L’amour est dans le chardon!

Plus tôt cet été, je fis la rencontre d’un sympathique coléoptère qui ne me rendit pas la tâche facile en matière de prise de photographies. Ma première observation fut fortuite, alors que je jetais un coup d’œil furtif à une talle de chardon, en transit entre deux destinations. Mon œil aiguisé d’entomologiste amateur détecta en effet une petite irrégularité dans la végétation qui s’avérait être, à mon grand plaisir, un insecte!

Larinus carlinae, dit charançon du chardon
Larinus carlinae, dit charançon du chardon
Il a une « bette » sympathique, vous ne trouvez pas?
Il a une « bette » sympathique, vous ne trouvez pas?

Munie seulement de mon iPhone, je tentai tant bien que mal de prendre des clichés du spécimen… en me piquant les doigts à quelques reprises! Insatisfaite des quelques maigres photos prises, je récidivai dans les jours qui suivirent à l’aide d’un appareil plus performant.

Cela dit, je me mis à porter une plus grande attention à la faune qu’abritaient les talles de chardon jonchant les terrains vagues près de mon domicile. Je revis ledit coléoptère que je pus enfin identifier comme étant un charançon bien connu pour son amour du chardon : Larinus carlinae (anciennement connu sous le nom de Larinus planus). Son nom anglais « Canada thistle bud weevil » se traduirait par charançon du bourgeon du chardon du Canada; il s’agit d’une traduction maison, puisque je n’ai pas trouvé de nom commun français dans les sources consultées.

Qu’à cela ne tienne, notre charmant charançon mesurant entre 7 à 8 mm de long aime visiblement vivre bien caché dans le chardon! Dans le cadre de la présente chronique, j’appellerai donc amicalement cette espèce de Curculionidae « charançon du chardon ».

Lors de mes explorations subséquentes, j’observai de plus en plus de couples de cet insecte… affairés à faire la chose, bien protégés entre les piquantes épines des chardons. Encore une fois, je risquai de sévères blessures (bon, j’exagère peut-être un peu!) pour documenter mes observations pour votre bénéfice, chers lecteurs.

Trêve de plaisanteries, il n’est tout de même pas si facile de photographier des insectes qui ne cessent de se défiler entre feuilles et épines bien pointues! Visiblement, nos charançons ont choisi la demeure idéale pour éviter plusieurs prédateurs.

Couple de charançons du chardon qui copule
Couple de charançons du chardon qui copule
Une tâche risquée pour le bout des doigts!
Une tâche risquée pour le bout des doigts!

Une fois la copulation terminée, les femelles pondent leurs œufs sur les chardons, où les larves se développeront. Comme son nom anglais le suggère, les larves se développent plus précisément dans les bourgeons des fleurs de chardons.

Comme malheureusement beaucoup d’insectes, ce coléoptère constitue une espèce introduite en Amérique du Nord. Il provient d’Europe et son introduction initiale dans les années 1960 aurait d’abord été accidentelle. Dans les années 1990, cependant, il aurait été introduit sur de plus vastes territoires aux fins de lutte biologique contre une espèce de chardon envahissante (Cirsium arvense). Ce n’est qu’après son introduction qu’on a observé que le charançon du chardon s’attaquait aussi aux plants de chardons indigènes à l’Amérique du Nord. Comme le charançon s’attaque particulièrement aux bourgeons, il a pour effet de diminuer la production de graines des plants dévorés. Ceci est une bonne nouvelle pour ralentir la progression de l’espèce envahissante, mais nettement moins bonne pour les espèces natives.

Pour terminer la présente chronique, je vous laisse apprécier quelques vidéos que j’ai prises de deux couples différents de charançons en train de s’accoupler. Je dois avouer avoir été surprise par les mouvements exercés par le mâle sur la première vidéo – qui ressemble à ce que l’on aurait pu s’attendre chez des mammifères. Je n’avais pas encore vu de coléoptères s’adonner à la chose de façon aussi active. Il faut dire que chez ces charançons, l’amour est non seulement dans le pré, il est dans le chardon!

Vidéo 1. Ce couple de charançons du chardon s’adonne à la chose. Qui aurait cru que je réaliserais un jour ce genre de film! Yeux prudes avertis!

