

En mars dernier, j’ai eu le plaisir d’aller passer une fin de semaine avec ma belle-famille dans un sympathique chalet autour duquel on pouvait pratiquer de multiples activités hivernales. Je vous fais trêve d’histoires familiales et je me rends directement au point qui vous intéresse : lorsque vint le temps de quitter, je me chargeai de passer le balai dans le chalet, ce qui incluait le sous-sol où mon conjoint et moi étions installés pour le séjour. Je trouvai plusieurs spécimens du même insecte que je ne connaissais pas. C’était de toute évidence un coléoptère, mais je n’étais pas outillée pour l’identifier dans l’immédiat.
Je préservai donc deux individus que je ramenai dans un pilulier (oui, j’en ai toujours à portée de main!) aux fins d’identification. Ce n’est qu’une fois rendue à la maison que j’eus la surprise de découvrir qu’il s’agissait de dermestes du lard (Dermestes lardarius)… une espèce envahissante considérée comme une peste! Nous ne semblions pas en avoir ramené avec nous à la maison, fort heureusement!
Le dermeste du lard se distingue des autres dermestes par les motifs présents sur ses élytres. En effet, les élytres foncés sont flanqués d’une bande beige-orangé qui est ponctuée de six points plus sombres (trois par élytre). C’est cette partie du corps de l’insecte qui était visible sur la photo de la devinette de la semaine dernière.
Un des deux spécimens collectés était moribond et bougeait encore légèrement lorsque je le pris dans mes mains. Je pus filmer une vidéo de ce dernier qui est incluse dans la présente chronique. Les deux autres spécimens observés étaient, quant à eux, morts. Je me demandai par la suite si ceux-ci avaient été empoisonnés. Il faut dire que, pour des gens qui louent un chalet, ce n’est pas nécessairement une bonne nouvelle de voir celui-ci envahi par des dermestes.


Je me demandai aussi pourquoi ces derniers s’étaient retrouvés dans cette demeure en particulier. C’est en fouillant dans mes livres et sur Internet que je pus lire que les dermestes sont attirés par différentes denrées, habituellement riches en protéines : les viandes (d’où il tire vraisemblablement son nom « dermeste du lard »!), la nourriture pour chiens et chats, les fourrures, les plumes et les insectes morts. Étant donné que nous avions observé pendant notre séjour qu’il y avait beaucoup de mouches mortes sur le rebord élevé d’une fenêtre inatteignable (donc où le ménage ne se fait pas régulièrement), je présumai que j’avais trouvé la source de nourriture qui attirait nos coléoptères.
Selon la documentation consultée, c’est tôt au printemps que les dermestes pénètrent dans les demeures, attirés par les insectes morts ou l’odeur d’autres denrées. Une fois à l’intérieur, ils en profitent pour pondre leurs œufs, dont les larves se nourriront ensuite desdites denrées.
Les larves sont susceptibles de causer des dommages importants, outre le fait qu’elles se nourrissent de certains de nos aliments. Selon le PennState College of Agricultural Sciences, des tests effectués en laboratoire ont permis de conclure que les larves étaient en mesure de percer non seulement le bois, mais aussi le fer aisément afin de se procurer une place confortable pour leur pupaison!
J’avais déjà observé des larves de dermestes chez moi, mais il ne s’agissait pas du dermeste du lard (les adultes aperçus étaient plus petits et ne possédaient pas les motifs caractéristiques de D. lardarius). Les larves de dermestes ressemblent à de petites chenilles compactes et très poilues. Elles sont de couleur brunâtre. J’en avais observé une sous mon microscope que je pus également filmer (voir les vidéos ci-dessous). Ce qu’il faut dire, c’est que ces larves ne sont pas particulièrement appréciées des muséologues ou des entomologistes, car elles sont susceptibles de détruire des insectes ou des animaux naturalisés. Dans mon cas, j’en vois à l’occasion dans la maison, mais je n’ai jamais noté aucun dommage, ni sur ma collection d’insectes ni ailleurs. Leur nombre est sans doute insuffisant pour poser une menace quelconque.

Comme je bâtis moi-même ma collection d’insectes à partir d’organismes retrouvés morts, il m’est déjà arrivée de voir sortir une larve de dermeste d’un individu que je venais de recueillir. Il me faut user de précaution pour ne pas contaminer le reste de ma collection; les invertébrés récoltés prennent donc immédiatement le chemin du congélateur. D’ailleurs, en cas d’invasion de dermestes du lard, le PennState College of Agricultural Sciences conseille de mettre les produits « contaminés » au chaud (140° pendant 30 minutes) ou au froid (0° pendant 3 à 4 jours). Cela a pour effet de tuer les insectes indésirables qui y sont associés.
En outre, si vous observez de toutes petites chenilles poilues et brunes, ou encore de plus gros coléoptères noirs et beiges/oranges dans votre demeure, il pourrait être utile de les identifier afin de vous assurer que vous n’êtes pas aux prises avec une espèce de dermeste pouvant causer des dommages. Cela dit, il semble que ce ne soient pas toutes les espèces de dermestes qui sont problématiques, puisque bon nombre d’entre eux vivent en notre compagnie sans se faire voir!
Vidéo 1. Dermeste du lard moribond observé dans un chalet.
Vidéo 2. Larve de dermeste vue sous le microscope.
Vidéo 3. Même larve de dermeste.
Pour en savoir plus
- Bug Guide. Species Dermestes lardarius – Larder Beetle. http://bugguide.net/node/view/6450
- Commission canadienne des grains. Dermeste du lard – Dermestes lardarius L. http://www.grainscanada.gc.ca/storage-entrepose/sip-irs/lb-dl-fra.htm
- Dubuc, Y. 2007. Les insectes du Québec. 456 p.
- Espace pour la vie. Dermeste du lard. http://espacepourlavie.ca/insectes-arthropodes/dermeste-du-lard
- Evans, A.V. 2014. Beetles of Eastern North America. 560 p.
- Marshall, S.A. 2009. Insects. Their natural history and diversity. 732 p.
- Michigan State University. Larder beetle (Dermestes lardarius). http://www.pestid.msu.edu/larder-beetle/
- PennState College of Agricultural Sciences. Larder Beetle. http://ento.psu.edu/extension/factsheets/larder-beetle
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