Qu’on le veuille ou non, les invertébrés font partie de notre quotidien. Qui aurait cru qu’on irait jusqu’à les retrouver dans notre nourriture complètement à notre insu?
Les fines bouches n’apprécieront peut-être pas les prochains paragraphes. Toutefois, loin de moi est l’idée de vous traumatiser. En fait, je vais vous entretenir au sujet de ces tout petits (et parfois un peu moins petits) invertébrés que l’on se retrouve involontairement à consommer. Aussi, je vais vous expliquer pourquoi cela est normal et sans risque pour votre santé.

Première question : quelle est la quantité moyenne d’invertébrés consommée chaque année par un Nord américain – et je parle bien de ceux consommés par inadvertance? La réponse pourrait vous surprendre. En moyenne, vous et moi mangerions annuellement l’équivalent de une à deux livres d’invertébrés. Pour donner un exemple représentatif, cela correspond entre un sac et demi à trois sacs de pépites de chocolat de 350 grammes. Oui, moi aussi je choisirais plutôt le chocolat!
Cela revient à dire que nous avalons beaucoup de petits organismes de façon quotidienne. Bonne nouvelle : personne n’en est mort! D’ailleurs, la U.S. Food and Drug Administration (FDA) émet des normes sur la quantité d’invertébrés permise dans la nourriture pour une vaste gamme d’aliments. De plus, elle souligne que ces normes sont davantage esthétiques qu’associées à un danger réel – ce que l’on peut comprendre.
À cet effet, la U.S. Food and Drug Administration a élaboré le « Food Defect Levels Handbook », un guide où l’on indique notamment combien d’invertébrés (ou de morceaux d’invertébrés) sont permis dans les aliments tels que les jus, les fruits et légumes en conserve ou congelés, le chocolat, le beurre d’arachide et les épices, pour n’en nommer que quelques-uns.

Je suis parvenue à dénicher un guide similaire – quoique touchant une moins grande variété de produits – pour le Canada. Selon ce dernier, on autorise notamment jusqu’à :
– 25 fragments de mites (mortes) et 4 fragments d’autres insectes par 225 grammes de fromage;
– 1 insecte entier, 65 fragments d’insectes et 15 mites mortes par 100 grammes de tofu;
– 35 fragments d’insectes par 25 grammes de café moulu;
– 10 asticots d’une taille inférieure à 2 mm par 100 grammes de champignons (en conserve, séchés, congelés ou frais);
– 10 insectes entiers par 225 grammes de raisins secs;
– 280 fragments d’insectes par 10 grammes de thym.
Si l’on jette un coup d’œil au document de la FDA, on peut aussi savoir que les quantités maximales suivantes sont permises aux États-Unis (je n’ai pas été en mesure d’identifier ce qui en est pour le Canada, mais on peut présumer que les valeurs seraient similaires):
– 59 pucerons et/ou thrips et/ou mites par 100 grammes de brocoli congelé;
– 399 fragments d’insectes par 100 grammes de cannelle moulue;
– 59 fragments d’insectes dans 100 grammes de chocolat;
– 4 œufs de mouches (drosophiles ou autres) par 250 ml de jus d’agrumes;
– 224 fragments d’insectes par 225 grammes de macaroni ou autres pâtes alimentaires;
– 49 pucerons, thrips ou mites par 100 grammes d’épinards en conserve ou congelés;
– 9 œufs de mouches drosophiles ou 1 asticot par 500 grammes de tomates en conserve.

En lisant l’ensemble des informations disponibles dans ces deux guides, vous pourrez noter que les épices sont particulièrement susceptibles d’être bourrées de fragments d’insectes. Nous donnons ici une nouvelle signification à l’expression « assaisonner son repas »!
Outre ce que l’on retrouve dans les produits transformés susmentionnés, nous avalons bien sûr plusieurs œufs, larves et adultes de petits insectes qui se faufilent dans nos fruits et légumes frais. N’avez-vous jamais vu « apparaître » de petites mouches (sans doute des drosophiles) dans votre maison, après avoir acheté certains fruits? Celles-ci venaient d’œufs et de larves que vous n’avez pas vus… et dont certains se sont sans doute retrouvés dans votre estomac!

