En juillet 2019, je publiais une chronique au sujet d’une remarquable chenille – celle du bombyx disparate –, aussi appelée spongieuse (Lymantria dispar). On en apercevait alors passablement.
Au début de l’été 2020, je remarquai qu’il y avait énormément de feuilles d’arbres et d’arbustes dévorées par ces chenilles. Et ce, peu importe où je me baladais dans la grande région de Québec.
Elles étaient partout! Et encore plus nombreuses que l’année précédente!
En avez-vous observé dans votre région?
Les chenilles de la spongieuse sont particulièrement grosses, avec leurs six centimètres de long. À l’instar de ces dernières, l’adulte est de grosseur appréciable : les mâles font 45 mm, alors que les femelles atteignent 64 mm.
Quand je vous avais écrit sur le sujet, je n’avais aucune photo d’adultes en ma possession. C’est maintenant chose faite! La forte abondance de chenilles ce printemps laissait présager une année riche en adultes. Justement, je pus en observer partout… et prendre plusieurs clichés! Accompagnée de mon copain, qui possède un meilleur appareil photo que moi, nous avons capturé mâles et femelles en action.
Dans ma précédente chronique, j’indiquais que la femelle est trop lourde pour le vol et qu’elle attend patiemment l’arrivée de son prince charmant. Je n’aurais pas pu aussi bien le dire!
En regardant de plus près une photo que je préparais pour diffuser dans la présente chronique, je notai quelque chose que nous n’avions pas vu à l’œil nu au moment de la capture. Nous pensions prendre des photos uniquement de mâles un peu énervés à voleter et gigoter. Or, dans une petite cavité sous les mâles déchaînés se cachait… une belle femelle! Voilà qui explique le comportement des mâles, tous excités de se rendre au chevet de leur belle aux bois dormants!

Malgré le fait que nous avons complètement loupé cette femelle, nous avons été chanceux un peu plus loin, au courant de la même balade. Sur un arbre étaient agrippées deux femelles bien dodues! Je compris pourquoi l’on mentionnait dans les bouquins qu’elles sont trop lourdes pour voler. Leur abdomen était énorme! Il faut croire que les mâles du bombyx disparate apprécient les femelles aux courbes voluptueuses!
Alors que nous prenions ces jolies dames en photo tels des paparazzis devant une vedette, l’une d’entre elles tomba au sol et se mit à battre frénétiquement des ailes tout en se dirigeant à nouveau vers l’arbre, qu’elle comptait escalader. J’en profitai pour la prendre quelques instants dans ma main. Je sentais ses griffes bien aiguisées pénétrer ma peau. Visiblement, elles étaient faites pour bien se tenir à toute paroi verticale!
Qu’elle ne fut pas ma chance, une semaine plus tard et dans un autre secteur de la ville, d’observer des dizaines de femelles affairées à pondre leurs œufs le long de gros arbres. Les masses d’œufs étaient recouvertes des poils des femelles, mais on pouvait néanmoins deviner plusieurs d’entre eux au travers de ce tapis protecteur. Il y en avait tant qu’on aurait dit que les arbres étaient couverts de petites éponges. C’est d’ailleurs l’allure de ces masses d’œufs qui est à l’origine du nom commun « spongieuse » donné à l’espèce.
Une autre semaine passa, puis je retournai sur les lieux de cette dernière observation pour découvrir que la quasi-totalité des femelles avait accompli la tâche de donner naissance à la prochaine génération. Épuisées, elles s’étaient laissées choir au sol pour y mourir. Comme j’ai une collection d’invertébrés basée sur des organismes que je trouve déjà morts, je me suis payé la traite et j’ai récolté quelques spécimens!
Bref, j’eus droit à une tonne d’observations couvrant la totalité du cycle de vie du bombyx disparate cet été! Une fascinante expérience!
Au Québec, il est possible d’observer les adultes de la mi-juillet jusqu’au début du mois de septembre. Les chenilles, elles, ont normalement complété leur transformation à la fin du mois de juillet. On ne devrait plus en voir. Quant aux chenilles de l’an prochain, elles demeureront bien au chaud dans leurs œufs tout l’hiver durant. Ce n’est donc qu’au printemps 2021 que l’on pourra constater si la vaste quantité d’œufs pondue produit une autre année record.
Pour plus d’information sur cette espèce, je vous invite à jeter un coup d’œil à ma précédente chronique sur le sujet.
Pour terminer, je serais curieuse de vous entendre sur vos observations – adultes ou chenilles – pour cette année, selon le secteur que vous habitez.
Avez-vous également noté cette forte abondance? Ou encore observé des arbres enduits de petites éponges? Vous saurez maintenant qu’il s’agit d’œufs de la spongieuse!
Galerie photo








Pour en savoir plus
- Bartlett Wright, A. 1993. Peterson First Guide to Caterpillars of North America. 128 p.
- Bug Guide. Species Lymantria Dispar – Gypsy Moth – Hodges#8318. https://bugguide.net/node/view/8780
- Dubuc, Y. 2007. Les insectes du Québec. 456 p.
- Evans, A.V. 2008. Field guide to insects and spiders of North America. 497 p.
- Handfield, L. 2011. Guide d’identification – Les papillons du Québec. 672 p.
- Hébert, C., Comptois, B. et L, Morneau. 2017. Insectes des arbres du Québec. 299 p.
- Leboeuf, M. et S. Le Tirant. 2018. Papillons de nuit et chenilles du Québec et des Maritimes. 335 p.
- Normandin, E. 2020. Les insectes du Québec. 620 p.
- Wagner, D.L. 2005. Caterpillars of Eastern North America. 512 p.