Vous le savez déjà : j’ai un faible pour les invertébrés aquatiques. Cet été, je me suis payée une petite sortie dont l’objectif était de sensibiliser et d’éduquer des jeunes à la santé des cours d’eau et aux façons de la mesurer… tout en me permettant de patauger un peu dans des rivières et d’attraper des invertébrés! Depuis quelques années, nos neveux du Nevada viennent passer quelques semaines au Québec. Cette année, nous avons planifié ensemble une étude sur l’état de santé des rivières. Il s’agissait de choisir des rivières nous permettant de vérifier deux hypothèses :
- Les rivières boisées sont-elles caractérisées par des communautés d’invertébrés en meilleure santé que celles retrouvées dans les rivières urbaines et agricoles?
- Les concentrations de nitrates sont-elles plus élevées dans les milieux urbanisés et agricoles que dans les milieux boisés?
Il faut dire que cette seconde hypothèse vient du plus vieux de mes neveux (j’avais pour idée seulement de collecter des invertébrés), mais que les résultats furent en fin de compte très probants – ce que nous verrons un peu plus tard!

Aidée de mes deux neveux, Jérémie et Alexandre, nous choisîmes donc trois sites : un premier localisé sur la rivière Jacques-Cartier et caractérisé par un bassin fortement boisé, un second sur la rivière du Cap-Rouge dont le bassin est agricole et urbain, ainsi qu’un troisième sur la rivière Lorette dont le bassin est également agricole et urbain.
Nous avons entrepris notre journée en nous rendant à Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, dans un tronçon de la rivière Jacques-Cartier caractérisé par des rapides. Il importe de mentionner que les trois sites échantillonnés étaient situés dans des zones à courant rapide. La première raison pour laquelle nous avons choisi ce type d’habitat est parce qu’on peut facilement y échantillonner les roches : nous n’avons qu’à descendre dans la rivière munis de bottes-salopettes. En deuxième lieu, les portions de rivières où le courant est plus rapide sont mieux oxygénées et l’on y retrouve une plus grande diversité d’invertébrés. Finalement, la présence du courant aide grandement à entraîner les invertébrés et les petits poissons dans le fond de notre filet et d’éviter qu’ils en ressortent trop facilement.
En arrivant sur le site, mes neveux notèrent rapidement la présence d’exosquelettes de plécoptères sur les roches. Il s’agissait de plécoptères de la famille des Perlidae, une famille sensible à la pollution (j’en ai parlé dans cette chronique). Cela augurait déjà bien! Munis de filets, nous amorçâmes donc l’échantillonnage de la rivière Jacques-Cartier. À chaque coup de filet, nous déposions les invertébrés capturés dans un bol blanc, ce qui nous permettait de les identifier. C’est l’aîné de nos neveux – Jérémie – qui s’affairait à identifier les invertébrés à l’aide d’un guide visuel bien adapté à cette tâche, car fort convivial : « A Guide to Common Freshwater Invertebrates of North America » (Voshell, 2002). Bien que l’échantillonnage était uniquement qualitatif (rien de hautement scientifique), il était facile de voir que les invertébrés capturés étaient des invertébrés peu tolérants à la pollution.

Mes neveux ne purent toutefois faire ce constant qu’au moment de l’analyse des données. Nous nous sommes servis d’une grille de tolérance des invertébrés à la pollution que l’on peut retrouver dans le livre « Methods in Stream Ecology » (Hauer et Lamberti, 2007). La façon de calculer est simple : on doit attribuer une cote de 0 à 10 pour chaque famille capturée pour un site donné. Une cote de 0 correspond à un organisme très sensible à la pollution, alors qu’une cote de 10 est attribuée aux organismes très tolérants. Ensuite, on fait la moyenne des cotes pour tout le site. Au total, il y a sept catégories allant d’une qualité de l’eau excellente (cote entre 0 et 3.75) à une qualité très mauvaise (cote entre 7.26 et 10). Pour un indice plus quantitatif, on multiplie les cotes de chaque famille par le nombre d’individus recueillis, et ce, avant de faire la moyenne par site. Comme nous n’avons pas fait d’échantillonnage quantitatif, cependant, nous n’avons pas réalisé cette seconde étape.

La cote qualitative obtenue à l’aide des invertébrés capturés dans la rivière Jacques-Cartier fut de 2,33. Cela signifie une qualité de l’eau excellente. Ce faible pointage a été particulièrement influencé par la présence de trois organismes sensibles : un plécoptère de la famille Pteronarcyidae (cote de 0), un plécoptère de la famille Perlidae (cote de 1) et un éphémère de la famille Ephemerellidae (cote de 1).
Fait intéressant, les concentrations de nitrates mesurées à ce site étaient non détectables. Il faut dire d’emblée que nous avons simplement utilisé une trousse de mesure de nitrates pour aquariums. Encore une fois, ce n’est rien de hautement scientifique et les valeurs nous offrent surtout un ordre de grandeur, mais ce fut fort intéressant, côté éducatif!
Croyez-vous que les résultats furent différents pour nos deux sites dont le bassin versant (bassin de drainage) était caractérisé par des activités urbaines et agricoles?
À l’instar des émissions de télévision qui nous disent « To be continued », je vous fais patienter une semaine et vous écris la suite lors de la prochaine chronique! J’en profiterai aussi pour vous parler de ce qui se fait au Québec en matière d’évaluation de la santé des cours d’eau à l’aide d’invertébrés aquatiques.
Pour en savoir plus
- Hauer, F.R., et G.A. Lamberti. 2007. Methods in Stream Ecology. 877 p.
- Voshell, J.R. 2002. A guide to common freshwater invertebrates of North America. 442 p.
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