De l’aide pour la lutte aux scarabées japonais?

À la mi-juillet, un des lecteurs DocBébitte – et collègue entomologiste – m’écrivait afin de me parler d’un parasitoïde de plus en plus répandu au Québec qui pourrait nous donner un souffle nouveau dans la lutte aux gourmands et abondants scarabées japonais. Ce lecteur me transmettait, dans le même message, un hyperlien vers un site qui décrivait davantage la situation (Les vivaces de l’Isle; voir section Pour en savoir plus).

Peu après la réception de ce commentaire, j’eus la chance d’observer moi-même deux scarabées parasités, dont un qui semblait mort. Je pus prendre des clichés et vidéos de ce dernier, qui semblait complètement figé sur place. À la suite de ces observations, j’effectuai quelques recherches supplémentaires et je souhaitais aujourd’hui vous partager mes trouvailles.

Scarabée japonais parasité
Scarabée japonais parasité

Tout d’abord, les traces du parasitoïde en question sont facilement visibles : elles consistent en un ou plusieurs œufs blancs pondus sur le thorax des scarabées, soit la partie verdâtre située tout juste derrière leur tête. Ces œufs sont celle d’une mouche – Istocheta aldrichi – qui origine elle aussi du Japon.

La larve qui émerge de l’œuf pénètre dans le scarabée et se nourrit de ses tissus internes. Le scarabée s’en retrouve rapidement paralysé. Ensuite, la larve bien nourrie forme une pupe et passe l’hiver sous cette forme, à l’abri, dans la carcasse vidée du scarabée. La carcasse immobile que je pus observer constituait sans doute de tels restes. Ce qui me surprit, cependant, c’est que le scarabée était bien fixé à la feuille et demeurait ainsi très visible. Un prédateur (oiseau?), aurait-il pu avaler le tout – scarabée et parasitoïde inclus? À ce que j’ai pu en lire, les scarabées infestés auraient plutôt tendance à s’enfouir. Avez-vous fait des observations qui diffèrent de ces dires, comme ce qui semble être mon cas?

Fait intéressant, les femelles sont davantage infestées que les mâles. Notre mouche profiterait en effet de la plus grande immobilité des femelles en période d’accouplement pour y pondre ses œufs. Et cela est d’autant plus intéressant – du point de vue de la lutte biologique –, car les femelles parasitées mourraient avant d’être en mesure de pondre leur précieuse cargaison (40 à 60) d’œufs. Cela étant dit, les mouches sont susceptibles de pondre jusqu’à une centaine d’œufs sur une période d’un mois. C’est que ça en fait beaucoup de scarabées potentiellement parasités!

Le coléoptère parasité était agglutiné à la feuille, immobile
Le coléoptère parasité était agglutiné à la feuille, immobile
L’œuf du parasitoïde vu de plus près
L’œuf du parasitoïde vu de plus près

Notre diptère allié a été introduit au New Jersey en 1922, pour des raisons de lutte biologique… justement contre le scarabée japonais qui y faisait ravage depuis 1912. Il est demeuré cependant très discret… trop sans doute pour ceux qui espéraient voir cette espèce décimer les populations de scarabées japonais. Les cas de parasitisme n’auraient été réellement recensés que plusieurs décennies plus tard, dans les années 1970. En effet, au New Jersey, le climat engendrait un décalage entre la mouche et le scarabée, rendant peu efficace son introduction. Néanmoins, la mouche est parvenue à s’établir plus au nord et – de toute évidence – à y proliférer. Au Canada, les premières observations de I. aldrichi sont très récentes et datent de 2013 ou 2014 (varie selon les sources), en Ontario.

Vous pouvez voir une très belle photo de cette mouche sur le site Le Jardinier paresseux (voir section Pour en savoir plus). Elle ne fait que 5 mm de longueur. Malgré sa petite taille, gardez l’œil ouvert : elle peut être observée dans nos plates-bandes, puisqu’elle se nourrit de nectar.

Plus précisément, deux des sites consultés énumèrent quelques plantes que notre mouche parasitoïde affectionne. Elles incluent de multiples plantes typiques de nos plates-bandes et jardins comme les asters, les marguerites, les rudbeckies, l’origan et la coriandre. Je vous suggère de jeter un coup d’œil à ces sites (Les vivaces de l’Isle, Le Jardinier paresseux), qui pourraient vous donner des idées si vous souhaitez prendre des mesures encourageant la présence de cette mouche parasitoïde.

Dans la même veine, les experts recommandent d’éviter de tuer les scarabées qui sont parasités. En outre, il semble que les insecticides soient plus nocifs pour les mouches (que l’on veut voir se multiplier) que pour nos coléoptères ravageurs.

En tant qu’écologiste, je dois enfin me garder une petite réserve. Cette mouche, bien qu’utile dans la lutte aux scarabées japonais, pourrait-elle s’avérer nocive pour des insectes indigènes que l’on cherche à protéger? Souvent, lorsque l’on introduit une espèce exotique, on se retrouve avec des effets imprévus sur les organismes qui étaient déjà présents dans l’environnement… Espérons que la venue de cette mouche dans nos jardins sera uniquement synonyme de saine lutte biologique! Je garderai certainement un œil ouvert pour la suite des événements!

Pour votre information : Espace pour la vie a émis une publication sur sa page Facebook au mois de juin et invite les personnes qui observent des œufs sur le thorax des scarabées japonais à signaler leurs observations par le biais de son site Internet : https://monespace.espacepourlavie.ca/en/identify-insect

 

Vidéo 1. Scarabée japonais immobile (et sans doute mort) que j’ai filmé à la fin du mois de juillet 2018, en Montérégie.

 

Pour en savoir plus

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