
Vous avez été plusieurs à voter depuis mes pages Facebook (DocBébitte et personnelle) pour l’invertébré qui fera la manchette de cette 300e chronique. Êtes-vous surpris de savoir que l’arthropode qui a reçu le plus grand nombre de votes est le singulier uropyge?
Les uropyges appartiennent à la classe Arachnida. Comme tout arachnide qui se respecte, ils sont munis de quatre paires de pattes. Néanmoins, seulement trois d’entre elles sont utilisées pour la locomotion. Les deux pattes antérieures, plus longues et fines, jouent le rôle d’organe sensoriel (à l’instar des antennes chez les insectes).
Ces étranges créatures font plus spécifiquement partie de l’ordre Uropygi. Toutefois, l’ordre Thelyphonida semble également employé par endroits. Il semblerait qu’il y ait eu plusieurs remaniements dans les noms de ce groupe au travers des années et les deux noms sont présentement d’usage dans les différentes sources consultées (j’en comprends d’ailleurs que le sujet ne fait pas consensus). À cet effet (le remaniement des noms), les uropyges auraient déjà été joints aux amblypyges sous l’ordre Pedipalpi. J’avais pondu cette chronique au sujet des amblypyges, si cela vous intéresse! Une autre bête particulière semblant tout droit tirée d’un film de fiction!
Les uropyges vivent majoritairement dans les climats chauds et humides; on ne les retrouve pas au Québec. Vous en avez tout de même peut-être déjà vu, puisqu’ils figurent souvent parmi les « bêtes étranges » présentées lors d’expositions. Leur taille peut être impressionnante (18 à 85 mm) et ils ne tardent pas à être remarqués! S’ils ont l’allure d’une bête préhistorique, c’est qu’ils sont en effet apparus pendant la période du Carbonifère, il y a environ 359 à 299 millions d’années. Leur apparence n’aurait pas changé depuis!
Le titre de la chronique fait référence à l’odeur singulière des uropyges. Lorsque perturbés, ils sont en mesure d’éjecter un liquide contenant un composé fait d’acide (acétique, octanoïque, formique ou chloré)… qui sent le vinaigre! Le jet est expulsé à partir de glandes anales situées près de l’extrémité de l’abdomen, à la base du flagelle – l’appendice qui ressemble à une longue queue et qui a inspiré un des noms communs anglais de cet arthropode « whipscorpion » (traduction maison : scorpion-fouet). Le liquide projeté est irritant pour les muqueuses et les yeux, peut brûler légèrement la peau et engendrer la nausée; il s’avère un répulsif de choix contre tout intrus trop insistant!

Les uropyges sont des prédateurs qui chassent au sol pendant la nuit. Ils se nourrissent d’une vaste palette d’invertébrés, incluant de nombreux insectes, millipèdes, scorpions, cloportes, vers et gastropodes. Leur territoire de chasse est restreint aux environs (2 à 3 mètres) de leur terrier, lequel a été creusé dans la terre ou encore établi sous de gros débris ou roches.
Lorsque l’uropyge parvient à maîtriser sa proie, il la ramène vers ses chélicères à l’aide de ses pédipalpes (voir cette chronique si vous voulez en savoir plus sur ces pièces anatomiques). Les chélicères réduisent la proie en bouillie, laquelle finit par être aspirée dans la bouche. Les restes plus coriaces sont rejetés… bon appétit!
Les uropyges ne sont pas des animaux grégaires. Les seuls contacts tolérés se font en période de reproduction ou encore lorsque la femelle donne naissance à ses petits et les transporte sur son dos. Autrement, ils sont portés à se battre et à se mutiler. Pas commodes, ces invertébrés!
Fait intéressant pour clore cette 300e chronique : bien que d’aspect primitif, les uropyges s’adonnent à une parade nuptiale complexe lorsque venu le temps des amours. Le mâle saisit la femelle par ses pattes antérieures et l’entraîne dans une sorte de valse durant plusieurs heures (une des sources consultées parle d’une moyenne de 13 heures!). Après ces longs préliminaires amoureux, le mâle dépose un spermatophore (en quelque sorte un « paquet » de sperme) et attire la femelle au-dessus de celui-ci afin de la féconder. Qui a dit que Messieurs uropyges ne savaient pas charmer Mesdames?
Comme c’est souvent le cas, il y en aurait eu beaucoup plus à dire sur ce superbe arachnide. N’hésitez pas à jeter un coup d’œil aux sources suggérées ci-dessous pour plus de détails croustillants!
Vidéo 1. Uropyge filmé lors d’une activité de l’Association des entomologistes amateurs du Québec. On voit que les pattes antérieures sont utilisées telles des antennes.
Pour en savoir plus
- Borror, D.J. et R.E. White. 1970. Peterson Field Guides – Insects. 404 p.
- Bug Guide. Order Uropygi – Whipscorpions. https://bugguide.net/node/view/29746
- Evans, A.V. 2008. Field guide to insects and spiders of North America. 497 p.
- McGavin, G. 2000. Insectes – Araignées et autres arthropodes terrestres. 255p.
- Wikipédia (français). Uropygi. https://fr.wikipedia.org/wiki/Uropygi
- Wikipedia (anglais). Thelyphonida. https://en.wikipedia.org/wiki/Thelyphonida