

C’est avec enthousiasme que je vous entretiens cette semaine au sujet d’une famille d’araignées que j’ai bien à cœur : les Agelenidae. J’avais envie de vous parler de ce groupe d’arachnides depuis déjà belle lurette et l’occasion se présente enfin!
Pourquoi un tel enthousiasme pour des araignées qui, il faut le dire, ne figurent habituellement pas au top 10 des invertébrés les plus appréciés? D’une part, il s’agit du premier groupe d’araignées que j’ai appris à identifier à l’espèce. D’autre part, c’est une famille qui est omniprésente et pour laquelle j’ai moult anecdotes à raconter – incluant un retour en enfance lorsque j’habitais chez mes parents!
Commençons donc!
Que vous soyez spécialiste ou profane, vous connaissez sans aucun doute les agélénidés, et ce, pour deux raisons. Tout d’abord, les individus appartenant au genre Tegenaria – que l’on nomme communément « tégénaires » – sont associés aux habitations humaines. Ils s’abritent dans nos maisons où ils sont actifs pendant la majorité de l’année. Les tégénaires sont cosmopolites et sont retrouvées dans de nombreux pays autour du globe; elles sont donc bien connues des humains, qu’elles ont suivi dans leurs déplacements. Deuxièmement, les membres du genre Agelenopsis sont très communs autour de nos maisons. Leurs toiles en forme d’entonnoir sont caractéristiques et tapissent nos haies, clôtures et murs extérieurs. Bref, les Agelenidae nous côtoient de près.
C’est surtout ce second genre – Agelenopsis – que je connais davantage. Lorsque j’étais petite, les haies de thuyas entourant la maison familiale étaient parsemées de petites toiles en forme d’entonnoir. Je m’amusais alors à jeter de petits bouts de gomme sur la plate-forme bordant le creux de l’entonnoir afin de voir sortir, à grande vitesse, une araignée croyant attraper une proie. L’araignée déçue avait vite fait de décrocher mon bout de gomme et de le jeter par terre, puis de retourner dans son antre en attendant patiemment une vraie proie!


Fait que je ne savais pas à ce moment, la soie tissée par les Agelenidae n’est pas collante. Plutôt que de baser leur tactique de chasse sur une toile collante où leur proie reste coincée, ces araignées se fient à leur vitesse d’exécution. Ainsi, elles attendent patiemment, tapies dans leur retraite en forme d’entonnoir, qu’un insecte tombe dans leur toile. Vites comme l’éclair, elles bondissent sur l’individu en question. Il faut dire que leurs pattes sont munies de fins poils qui sont très sensibles aux vibrations – ce qui leur permet de réagir rapidement à tout stimulus! Cela inclut, bien sûr, des bouts de gomme jetés sur la toile!
Les Agelenopsis sont de taille moyenne et peuvent atteindre une longueur frôlant les 2 centimètres. Ces araignées se reconnaissent non seulement par les toiles en forme d’entonnoir qu’elles tissent, mais aussi par leur morphologie distincte : corps plutôt allongé, longues filières et, chez les mâles, longue spirale visible à l’œil nu ornant la partie ventrale des pédipalpes. Bien que d’autres familles d’araignées comprennent des individus tissant des toiles en forme d’entonnoir, ce seraient les agélénidés qui seraient les plus communs selon Bradley (2013). Si vous êtes attentifs aux différentes caractéristiques citées ci-dessus, vous devriez être en mesure de confirmer que les espèces observées sont ou non des Agelenidae.
La retraite en forme d’entonnoir est munie d’une seconde issue située à l’arrière de la toile. Cela permet à l’araignée de fuir de potentiels prédateurs. J’ai d’ailleurs pu observer un individu du genre Agelenopsis fuir une guêpe parasitoïde de cette façon. J’ai tout juste eu le temps de prendre une courte vidéo de la situation, que vous pouvez visionner à la fin de la présente chronique.