 

Vidéo 2. Ce couple déambule entre les épines du chardon où ils se sont rencontrés. Belle cachette pour ces amoureux afin d’éviter les prédateurs! Mais attention aux doigts d’entomologistes inquisiteurs!

 

Pour en savoir plus

Les envahisseurs!

Lépisme et main
Poisson d’argent (lépisme)

Ils sont nombreux et diversifiés. Ils se cachent dans les moindres recoins de votre maison. Non, il ne s’agit pas du scénario d’un nouveau film d’horreur. Ni d’envahisseurs extra-terrestres. Ce sont tout simplement les invertébrés qui habitent avec nous, dans nos humbles demeures!

Bien que certains d’entre eux ne coexistent que de façon temporaire avec nous, question de fuir l’hiver, d’autres demeurent avec nous tout au long de l’année. C’est le cas, par exemple, des lépismes, que vous connaissez sans doute sous le nom de « poissons d’argent ». Les lépismes sont discrets et se tiennent dans les coins plus sombres et humides de nos maisons. Ils sortent de leur cachette la nuit pour se nourrir d’une panoplie de nos « restes » alimentaires et organiques (poussière, cheveux) laissés au sol, ainsi que d’autres produits incluant la colle à tapisserie et les reliures de livres. Ils sont inoffensifs et contribuent même à « nettoyer » certains recoins inatteignables!

Une myriade d’espèces d’araignées est également retrouvée de façon régulière dans nos demeures. C’est le cas de Cheiracanthium inclusum (agrarian sac spider), une araignée jaunâtre d’assez grande envergure (environ 1 cm) qui, bien que normalement retrouvée dans le feuillage des arbres ou des herbacées, à l’affut d’une proie, se faufile aisément dans nos maisons. Ces araignées laissent souvent derrière elles un fil unique, en guise de « corde de sécurité » si elles tombent. Si vous observez de ces fils chez vous (à ne pas confondre avec des fils de poussière!), il est bien possible que vous hébergiez quelques araignées de ce groupe! Selon le livre Common spiders of North America, il s’agit effectivement d’une des araignées les plus communément retrouvées à l’intérieur de nos bâtiments. Toutefois, d’autres espèces, souvent toutes petites (quelques millimètres d’envergure), nous tiennent également compagnie.

Araignée_Sac spider
Cheiracanthium inclusum, araignée commune dans nos maisons

Ces araignées ne représentent aucun danger pour l’être humain. Elles peuvent tout de même mordre pour se défendre, mais aucune d’entre elles n’est venimeuse… si nous demeurons au Québec, bien sûr! Elles contribuent même à nous débarrasser d’autres envahisseurs qui, eux, pourraient s’avérer bien plus néfastes.

Et justement, certains invertébrés « envahisseurs » sont nettement moins bienvenus. Je vous avais parlé, dans un article précédent, de plusieurs charançons qui causaient des dommages aux plantes d’intérieur de mes parents. D’autres envahisseurs s’en prennent directement à nous. Je pense en particulier aux punaises de lit. Ces hémiptères dépourvus d’ailes sont des parasites d’animaux, incluant… les humains. En fait, les punaises de lit nous auraient suivis depuis les cavernes de la préhistoire jusque dans nos demeures des temps modernes. Elles auraient été moins abondantes à partir du milieu du XXe siècle, mais présentent une remontée spectaculaire depuis les années 1990, possiblement attribuable à la mondialisation (accroissement du commerce international, du nombre de voyages internationaux, etc.). Les punaises se nourrissent la nuit, en repérant leurs hôtes par la chaleur qu’ils dégagent. Elles génèrent des morsures qui démangent (et qui dérangent!). Les références que j’ai consultées indiquent qu’il n’est pas démontré que les punaises de lit soient d’importants vecteurs de maladies. Toutefois, une étude a démontré que le VIH pouvait survivre pendant une heure dans l’estomac d’une punaise. Il a aussi été observé que des morsures fréquentes peuvent conduire à une carence en fer, voire à une anémie (comme dans les histoires de vampires!). Nous ne sommes plus bien loin d’un film d’horreur, ici… Et au moment de terminer l’écriture de cette section, j’ai drôlement envie de me gratter!

