Lors du dernier congrès de l’Association des Entomologistes Amateurs du Québec (AEAQ), j’ai eu la chance d’aller au Camp l’ERE de l’Estuaire situé à Port-au-Saumon. Quel ne fut pas mon plaisir de constater qu’il y avait un joli petit ruisseau cascadant vers l’estuaire! Naturellement, je ne pus m’empêcher d’aller y inspecter quelques roches, à la recherche d’invertébrés aquatiques.

En particulier, nous avons eu quelques heures libres dévolues justement à la chasse aux insectes. Je me retrouvai avec d’autres participants, à la fois intéressés par la fraîcheur des eaux du ruisseau (il faisait chaud) et par la découverte de quelques bêtes invertébrées. Le petit groupe avec lequel je remontai le ruisseau était composé de gens bien avertis : on m’indiqua rapidement la présence d’étranges petits fourreaux en pierre et en matière végétale au fond de l’eau. Il faut dire que j’étais plus loin derrière le groupe, en pleine séance de photographie (ce qui n’est pas surprenant si vous me connaissez)! Ces fourreaux étaient, en fait, de petites maisons conçues par nul autre qu’un ordre d’insectes : les trichoptères.
Le terme trichoptère signifie « ailes en poils ». Son origine provient du fait que les ailes sont constituées de poils et non d’écailles, comme c’est le cas pour les lépidoptères (papillons). L’ordre des trichoptères est d’ailleurs un groupe apparenté aux lépidoptères. C’est sans doute pour cette raison qu’on peut facilement les méprendre pour des papillons.

Les larves de trichoptères, comme vous l’avez sans doute deviné, naissent et évoluent sous l’eau. Ce ne sont pas toutes les larves qui bâtissent des fourreaux : certaines tissent des retraites munies de filets, un peu comme les araignées, alors que d’autres se déplacent librement sur le substrat rocheux. Dans les prochains paragraphes, je compte toutefois vous parler des larves qui bâtissent des fourreaux.
Plusieurs familles de trichoptères ont opté pour cette stratégie. La forme et les matières utilisées pour construire les fourreaux varient d’une famille à l’autre. Elles peuvent par conséquent servir de critère d’identification. En effet, les hélicopsychidés (Helicopsychidae), comme leur nom le suggère, possèdent des fourreaux de forme hélicoïdale (voir cette photo). Ils ressemblent à des coquilles de petits escargots, exception faite qu’ils sont constitués de minuscules grains de sable. Les fourreaux des brachycentridés (Brachycentridae), quant à eux, sont de forme carrée et constitués de brindilles (voir cette photo). Certains membres de la famille des limnephilidés (Limnephilidae) incorporent à leur demeure de petites branches sur le sens de la longueur qui dépassent de l’extrémité postérieure du fourreau (voir la photo ci-dessus). Ces demeures sont également d’assez bonne dimension. C’est ainsi que je reconnus un des spécimens trouvés dans le ruisseau à Port-au-Saumon. Je me permis d’ailleurs de prendre quelques vidéos, dont deux sont présentées à la fin de cette chronique.

Les trichoptères porte-case (c’est le nom que l’on attribue aux individus qui construisent et traînent leur demeure avec eux) utilisent de la soie qu’ils produisent afin d’agglutiner les matériaux composant leur fourreau les uns avec les autres. Fait intéressant, certains bijoutiers profitent de la propension des trichoptères à faire des fourreaux à partir de toutes sortes de petits objets pour leur faire faire… des bijoux! La méthode est simple : il s’agit d’élever des larves de trichoptères dans un petit cours d’eau artificiel et de les alimenter en petites pierres précieuses. Ces dernières construiront de jolis fourreaux en or, argent, ou toute autre couleur fournie. Si vous êtes curieux de voir le résultat, vous pouvez consulter cette page Internet.
Les trichoptères – qu’ils soient porte-case ou non – sont très abondants dans les cours d’eau québécois. Il est par conséquent facile de les observer. Une façon simple est d’examiner le dessus et le dessous des roches. Si vous détectez de petits objets faits de roches ou de brindilles agglutinés, il est fort à parier que vous aurez trouvé une espèce de trichoptère! Bonne chasse!
Pour en savoir plus
- Merritt, R.W. et K.W. Cummins. 1996. Aquatic insects of North America. 862 p.
- Voshell, J.R. 2002. A guide to common freshwater invertebrates of North America. 442 p.
- Cabinet. Artist Project/Trichopterae. http://www.cabinetmagazine.org/issues/25/duprat.php
- Wikipédia. Trichoptera. http://fr.wikipedia.org/wiki/Trichoptera
Vidéo 1. Larve de limnephilidae qui se hisse dans ma main. Remarquez sa force.
Vidéo 2. Quelques autres larves en mouvement (probablement une autre espèce de limnephilidae).
Merci Caroline, je lis tes chroniques avec plaisir. J’aurais aimé être avec vous au camp de Port-au-Saumon et dans le ruisseau Marguerite!-Caroline
J’aimeJ’aime
Pingback: L’éphémère qui se prenait pour une taupe – DocBébitte
Pingback: Les « bébittes » du pêcheur – DocBébitte
Pingback: Reconnaître les macroinvertébrés aquatiques d’eau douce – Partie 2 – DocBébitte