Les blattes envahissent Cap-Rouge!

Exuvies en grande quantité – ce qui m’a mis la puce à l’oreille!
Exuvies en grande quantité – ce qui m’a mis la puce à l’oreille!
Premier individu observé, vue dorsale
Premier individu observé, vue dorsale

Aie-je attiré votre attention par ce titre digne d’un film Hollywoodien? N’ayez crainte! Bien que je vais bel et bien vous relater des observations de blattes en grande quantité, il ne s’agit pas des effrayantes coquerelles qui envahissent les maisons et qui constituent un vecteur de toutes sortes de maladies.

Saviez-vous qu’il existe de nombreuses espèces de coquerelles ou de blattes qui sont peu ou pas intéressées par les habitations et mœurs des humains? J’ai fait la rencontre de tels individus il y a deux semaines.

C’est le long de la plage Jacques-Cartier, à Cap-Rouge, que je fis une découverte inattendue. Je commençai par remarquer une bonne quantité d’exuvies (peaux de mues) brunes accrochées aux contremarches d’un escalier en pierre, le long d’un sentier. En m’y approchant, je réalisai qu’il s’agissait de blattes – leurs caractéristiques morphologiques sont assez faciles à reconnaître. À mon grand bonheur, il y avait aussi un individu vivant qui venait tout juste de muer. N’étant munie que de mon iPhone, je décidai tout de même de prendre quelques photos et vidéos. En me penchant pour prendre les photos, je fis déguerpir quelques individus qui avaient terminé leur mue – ou pas encore commencé, qui sait? Sur le chemin du retour, je me mis à scruter tout ce qui pouvant sembler être un support adéquat; je vis bon nombre d’autres exuvies, un second individu venant de muer et un troisième qui, je crois, était sur le point de muer.

Premier individu observé, autre angle
Premier individu observé, autre angle

À la suite de ma première observation, pendant la semaine qui suivit, je décidai de retourner à deux reprises au même endroit. Je m’amusai à soulever une plaque de ciment à proximité d’un des endroits où j’avais observé de multiples exuvies. Je fus surprise de voir, lors de ces deux moments distincts, deux individus déguerpir. C’est dire qu’il y a bel et bien une communauté de ces petites créatures qui a élu domicile le long de la plage.

Encore une fois, cependant, je fais appel au calme! Nos charmantes blattes sont, en fait, des blattes de Pennsylvanie (Parcoblatta pennsylvanica), qui préfèrent nettement les milieux forestiers que l’intérieur de nos maisons. Il s’agit de la seule blatte indigène que l’on peut retrouver au Québec; les autres sont introduites et se retrouvent surtout dans nos demeures. En anglais, les blattes de Pennsylvanie sont appelées « wood roaches », soit blattes des bois. Elles affectionnent les dessous de roches, la litière humide ou encore les troncs morts et moisis. Comme vous pouvez vous l’imaginer, elles se délectent de toute sorte de matière organique en décomposition et constituent des organismes omnivores.

Individu qui semble sur le point de muer
Individu qui semble sur le point de muer

Les blattes subissent une métamorphose simple. Cela signifie qu’elles muent à plusieurs reprises tout au long de leur développement en préservant une apparence similaire. Elles ne passent pas par une transformation majeure comme les papillons, par exemple, où la chenille se change en pupe (la chrysalide) avant de passer au stade adulte final. La blatte, elle, passe plus simplement d’une nymphe aptère à un adulte ailé – les deux ayant une apparence comparable si l’on exclut les ailes. À noter que les ailes des femelles sont plus courtes que celles des mâles. Plus spécifiquement, les ailes des femelles laissent voir les derniers segments de l’abdomen, alors qu’elles recouvrent complètement l’abdomen chez le mâle, comme en témoigne cette photographie tirée de BugGuide.

D’ailleurs, sur les photographies que j’ai prises, on peut voir les exuvies des nymphes aptères, ainsi qu’une autre nymphe sur le point de muer. Les individus blancs ne semblent pas encore être au stade adulte, puisqu’on peut voir que leurs ailes sont encore repliées dans un fourreau alaire (elles ne sont pas libres). Lorsqu’elles viennent tout juste de s’extirper de leur carcasse, les blattes sont de couleur blanche. Elles prennent ensuite progressivement une coloration brun sombre au fur et à mesure que leur nouvel exosquelette durci.

Second individu qui vient de muer
Second individu qui vient de muer

Bien que les blattes de Pennsylvanie vivent en milieu boisé, il arrive qu’elles se retrouvent dans nos demeures, en particulier si on les y fait entrer en même temps que le bois de chauffage où elles peuvent se cacher. Il arrive aussi que quelques individus s’infiltrent dans nos maisons si celles-ci ne sont pas étanches et comportent quelques recoins très humides et invitants (pour les blattes, du moins!). Il s’agit d’ailleurs d’une caractéristique-clé de toutes les coquerelles : elles adorent l’humidité! À ce qu’il semble, une maison bien aérée et sèche ne constitue pas un abri de choix pour une coquerelle – quelle qu’elle soit!

