoi je n’ai pas eu la chance d’en observer fréquemment. Vous pouvez compter sur moi pour commencer à attirer et observer des insectes nocturnes l’été prochain. Peut-être tomberais-je sur l’élusive chrysope et d’autres découvertes du genre!
Pour en savoir plus
- Borror, D.J. et R.E. White. 1970. Peterson Field Guides – Insects. 404 p.
- Brisson, J.D. et al. 1992. Les insectes prédateurs : des alliés dans nos jardins. Fleurs Plantes et Jardins : Collection no. 1. 44 p.
- Chaumeton, H., Directeur. 2001. Insectes. 384 p.
- Dubuc, Y. 2007. Les insectes du Québec. 456 p.
- Evans, A.V. 2008. Field guide to insects and spiders of North America. 497 p.
- Marshall, S.A. 2009. Insects. Their natural history and diversity. 732 p.
- McGavin, G. 2000. Insectes – Araignées et autres arthropodes terrestres. 255p.
- Smeesters, E. et al. 2005. Solutions écologiques en horticulture. 198 p.
- Bug Guide. Family Chrysopidae – Green lacewings. http://bugguide.net/node/view/140