
Aviez-vous deviné l’identité de l’invertébré-mystère présenté dans la capsule de jeudi dernier? Il s’agissait du mâle de la tique d’hiver (Dermacentor albipictus).

On m’avait récemment proposé, sur la page Facebook DocBébitte, de parler des tiques. Il s’agit d’un sujet qui fait couler beaucoup d’encre depuis quelques années déjà. En effet, toute personne amoureuse de la nature qui a l’habitude de gambader dans les champs et les bois a maintenant cette hantise de se retrouver avec une tique, tête bien enfoncée dans la peau, en plein délit de gourmandise.
Croyez-moi, pour une personne qui se retrouve souvent accroupie au sol et dans la végétation, en train de photographier un quelconque invertébré, le terme « tique » fait frémir. Pourtant, ce n’est pas tant la minuscule tique qui fait craindre que les maladies auxquelles elle est susceptible de nous exposer.
Les tiques ne sont pas des insectes en tant que tels et appartiennent à la classe Arachnida, le même groupe qui comprend notamment les araignées, opilions, mites d’eau (hydracarina) et pseudoscorpions. Comme tout membre digne de cette classe, elles sont munies de huit pattes, hormis les individus au stade larvaire qui en possèdent six. Contrairement à bien des arthropodes où l’on distingue clairement la tête, le thorax et l’abdomen, on ne perçoit que deux parties chez la tique : la tête et l’abdomen.
En plus de ces caractéristiques, un autre indice proposé par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) pour confirmer que l’arthropode fixé à votre peau est une tique est que, au Québec, on ne retrouve presque pas d’autres invertébrés qui demeurent accrochés fermement à la peau des humains pendant plus de 24 heures.
La taille des tiques varie en fonction de l’espèce, mais aussi de son niveau d’engorgement de sang. Ainsi, les larves et nymphes retrouvées au Québec excèdent rarement 1 mm, alors que les adultes (non gorgés) peuvent atteindre de 3 à 5 mm. C’est la femelle adulte gorgée de sang qui bat les records, atteignant de 8 à 13 mm selon l’espèce. Plus impressionnant encore est son poids : une tique peut prendre 100 fois son poids après sa gloutonnerie!

Douze espèces de tiques sont retrouvées au Québec, contre près de 900 espèces autour du globe. Les tiques sont des parasites externes d’une vaste palette de vertébrés (mammifères, oiseaux et reptiles). À titre d’exemple, la tique d’hiver (Dermacentor albipictus) est reconnue pour parasiter les orignaux. Certaines sources suggèrent qu’elle serait même l’ennemie numéro un des originaux, avant les prédateurs comme les loups, ours ou cougars. J’ai eu la chance de mettre la main sur plusieurs spécimens de cette espèce, gracieusement offerte par un collègue entomologiste; ils font partie des photographies accompagnant la présente chronique.
Certaines espèces de tiques constituent des vecteurs d’une variété d’agents pathogènes incluant les virus, bactéries et parasites internes. Selon l’INSPQ, il s’agirait du second vecteur de maladies humaines à l’échelle planétaire après le moustique. Au Québec, on parle beaucoup de la maladie de Lyme, qui est en progression constante chaque année. Des 32 cas recensés en 2011, on est passé à 329 cas en 2017 (ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS)).

D’ailleurs, on peut retrouver une carte du risque d’acquisition de la maladie de Lyme au Québec sur ce site de l’INSPQ. Le risque était particulièrement plus élevé dans le sud-ouest du Québec, au moment de la publication de la présente chronique (printemps 2019). Parents et amis de la Montérégie, usez de prudence!
La bactérie mise en cause dans la maladie de Lyme se nomme Borrelia burgdorferi. Elle est transmise par une espèce de tique en particulier : la tique à pattes noires (Ixodes scapularis). Fait important à connaître : ce ne sont pas toutes les tiques qui sont infectées! Si vous vous faites piquer par une tique, mieux vaut prendre des précautions, mais cela ne signifie pas pour autant que vous ayez été infectés.
Cela dit, même si la tique est infectée, le risque de contracter la maladie de Lyme est très faible si la tique est accrochée à la peau pendant moins de 24 heures. Il faut donc la retirer le plus rapidement possible. Les étapes de retrait d’une tique sont présentées sur ce site du MSSS. Aussi, différents instruments qui servent à retirer les tiques sont vendus sur le marché; un second collègue entomologiste m’a transmis des suggestions à cet effet (voir photographies plus bas).
Pour éviter dès le départ de se retrouver sur le menu d’une tique, plusieurs précautions sont de mise :
- En randonnée, marcher dans les sentiers et éviter les hautes herbes;
- Porter un chapeau, des souliers fermés et des vêtements longs;
- Mettre le chandail dans le pantalon;
- Mettre le bas du pantalon dans les chaussettes ou les bottes;
- Porter des vêtements pâles pour mieux discerner la présence de tiques;
- Utiliser un chasse-moustique sur les parties exposées du corps.
Certes, cet accoutrement n’est pas digne d’un défilé de grands couturiers, mais il saura vous garder à l’abri des vilaines tiques!