Un autre envahisseur indésirable est la mite des vêtements (lépidoptère de la famille des Tineidae). J’ai pris des photos de ces mites dans ma maison, ce printemps. Nous retrouvons un adulte par semaine, depuis quelques semaines déjà. L’invasion ne semble pas massive, mais je m’interroge tout de même sur leur provenance. Retrouverais-je éventuellement un vieux chandail de laine rongé? En plus de s’attaquer aux vêtements, les larves de mites peuvent se satisfaire d’autres substrats, tels le tissu d’un tapis, ou encore un amas de poussière localisé sous un meuble. Bref, difficile de trouver la « source d’émanation » dans une grande maison!

Mite vêtements
Mite des vêtements

Des espèces d’invertébrés que nous abritons, certaines sont totalement inoffensives, alors que d’autres sont plus dérangeantes. Mieux les connaître aide à mieux orienter nos actions. Et, bonne nouvelle, la plupart ne nécessitent, en fait, aucune intervention… en autant qu’on soit prêt à ce qu’elles nous tiennent compagnie!

 

Pour en savoir plus

Un charançon dans ma maison – Partie 2: Le coupable identifié!

Vous vous souvenez sans doute que je vous avais parlé, il y a de cela quelques semaines, d’un charançon que mes parents avaient trouvé dans leur maison (chronique ici) en plein mois de janvier? Il semblerait que l’individu en question n’était pas seul. Mes parents en ont effectivement retrouvé trois autres depuis.

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Charançon noir de la vigne qui s’est introduit dans la maison de mes parents
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Même individu, pris d’un autre angle

Quelle ne fut pas ma chance, lors d’une visite chez ces derniers, de tomber sur un cinquième individu moi-même! Mes parents ne parlent toutefois plus de chance, eux, puisque les bêtes en question sont accusées de dommages sur certaines de leurs plantes. Néanmoins, cela m’a permis de prendre de nouvelles photos de l’insecte et de juger de sa taille (environ un centimètre de long).

Mes parents avaient plusieurs questions pour moi. Tout d’abord, quel est le cycle de vie de ces animaux? Le fait d’en retrouver dans la maison à intervalles réguliers suggère qu’ils se seraient possiblement reproduits. Deuxièmement, les individus ont été aperçus se déplaçant à pied, mais jamais en train de voler… Celui que j’ai photographié a d’ailleurs passé beaucoup de temps à se balader sur ma main, sans jamais tenter de s’envoler. Bref, volent-ils? Troisièmement, comme je l’ai mentionné plus haut, mes parents ont observé des marques d’alimentation très distinctes sur leurs plantes. Est-ce attribuable aux charançons qu’ils ont retrouvés? Finalement, mes parents croient que les « bêtes » seraient surtout actives la nuit, puisqu’ils n’ont pas réussi à les observer sur leurs plantes en plein jour. Est-ce le cas?

Après avoir recueilli ces informations sur les habitudes présumées des envahisseurs – en plus d’avoir de nouvelles photos en main – je décidai de faire de nouvelles recherches. Celles-ci me permirent d’identifier plus précisément l’espèce en question. Il s’agirait très probablement du charançon noir de la vigne, Otiorhynchus sulcatus.

Ce sont toutes les pièces à convictions que j’ai amassées qui m’ont orientée vers ce « coupable »! Tout d’abord, il semblerait que les entailles que ces insectes produisent sur les plantes – en forme de croissant – soient caractéristiques. Ensuite, cette espèce de charançon est parthénogénique, signifiant que les femelles peuvent se reproduire sans mâles. Ceci pourrait expliquer le fait que mes parents en retrouvent régulièrement et en plein hiver… Il n’aurait suffit que de faire entrer un seul individu à l’automne pour se retrouver avec une petite famille… De plus, le charançon noir de la vigne ne vole pas et serait actif pendant la nuit, ce qui coïncide également avec nos observations.

