Il y a quelques étés, j’eus la chance d’observer de près un fort joli coléoptère déambulant nonchalamment sur le pavé de ma cour. Ladite bête était d’une taille appréciable, ce qui attisa ma curiosité. Pensant faire affaire à un carabe (voir cette chronique), je m’approchai de l’individu pour l’examiner et fus surprise de voir qu’il s’agissait d’un nouvel insecte que je ne connaissais pas encore.


L’insecte en question était loin d’être farouche et me laissa le photographier allègrement sous tous ses angles. Je pris également quelques vidéos, dont une que vous pourrez visionner à la fin de la présente chronique. Photos en main, je commençai à feuilleter le livre Les insectes du Québec (Dubuc, 2007) et trouvai rapidement une correspondance : mon mignon coléoptère était en fait un osmoderme rugueux (Osmoderma scabra).
Dans la chronique de la semaine dernière, je vous faisais deviner quelle était l’identité d’un autre gros coléoptère de ce genre : il s’agissait d’un osmoderme ermite (Osmoderma eremicola). J’avais trouvé ce dernier mort dans un sentier et l’avais ramené à la maison afin de l’identifier et de l’épingler (ajout à ma collection « écorespectueuse » faite d’invertébrés déjà retrouvés morts).
À eux deux, les individus précités constituent les représentants du genre osmoderme retrouvés au Québec. En effet, selon Hardy (2014), deux espèces ont été récoltées à ce jour au Québec : O. scabra et O. eremicola.
Les osmodermes sont des scarabées (famille : Scarabaeidae) et, plus particulièrement, des cétoines (sous-famille Cetoniinae). Leur aire de distribution couvre la côte est de l’Amérique du Nord. Au Québec, on les retrouve dans tout le sud de la province.

Les deux familles observées au Québec sont étroitement associées à des habitats forestiers : les larves se développent dans le bois pourri et les troncs creux des arbres. Les adultes, de leur côté, s’observent également sous ou sur le bois et peuvent notamment être attirés par des écoulements de sève dont ils se nourrissent. À ce qu’il semble, ils ne causeraient pas de dommage aux arbres sains. Plus spécifiquement, l’osmoderme rugueux est associé aux forêts décidues comprenant de vieux érables et des peupliers faux-trembles, alors que l’osmoderme ermite vivrait davantage dans les forêts peuplées de chênes.
D’autres caractéristiques permettent de différencier ces deux espèces. Par exemple, comme son nom l’indique, les élytres (ailes postérieures durcies) de l’osmoderme rugueux sont striés, alors que la tête et le pronotum (segment situé entre la tête et les élytres) sont ponctués. Bref, le corps de cette espèce est plutôt… rugueux! En revanche, le corps de l’osmoderme ermite est plus luisant. Son pronotum est peu ponctué et ses élytres sont faiblement striés de sorte qu’ils semblent lisses.
Un autre attribut qui m’a rassurée quant à l’identification de l’osmoderme que j’avais trouvé mort cet été est l’apparence du pronotum : celui de l’osmoderme ermite est formé d’une dépression en son centre. Ce n’est pas le cas chez les osmodermes rugueux, quoique les mâles soient munis de deux à quatre carènes (arêtes) faisait en sorte qu’il faut les regarder attentivement pour ne pas prendre le creux entre ces dernières pour une dépression. Vous pouvez voir une photographie d’un mâle osmoderme rugueux dont les carènes sont apparentes sur Bug Guide en cliquant sur ce lien. J’affiche aussi, dans la présente chronique, des photos côte à côte de nos deux espèces pour vous permettre de les comparer.

De plus, l’osmoderme ermite atteint une taille supérieure (environ 21 à 32 centimètres) à celle de l’osmoderme rugueux (environ 15 à 26 centimètres); les très gros individus risquent donc d’appartenir davantage à la première espèce qu’à la seconde. Néanmoins, dans les deux cas, il s’agit tout de même de gros insectes, comme en témoignent mes photographies. Malgré leur grande taille, ces scarabées sont pacifiques et ne semblent pas portés à mordre. Vous pouvez vous laisser aller à les manipuler!
Bien que la documentation consultée indique que ces coléoptères sont plus actifs la nuit, les quelques individus vivants que j’ai croisés jusqu’à maintenant étaient actifs pendant la journée. Cela dit, il semblerait qu’ils soient attirés par les lumières le soir, faisant en sorte que vous pourriez les apercevoir lors de soirées d’été près de vos demeures (si des boisés sont situés à proximité, bien sûr)!
Pour terminer, un fait intriguant que j’ai appris en effectuant mes recherches pour la présente chronique est que nos deux espèces d’osmodermes québécoises émettraient une odeur de cuir lorsqu’elles sont manipulées. Étrangement, cela cadre bien avec leur apparence cuirassée!
Vidéo. Sympathique osmoderme rugueux se promenant sur ma main.
Pour en savoir plus
- Dubuc, Y. 2007. Les insectes du Québec. 456 p.
- Evans, A.V. 2008. Field guide to insects and spiders of North America. 497 p.
- Evans, A.V. 2014. Beetles of Eastern North America. 560 p.
- Hardy, M. 2014. Guide d’identification des Scarabées du Québec (Coleoptera: Scarabaeoidae). Entomofaune du Québec (EQ) inc., Saguenay. 166 pages.
- Bug Guide. Genus Osmoderma. http://bugguide.net/node/view/9890
- Bug Guide. Species Osmoderma eremicola. http://bugguide.net/node/view/9891
- Bug Guide. Species Osmoderma scabra. http://bugguide.net/node/view/15974