De plus, après une activité pouvant nous exposer aux tiques, il faut également examiner sa peau de sorte à détecter leur présence et, le cas échéant, les retirer. Il importe de regarder dans tous les recoins possibles, puisque les piqûres sont fréquemment observées aux cuisses, aines, aisselles, de même qu’au tronc et à la nuque. En outre, il est suggéré de prendre un bain ou une douche, ce qui permettrait de déloger les tiques qui ne sont pas encore solidement accrochées à la peau. Même les vêtements, les équipements et les animaux de compagnie se doivent d’être examinés et lavés afin d’éviter d’introduire des tiques dans notre domicile! À cet effet, de nombreux conseils sont prodigués pour mieux repérer les tiques ou encore réduire leur présence dans notre environnement. Ceux-ci sortent de mon champ de compétences et je vous propose donc de consulter les sources de la section « Pour en savoir plus » si vous souhaitez obtenir plus de renseignements!
Malgré tous ces conseils, vous n’avez pas réussi à éviter la piqûre d’une tique et souhaitez connaître les risques encourus? Sachez que plusieurs symptômes de la maladie de Lyme sont décrits dans les sources que j’ai consultées (présentées à la fin de la présente chronique; voir aussi cette page du Pharmachien où l’on propose beaucoup de références utiles).
Grosso modo, il semble que les symptômes puissent apparaître entre 3 et 30 jours après la piqûre. Comme ils incluent des symptômes pouvant être attribuables à d’autres problèmes de santé (rougeur sur la peau, fièvre, fatigue, maux de tête, raideur à la nuque, douleurs musculaires et articulaires), il est recommandé de consulter sans tarder un spécialiste de la santé en cas de doute. Si possible, il est fortement suggéré de noter l’information sur la date et le lieu de l’incident, la partie du corps touchée, et, si cela est possible, de garder la tique qui vous a piqué au réfrigérateur dans un contenant hermétique approprié comme, par exemple, un pilulier.
Il est important d’agir rapidement si vous croyez être infecté, puisque la maladie de Lyme, si elle n’est pas traitée, peut conduire à des problèmes graves articulaires, cardiaques ou neurologiques.
Bien que toute cette information soit inquiétante, il faut garder en tête que ce ne sont pas toutes les espèces de tiques qui constituent un vecteur de la maladie de Lyme. Qui plus est, la tique à pattes noires n’est pas toujours infectée. Il est certain que plusieurs précautions s’imposent… Mais, pour résumer, il ne faut pas que la question vous rende fous… que vous soyez ou non toqués des tiques!
Pour en savoir plus
- Bug Guide. Order Ixodida – Ticks. https://bugguide.net/node/view/91218
- Evans, A.V. 2008. Field guide to insects and spiders of North America. 497 p.
- Gouvernement du Canada. Risque de maladie de Lyme chez les Canadiens. https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/maladies/maladie-lyme/risque-maladie-lyme-chez-canadiens.html
- Guide d’identification des tiques du Québec. https://www.inspq.qc.ca/guide-d-identification-des-tiques-du-quebec
- La maladie de Lyme et les maladies transmises par les tiques. https://www.inspq.qc.ca/zoonoses/maladie-de-lyme
- Les Aventures du Pharmachien. La maladie de Lyme. https://pharmachien.exploratv.ca/episode-34-la-maladie-de-lyme/extrait-de-l-episode/
- Ministère de la Santé et des Services sociaux. Maladie de Lyme – Évolution de la maladie de Lyme au Québec. http://www.msss.gouv.qc.ca/professionnels/zoonoses/maladie-lyme/evolution-de-la-maladie-au-quebec/
- Ministère de la Santé et des Services sociaux. Maladie de Lyme – Protection et prévention. https://www.quebec.ca/sante/problemes-de-sante/a-z/maladie-de-lyme/#protection-et-prevention
- Ministère de la Santé et des Services sociaux. Retrait d’une tique en cas de piqûre. https://www.quebec.ca/sante/conseils-et-prevention/sante-et-environnement/retrait-de-tique-en-cas-de-piqure/
- Stewart, A. 2011. Wicked Bugs. 272 p.
- Wikipédia. Tique. https://fr.wikipedia.org/wiki/Tique
- Wikipedia (anglais). Dermacentor albipictus. https://en.wikipedia.org/wiki/Dermacentor_albipictus