Les deux genres d’Agelenopsis présents au Québec sont Agelenopsis potteri et Agelenopsis utahana. Ces deux genres se côtoient dans la portion méridionale et sud de la province. A. utahana est cependant un peu plus nordique que A. potteri et se retrouverait jusqu’à la forêt boréale. À noter que, selon Paquin et Dupérré (2003), deux autres espèces pourraient aussi être retrouvées à l’extrême sud de la province : A. actuosa et A. emertoni. Avec les changements climatiques et l’extension d’aire vers le nord observée pour de nombreuses espèces animales et végétales, peut-être seront-elles de plus en plus remarquées dans le futur.
Pour ma part, je retrouve des membres de A. potteri et A. utahana régulièrement autour de ma demeure (à la hauteur de la ville de Québec). Ce sont d’ailleurs ces deux espèces d’araignées que j’ai appris à identifier en premier. En effet, j’ai commencé à recueillir les invertébrés qui tombaient dans ma piscine à la fin de l’été 2013. J’ai vite réalisé que les mois d’août et de septembre étaient des mois où les Agelenopsis – en particulier les mâles – se promenaient beaucoup au sol. En se déplaçant, ces derniers tombaient dans ma piscine qui est située à la hauteur du sol et s’y noyaient.
Comme mentionné plus tôt, les mâles arborent des structures en forme de spirale sous leurs pédipalpes qui s’avèrent représentatives du genre Agelenopsis. Chez A. potteri, la spirale est plus épaisse et se termine par une pointe recourbée qui fait penser à un petit crochet. On peut même apercevoir cette courbure sur les photographies d’individus vivants si l’on est attentifs. J’ai également remarqué que les individus A. utahana étaient généralement plus jaunâtres et n’arboraient pas de lignes brunes aussi distinctes que A. potteri sur le céphalothorax. Il n’en demeure pas moins que Paquin et Dupérré (2003) précisent que la coloration peut être variable chez ces individus… La meilleure façon de les identifier à l’espèce sans avoir de doute est par conséquent d’examiner les pédipalpes. Pour ce qui est des femelles, la tâche est plus complexe et il faut préférablement les examiner sous une loupe stéréoscopique!
Si vous apercevez des araignées dans des toiles en forme d’entonnoir, vous saurez maintenant quelles caractéristiques examiner afin de savoir à quel individu vous faites face! Si le fait d’approcher ces araignées vous fait un peu peur, je peux vous rassurer : bien qu’ils soient rapides et plutôt voraces, toutes les sources que j’ai consultées s’entendent pour dire que les Agelenidae sont inoffensifs. Ils préféreront prendre la fuite avant d’attaquer! Comme l’adage le veut : les petites bêtes ne mangent pas les grosses!
Vidéo 1. Agelenopsis qui a fui par l’issue arrière de sa retraite alors qu’une guêpe parasitoïde tente de l’attraper en entrant par la partie avant. Échappée belle!
Pour en savoir plus
- Bradley, R.A. 2013. Common spiders of North America. 271 p.
- Paquin, P. et N. Dupérré. 2003. Guide d’identification des araignées (Araneae) du Québec. 251 p.
- Bug Guide. Agelenopsis. http://bugguide.net/node/view/2001
- Wikipédia. Agelenopsis. https://en.wikipedia.org/wiki/Agelenopsis
- Wikipédia. Tegenaria domestica. https://fr.wikipedia.org/wiki/Tegenaria_domestica
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bonjour j’ai trouvé au fond de mon jardin dans un ancien toilette a moitié éboulé des toiles en forme d’entonnoir tissées serre dès que nous touchions la toile une énorme araignée noire se ruait sur la fausse proie (leur grosseur était impressionnante .
je vais tenter de retrouver ces spécimens pour les photographier et vous les envoyer !
c’est en France sont elles dangereuses pour des enfants ,ou des gens ?…
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Bonjour. Merci pour votre témoignage! Je ne connais pas suffisamment les espèces françaises pour vous indiquer avec certitude si elles sont dangereuses. Les espèces d’agélénidés que nous avons au Québec ne sont pas venimeuses, pour leur part.
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