Étant donné que les blattes de Pennsylvanie ont des mœurs bien différentes des coquerelles plus exotiques qui envahissent nos demeures, il semble qu’elles ne seraient pas vecteur de diverses maladies contrairement à leurs consœurs. On pourrait donc se permettre de les observer de près, sans craindre de contracter des maladies dignes de films d’horreur! C’est dire que ce ne sont pas toutes les coquerelles qui sont à exterminer! En cas de doute, naturellement, abstenez-vous de toucher et contentez-vous d’observer!

 

Vidéo 1. Brève vidéo offrant une vue d’ensemble sur les exuvies accrochées à un escalier de pierre, ainsi que sur un individu fraîchement extirpé de sa carcasse!

 

 

Pour en savoir plus

De bonnes mamans!

En cette semaine précédant la Fête des Mères, quoi de mieux qu’une chronique offrant une ode aux mamans… qu’elles soient vertébrées ou non? En effet, prodiguer des soins parentaux à sa progéniture afin de lui assurer un avenir adéquat n’est pas que l’apanage des humains. Non seulement de nombreux autres vertébrés prennent soin de leurs rejetons (mammifères, oiseaux, reptiles et poissons), mais plusieurs invertébrés le font également.

Le premier exemple qui vient à l’esprit est celui des araignées. N’avez-vous pas déjà aperçu une maman araignée protégeant son nid (prenant souvent la forme d’une boule ou d’une masse de soie remplie d’œufs)? Certaines araignées vont non seulement veiller sur leurs œufs, mais aussi les transporter partout avec elles. C’est notamment le cas des araignées-loup (Lycosidae), qui accrochent leurs œufs – une grosse boule de soie – à la base de leur abdomen.

Lycosidae et oeuf
Araignée-loup traînant ses oeufs au bout de son abdomen

Un second exemple de mère exemplaire provient d’une recherche récente qui a observé que certaines mères chrysomèles (coléoptère de la sous-famille des Chrysomelinae) protègent farouchement leurs œufs et leurs larves. La mère attaque tout ce qui s’approche de la feuille où se situent ses rejetons. Elle suit également ses larves de près, les empêchant de s’éloigner et de s’éparpiller. Plusieurs cas similaires existent : punaises à dentelle (hémiptère de la famille des Tingidae), mouches à scie (hyménoptère du sous-ordre Symphyta), cassides (coléoptère de la sous-famille des Cassidinae), etc. Dans tous ces cas, les mères défendent leur progéniture, souvent contre des ennemis plus puissants. Elles ne survivent donc pas nécessairement à l’attaque, mais offrent quelques précieuses minutes à leurs rejetons afin qu’ils trouvent un abri sûr.

En plus de protéger leurs jeunes, d’autres insectes se chargent également de les nourrir. Chez l’espèce cryptocerus punctulatus, une sorte de coquerelle vivant dans le bois mort, les deux parents protègent leur progéniture et assurent leur alimentation. En effet, étant donné que l’aliment de base (le bois) est difficile à digérer et peu riche en nutriments, les parents nourrissent les larves directement… à partir du contenu de leur anus! Les larves reçoivent ainsi une nourriture prétraitée et additionnée d’éléments nutritifs et de bactéries facilitant la digestion! Les mères perce-oreilles, quant à elles, mâcheraient la nourriture de leurs nouveau-nés et la régurgiteraient à leur intention. Ces insectes en font donc beaucoup pour assurer que leurs enfants soient bien nourris et en santé. On peut remercier nos parents de ne pas être allés tout à fait jusque là!

Araignée et oeufs
Araignée protégeant ses oeufs

Du côté des invertébrés marins (je n’en parle pas souvent, mais ce sont bien des invertébrés, eux aussi!), la pieuvre géante du Pacifique est un exemple extrême de soin maternel. La femelle s’isole dans une caverne sous-marine avec ses œufs. Elle s’assure en constance qu’ils sont protégés, bien aérés et exempts d’impuretés. Elle ne bougera, ni ne s’alimentera pendant toute cette période (cinq à six mois) et ira jusqu’à en mourir, sacrifice ultime pour s’assurer que ses rejetons aient toutes les chances devant eux. Je vous recommande de jeter un coup d’œil à cette vidéo à cet effet.

En outre, les mamans invertébrées mettront beaucoup d’énergie pour favoriser la survie de leurs petits. Elles méritent, comme nos mamans vertébrées à nous, qu’on leur souhaite « Bonne Fête des Mères »!

Pour couronner le tout, je profite de cette tribune pour souhaiter une « Bonne Fête des Mères  » toute spéciale à ma maman vertébrée à moi, qui m’a toujours encouragée à m’épanouir et à faire ce que j’aime dans la vie… même si cela signifie entre autres de parler de bébittes incessamment! Merci maman pour tout!

 

Pour en savoir plus