Vous avez également sûrement vu des pucerons en nettoyant vos laitues, choux et épinards. Ceux-ci se retrouvent effectivement en grande abondance dans ces légumes feuillus. Je me souviens d’ailleurs d’une fois où j’avais amorcé la dégustation d’une salade aux crevettes achetée dans un casse-croûte, alors que nous étions en vacances. Après quelques bouchées (j’étais vraiment affamée), je me rendis compte qu’il s’agissait en fait d’une salade aux pucerons et aux crevettes. À voir la quantité de pucerons dans cette salade, il était évident que j’en avais déjà englouti une bonne dizaine!
Je pourrais en dire autant pour les petits fruits que j’aime tant manger pendant l’été. Araignées, pucerons, collemboles, charançons, chenilles… et même une larve de coccinelle encore vivante font partie des insectes que j’ai retrouvés dans mes bleuets, fraises et framboises.

Comme je l’ai déjà souligné, le bon côté des choses est que la consommation d’invertébrés est un problème davantage esthétique que de santé humaine. D’ailleurs, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture recommande de plus en plus de consommer – intentionnellement cette fois – des invertébrés. Ceux-ci sont effectivement riches en protéines et en différents éléments nutritifs (fer, cuivre, zinc, etc.). De plus, ils ne nécessitent pas autant d’énergie et d’espace à produire que le bétail : leur élevage pollue donc beaucoup moins. Finalement, ils pourraient garantir une meilleure sécurité alimentaire pour la population incessamment croissante de notre planète.
En outre, les risques liés à la consommation accidentelle d’invertébrés sont très faibles… à part celui d’être dégouté! Le meilleur conseil que je puisse vous donner, c’est de bien rincer bien vos aliments lorsque possible. Pour ce qui est du reste… n’y pensez pas (on n’y peut rien) et bon appétit!!
Pour terminer, si vous êtes à l’aise en anglais, je vous recommande de lire cet article, qui dépeint la situation avec un bon sens de l’humour! Santé!
Galerie vidéo
Un des pucerons que j’ai trouvé dans du chou chinois. Quoiqu’entreposé au réfrigérateur, on voit qu’il est toujours vivant.
Les collemboles sont de très petits invertébrés. J’ai remarqué leur présence après avoir essoré de la salade.
Pour en savoir plus
- Eplett, L. 2013. Rub a dub dub, Is it time to eat grubs? Scientific American. http://blogs.scientificamerican.com/guest-blog/2013/06/04/grubs-as-grub/
- Government of Canada. 2009. Guidelines for the general cleanliness of food. http://www.gftc.ca/knowledge-library/file.aspx?id=73bf2c7d-7beb-45d2-a0d1-81456a71db62
- Hill, K. 2013. Don’t bug out, but your food is covered in insects. Salon.com. http://www.salon.com/2013/06/05/your_breakfast_of_champions_includes_bugs_partner/
- Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. La contribution des insectes à la sécurité alimentaire, aux moyens de subsistance et à l’environnement. http://www.fao.org/docrep/018/i3264f/i3264f00.pdf
- Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. Edible insects – Future prospects for food and feed security [Document en anglais]. http://www.fao.org/docrep/018/i3253e/i3253e00.htm
- Tien Trinh, B.V. 2012. Bugs in Food : What you’re eating without realizing it. Huffington Post Canada. http://www.huffingtonpost.ca/2012/05/02/bugs-in-food_n_1467694.html#slide=925372
- U.S. Food and Drug Administration. 1995. Defect Levels Handbook. http://www.fda.gov/Food/GuidanceRegulation/GuidanceDocumentsRegulatoryInformation/SanitationTransportation/ucm056174.htm#CHPTA
- Wikipedia. The Food Defect Action Levels. http://en.wikipedia.org/wiki/The_Food_Defect_Action_Levels
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