Un champion patineur!

Les insectes aquatiques ou semi-aquatiques sont généralement méconnus, si on les compare à d’autres compères plus populaires (papillons, par exemple). On ne peut pas dire que c’est le cas des gerridés, mieux connus sous le nom de patineurs ou d’araignées d’eau. Malgré cette dernière appellation, ces insectes sont loin d’être des araignées : il s’agit d’hémiptères (punaises et compagnie).

Les gerridés (famille Gerridae) sont bien adaptés à la vie en milieu aquatique. Leurs pattes, munies de poils hydrofuges, servent en quelque sorte de raquettes : elles leur permettent de « marcher » sur l’eau. Ainsi, en quelques mouvements de pattes, ils glissent aisément à la surface de l’eau, tels des patineurs.

Gerridae
Patineur dans mon étang à poisson

Comme patiner se fait plus facilement sur une surface lisse, il n’est pas surprenant de constater que ces insectes ont une préférence pour les eaux plus calmes : étangs, lacs, portions calmes de rivières… et piscines!

Seules les pattes du milieu et les pattes postérieures touchent l’eau et servent à la navigation. Les pattes antérieures, plus courtes, sont maintenues repliées, dans les airs. Cela donne l’impression que ces hémiptères n’ont que quatre pattes. Détrompez-vous! Ils en ont bien six!

Ces courtes pattes antérieures servent à saisir des proies. En effet, les patineurs sont des prédateurs qui percent les tissus de leurs proies avec leur rostre afin d’y aspirer les fluides. Leur menu est fort varié et comprend autant des proies aquatiques que terrestres, qu’elles soient mortes ou vives! Même un autre gerridé peut se retrouver au menu, ces derniers étant cannibales! C’est souvent en sentant les vibrations d’invertébrés à la surface de l’eau – par exemple, un invertébré terrestre tombé à l’eau et en détresse – qu’ils parviennent à trouver leur proie. Il semblerait qu’ils soient aussi dotés d’une bonne vue, utile pour détecter les proies. J’ajouterais à cet effet qu’ils nous voient venir de loin quand on cherche à les photographier : ils détalent rapidement!

Gerridae 2
Patineur dans ma piscine au printemps, en train de déguster un repas (ver)

Bien qu’ils préfèrent sillonner la surface des milieux aquatiques, les gerridés sont capables de plonger sous l’eau. Ils sont munis d’écailles imperméables qui les protègent. De plus, les poils imperméables qui recouvrent leur corps capturent une fine couche d’air qui leur permet de respirer sous l’eau. Étonnamment, malgré tout cet arsenal les protégeant de l’eau, les gerridés préfèrent tout simplement se réfugier comme vous et moi lorsqu’il pleut. Ils se servent des feuilles des arbres en guise de parapluie!

Une particularité notable de cette famille est qu’elle contient des individus adaptés à la vie en milieu marin. Les océans sont considérés comme un désert que seules quelques espèces d’insectes ont pénétré. Selon Merritt et Cummins 1996, de toutes les espèces d’insectes vivantes, on ne retrouve que quelques espèces qui ont peuplé l’océan : elles appartiennent toutes à la famille Gerridae (genre Halobates). La vie en milieu marin n’est pas facile et ces gerridés doivent survivre à l’aide des quelques ressources alimentaires qu’ils peuvent trouver et percer de leur rostre : œufs de poissons, zooplancton et autres invertébrés incluant des gerridés. Ils sont aussi restreints à pondre leurs œufs sur les rares objets qui flottent, ce qui inclut, selon Marshall 2009, des oiseaux de mer vivants!

Le polymorphisme alaire (différentes tailles ou formes d’ailes) est fréquent chez les gerridés. On peut donc retrouver autant d’individus dotés d’ailes que d’individus aptères au sein d’une même espèce. Le fait de ne pas avoir d’ailes ou encore d’avoir de très petites ailes rend ces insectes moins lourds (avoir des ailes mouillées n’est pas toujours pratique, selon la littérature). En revanche, avoir de grandes ailes permet aux individus de quitter un point d’eau pour un autre, notamment si le premier s’assèche ou devient trop peuplé. Il s’agit en outre d’une bonne méthode pour coloniser rapidement un nouveau point d’eau (voir cette chronique)! C’est visiblement la stratégie adoptée par les spécimens qui visitent nos piscines.

Veliidae
Vélie capturée en rivière (noter ses fémurs plus courts)

Une autre famille d’hémiptères ressemble beaucoup aux gerridés : ce sont les vélies (Veliidae). Ces deux familles sont adaptées à la vie à la surface de l’eau et s’y déplacent de façon similaire; les Veliidae sont d’ailleurs appelés « patineurs à épaules larges » en anglais. Leur mode d’alimentation est également comparable. Toutefois, Voshell 2002 propose une méthode facile pour les distinguer : chez les gerridés, le fémur des pattes antérieures – soit la première portion bien visible de la patte – dépasse largement le bout de l’abdomen lorsque l’on étire la patte. Chez les vélies, le fémur est plus court et ne dépasse pas le bout de l’abdomen.

Finalement, bien que les vélies occupent globalement le même type d’habitat que les gerridés, le genre le plus commun en Amérique du Nord (Rhagovelia) a une préférence pour les eaux un peu moins calmes comme les remous de rivières et les ruisseaux. On peut fréquemment les observer dans ces habitats, formant des rassemblements de plusieurs dizaines d’individus. Bien que les gerridés soient décrits comme étant territoriaux, il est également fréquent de les retrouver en grands groupes, en particulier pour partager un repas de taille (voir cette photographie tirée de Wikipedia). Bref, l’on se retrouve parfois avec tellement de patineurs dans un même endroit que l’on se croirait aux Olympiques!

 

Pour en savoir plus

  • Dubuc, Y. 2007. Les insectes du Québec. 456 p.
  • Marshall, S.A. 2009. Insects. Their natural history and diversity. 732 p.
  • Merritt, R.W. et K.W. Cummins. 1996. Aquatic insects of North America. 862 p.
  • Voshell, J.R. 2002. A guide to common freshwater invertebrates of North America. 442 p.
  • Bug Guide. Family Gerridae – Water Striders. http://bugguide.net/node/view/163
  • Wikipedia. Gerridae. http://en.wikipedia.org/wiki/Gerridae

2 réflexions sur “Un champion patineur!

  1. Pingback: La fascinante ponte des libellules! – DocBébitte

  2. Pingback: Reconnaître les macroinvertébrés aquatiques d’eau douce – Partie 2 – DocBébitte

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s