
Bravo à ceux qui ont deviné que l’antenne présentée dans le cadre de la dernière devinette appartenait à un longicorne! Ces insectes sont effectivement souvent munis d’antennes très longues comparativement à la taille de leur corps. C’est, sans surprise, ce qui leur a valu leur nom commun!
Plus précisément, le spécimen qui a fait l’objet de mon cliché est un longicorne noir, Monochamus scutellatus. Il s’agit d’un longicorne très commun au Québec qui est également facile à reconnaître. Il tire son nom de son scutellum apparent – le petit écusson qui se situe au point d’intersection entre les deux élytres. Ce dernier, de couleur blanche, contraste de façon évidente avec le reste de sa robe sombre. C’est un critère permettant de savoir, au premier coup d’œil, que l’on fait face à M. scutellatus.
Par ailleurs, les mâles et les femelles se distinguent également assez aisément. Les antennes des mâles font deux fois la longueur de leur corps, alors que celles des femelles sont égales ou légèrement plus longues que l’abdomen, sans plus. De même, les élytres de la femelle sont ponctués de mouchetures blanchâtres; en revanche, le mâle est plus uniformément noir.

Vous vous demandez peut-être pourquoi j’ai nommé le présent billet « faire feu de tout bois »? Cette expression se voulait une référence à l’habitat privilégié par notre joli coléoptère. En effet, les femelles pondent leurs œufs sur les arbres morts ou endommagés – de préférence des pins ou des épinettes. Elles sont particulièrement attirées par les parcelles d’arbres brûlés. À ce qu’il semble, il y aurait une corrélation positive entre l’abondance du longicorne noir, la sévérité de récents feux pour un secteur donné, ainsi que l’abondance et la taille des arbres brûlés. La présence de forêts saines adjacentes aux parcelles brûlées est toutefois nécessaire, puisque les adultes se nourrissent des aiguilles de résineux et de l’écorce tendre des jeunes pousses ou des branches de conifères.


Les femelles déposent leurs œufs dans des cavités qu’elles grugent elles-mêmes. Étant donné le temps qu’elles passent à « creuser » leur nid, il arrive que certaines femelles préfèrent voler le nid d’autrui plutôt que de s’attarder à creuser leur nid elles-mêmes. Ayant de larges mandibules, elles s’affairent à tenter de couper les pattes ou les antennes de leurs consœurs! D’ailleurs, les adultes longicornes sont reconnus pour avoir de fortes mandibules… qui peuvent servir à mordre les doigts inquisiteurs! Vous en serez avertis!
Les larves évoluent d’abord immédiatement sous l’écorce, près de la surface, avant de s’enfoncer plus profondément à l’intérieur de l’arbre. J’ai déniché cette vidéo sur YouTube où l’on peut entendre, puis voir, tout un amas de larves de longicornes logées directement sous l’écorce d’un tronc coupé. Surprenant, n’est-ce pas? Saviez-vous d’ailleurs que l’on pouvait entendre les larves des longicornes ronger le bois mort?
Lorsqu’elles creusent leurs galeries, les larves entraînent avec elles des fongus susceptibles de décomposer le bois plus rapidement. De façon générale, elles sont bénéfiques, puisqu’elles contribuent à la réduction de la matière végétale morte en humus, ainsi qu’au recyclage des nutriments qui y sont associés. Toutefois, les compagnies forestières les apprécient moins. En effet, les troncs coupés, s’ils sont laissés sur place en période de reproduction du longicorne, peuvent se retrouver envahis de petites larves et des champignons qui les accompagnent. La qualité du bois peut s’en retrouver réduite, de même que sa valeur marchande. Là où ça fait mal, quoi!
Le longicorne noir est bien réparti en Amérique du Nord. Au nord, on l’observe de l’Alaska jusqu’à Terre-Neuve. Au sud-ouest, son aire s’étend jusqu’en Arizona et au Nouveau-Mexique, alors qu’on le retrouve jusqu’en Caroline du Nord vers l’est.
Aussi, pas besoin d’être en pleine forêt pour l’observer, malgré sa prédisposition à ronger les résineux. En effet, une des toutes premières demandes d’identification de ce coléoptère provenait de mes parents en juin 2012, qui résident en milieu urbain (le blogue DocBébitte n’existait pas encore à cette époque, mais on me demandait déjà « qu’est-ce que cette bébitte »!). Ainsi, il est possible de croiser ces coléoptères alors qu’ils sont sans doute en déplacement entre deux lieux d’alimentation, ou encore entre un lieu d’alimentation et un lieu de ponte. J’en ai moi-même photographié et filmé un dans ma cour l’été dernier, mais il faut dire que j’ai un boisé d’envergure qui longe le cap situé derrière ma demeure. Si le cœur vous en dit, vous pouvez visionner la vidéo que j’ai prise et qui présente ce sympathique coléoptère en action!

Pour terminer, le longicorne noir peut être vu aux lumières le soir. L’été dernier, j’en ai ainsi vu un partiellement enchevêtré dans une toile d’araignée bordant ma maison; il s’était malheureusement cassé une antenne en tentant de se déloger. J’en profitai pour le sortir du pétrin et le manipuler à ma guise. C’était seulement deux jours avant l’observation documentée sur vidéo ci-dessous, soit à la fin de juillet. Ainsi, plusieurs adultes différents circulaient autour de ma demeure à ce moment de l’année. D’ailleurs, une des sources consultées indique que la période d’émergence s’étend entre la mi-juin et la mi-août, sans toutefois préciser s’il y a une différence selon la latitude. Durant cette période, donc, surveillez les insectes qui approchent à vos lumières. Avec un peu de chance, vous pourriez voir ce joli longicorne, facile à reconnaître!
Vidéo 1. Longicorne noir mâle observé dans ma cour (27 juillet 2016).
Pour en savoir plus
- Bug Guide. Species Monochamus scutellatus – Whitespotted Sawyer. http://bugguide.net/node/view/7432
- Dubuc, Y. 2007. Les insectes du Québec. 456 p.
- Evans, A.V. 2008. Field guide to insects and spiders of North America. 497 p.
- Evans, A.V. 2014. Beetles of Eastern North America. 560 p.
- Marshall, S.A. 2009. Insects. Their natural history and diversity. 732 p.
- Wilson, L. F. 1962. White-Spotted Sawyer. U.S. Department of Agriculture Forest Service. Forest Insect & Disease, Leaflet 74. https://www.na.fs.fed.us/spfo/pubs/fidls/ws_sawyer/ws_sawyer.htm
- Wikipédia (français). Monochamus scutellatus. https://fr.wikipedia.org/wiki/Monochamus_scutellatus
- Wikipedia (anglais). Monochamus scutellatus. https://en.wikipedia.org/wiki/Monochamus_scutellatus
- YouTube. Sawyer Beetle Larvae. https://www.youtube.com/watch?v=_ByXirczAFs
J’en ai vu deux dans mon appartement ce soir. L’un était dans la vitre intérieure de la chambre de mon fils et l’autre à l’intérieur aussi mais de la porte patio de ma chambre qui se se situe du côté nord.
Dois-je m’inquiéter puisqu’ils étaient à l’intérieur? Toutes les portes et fenêtres fermées (air climatisé).
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Bonjour,
Il arrive souvent que des individus se retrouvent à l’intérieur en y étant transportés en même temps que des bûches qui servent à faire des feux (les bûches abritent les larves qui se métamorphosent en cours de route). C’est ce qui est le plus fréquent et cela ne s’avère pas être inquiétant. Je ne sais pas si cela pourrait être votre cas?
Au plaisir!
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