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Dommages fort probablement attribuables aux charançons

Un grand mystère demeure : quel est le cycle de vie de cet insecte lorsqu’il se retrouve à l’intérieur pour passer l’hiver? Est-ce que l’invasion subie par mes parents est attribuable à un adulte qui s’est introduit dans la maison à l’automne et qui s’est ensuite reproduit? Est-ce que ce sont plutôt des oeufs qui ont été pondus dans quelques plantes qui ont séjourné à l’extérieur pendant l’été? Bien sûr, la principale préoccupation de mes parents est de savoir s’ils risquent éventuellement de se retrouver avec une colonie entière de charançons dans la maison. Malheureusement, tout ce que j’ai été en mesure de trouver comme information (Internet, livres) porte sur le cycle de vie de cette espèce à l’extérieur des maisons. Reste donc à mes parents d’examiner leurs plantes et de tenter de piéger les envahisseurs avant qu’ils ne fassent trop de dommages, à défaut d’en savoir plus!

Si jamais vous avez des pistes de solution – ou avez vécu un problème similaire – n’hésitez pas à m’écrire un commentaire!

Cela dit, je termine le tout avec un court film du charançon se baladant sur ma main! Notez comment il utilise ses antennes (elles bougent sans cesse) pour identifier vers où il doit aller.

Pour en savoir plus

Un charançon dans ma maison ?

Le charançon en question (Photo: Céline Benoit Anderson)
Le charançon en question (Photo: Céline Benoit Anderson)

C’est à la suite de la réception d’une photo que ma mère m’a transmise par courriel – elle souhaitait que j’identifie un insecte « étrange » dans sa maison, en plein mois de janvier – que j’ai finalement décidé d’ériger un blogue sur les invertébrés. Je prends vraiment beaucoup de plaisir à les identifier et à tenter de comprendre quelles sont leurs habitudes.

La question de ma mère était facile à répondre. Il s’agissait, en fait, d’un charançon (photo à l’appui). Les charançons sont des coléoptères, dont la plupart des espèces appartiennent à la grande famille des curculionidae. Fait intéressant (que je viens tout juste d’apprendre en faisant les recherches pour cette chronique): la famille des curculionidae est la plus grande famille d’organismes vivants, toutes catégories confondues. Il y a plus d’espèces dans cette famille qu’il y a d’espèces de vertébrés sur terre!

Ils sont faciles à reconnaître à cause de leur long « museau » (rostre). Le rostre varie en taille et en longueur selon les espèces. La localisation des antennes par rapport au rostre est aussi variable (parfois à la base, parfois tout au bout). C’est ce qui aide, notamment, à distinguer les différentes espèces et à identifier les individus.

Les charançons n’ont pas un long rostre pour rien… Ils s’en servent pour sucer la sève des plantes et le jus (ou la chair tendre) des fruits. Ils se nourrissent également de bois (sous l’écorce), de tiges, de racines, de grains, de noix et j’en passe! J’en vois souvent de tout petits, à chaque été, dans mes plants de framboises. Je les présume responsables des grains de framboise desséchés. Ce n’est pas pour rien que ce groupe d’insecte comprend plusieurs « pestes », qui ne sont pas nécessairement appréciées des agriculteurs. Néanmoins, il semblerait que la majorité des curculionidae soient inoffensifs… certains étant même utiles, puisqu’ils s’attaquent à ce que nous qualifions de « mauvaises herbes ».

Une question demeure : Qu’est-ce qu’un charançon fait dans une maison en plein hiver? Bien que je n’aie pas de réponse absolue, je présume que le charançon en question subsiste en se nourrissant d’une – ou de plusieurs – des plantes de ma mère. Une autre possibilité est qu’il se cachait dans des fruits achetés à l’épicerie et ramenés à la maison par mes parents.

 

Pour en savoir plus…

Dubuc, Y. 2007. Les insectes du Québec. 456 p.

Marshall, S.A. 2009. Insects. Their natural history and diversity. 732 p.

Bug Guide: http://bugguide.net/node/view/139/bgpage

Espèce de charançon du Québec vue de près: http://www.lenaturaliste.net/forum/viewtopic.php?f=42&p=53072

 

Photos d’une autre espèce de charançon (Photos par Caroline Anderson)Charançon3Charançon1b