Des arachnides sous l’eau

Plus tôt cet été, je vous avais brièvement relaté un fantastique épisode dans le cadre duquel j’avais pu patauger à volonté dans quelques lacs et rivières de la région des Laurentides (cette capsule). Je vous avais alors promis de vous parler plus en détail de quelques-uns des invertébrés rencontrés.

Chose promise, chose due, je compte aujourd’hui vous entretenir au sujet d’un tout petit arachnide aquatique peu connu de la population générale. Si vous êtes toutefois amateur de la photographie d’insectes, vous avez peut-être déjà vu cette bête accrochée à quelques spécimens d’envergure comme des libellules. Notre invertébré vedette est, en fait, une « mite d’eau » – nommée Hydrachnidia ou Hydracarina. À noter que, selon Voshell (2002), ces deux termes ne représentent pas un groupe taxonomique précis et ont été conçus par des entomologistes afin de pouvoir mieux désigner ce vaste groupe composé d’individus aux mœurs variées. En outre, ils regroupent l’ensemble des acariformes aquatiques.

Les hydracariens peuvent être très petits
Les hydracariens peuvent être très petits
Ce spécimen, plus gros, était un bon nageur (voir la vidéo 1 ci-dessous)
Ce spécimen, plus gros, était un bon nageur (voir la vidéo 1 ci-dessous)

Les mites d’eau sont très abondantes dans les milieux d’eau douce. Or, leur taille généralement petite (moins de 1 mm à 7 mm) fait en sorte qu’elles passent inaperçues. Ces minuscules arachnides peuvent se mouvoir avec aise dans la colonne d’eau, certaines espèces étant plus habiles à la nage que d’autres. Avec huit pattes pour se propulser, plusieurs sont en mesure de se déplacer rapidement, comme en témoignent les vidéos que j’ai prises et qui accompagnent le présent billet. Les espèces moins « sportives », quant à elles, déambulent paisiblement sur le substrat au fond des lacs et rivières, ainsi que le long des plantes submergées… ou encore se creusent un nid douillet sous les sédiments déposés au fond de l’eau.

Ces organismes se reconnaissent facilement, pourvu qu’ils se laissent observer! Leur corps est majoritairement constitué d’un gros abdomen bien rond, le céphalothorax étant pratiquement imperceptible. Huit pattes sont visibles (six seulement chez les larves), ainsi que deux pédipalpes protubérants situés à l’avant de la tête. Ils peuvent être de coloration variable. Certains portent le brun ou le noir pour bien se fondre à leur environnement. D’autres arborent des couleurs plus vives comme le rouge, l’orange, le jaune, le vert ou le bleu. Les sources consultées suggèrent que le rouge vif serait synonyme d’un goût désagréable, faisant en sorte que les individus portant cette couleur seraient moins sujets à la prédation par les poissons.

Comme tout arachnide digne de ce nom, nos mites sont munies de chélicères armées de crocs, qui servent à percer les tissus et siroter les fluides de divers animaux et plantes. Les différentes espèces d’hydracariens présentent un comportement alimentaire fort varié : herbivores, prédateurs, collecteurs-filtreurs, charognards, toute méthode est bonne! Certaines constituent des parasites externes d’autres insectes. Fait intéressant, quel que soit le mode d’alimentation des adultes, toutes les larves s’avèrent être des parasites d’invertébrés aquatiques. Ces dernières s’accrochent à une pléiade d’insectes, notamment les libellules, les punaises d’eau géantes, les plécoptères, les corises et les dytiques, que l’on peut plus facilement observer. Elles s’attaquent aussi à maintes larves d’insectes aquatiques (entre autres maringouins et chironomes), crustacés et mollusques qui demeurent tapis sous l’eau et qui sont, par conséquent, moins connus. J’ai, pour ma part, photographié quelques individus cramponnés à des demoiselles (Odonata), ainsi qu’à une punaise d’eau du genre Belostoma.

Voyez-vous les nombreuses mites accrochées à l’abdomen du mâle?
Voyez-vous les nombreuses mites accrochées à l’abdomen du mâle?
Plusieurs mites parasites étaient fixées sur cette punaise
Plusieurs mites parasites étaient fixées sur cette punaise

Le parasitisme associé aux mites d’eau semble jouer un rôle important dans la régulation des populations de divers organismes aquatiques. Dans les milieux où elles sont foisonnantes, elles contribueraient à diminuer de façon notable l’abondance de leurs proies préférées. Aussi, les larves d’insectes fortement touchées peuvent, une fois émergées en tant que femelles, être suffisamment affaiblies de sorte à pondre un moins grand nombre d’œufs. Naturellement, le taux de survie des individus vivement assaillis diminue au fur et à mesure qu’augmente l’intensité du parasitisme.

Les mites d’eau sont retrouvées dans des milieux aquatiques fort variés où elles prolifèrent en grande abondance. Selon Thorp et Covich (2001), un seul mètre carré de substrat localisé dans la zone littorale bien fournie en végétation aquatique d’un lac eutrophe (état de santé d’un lac qui s’avère enrichi par la matière organique, les algues et les plantes) peut soutenir jusqu’à quelque 2000 individus – un minimum de 25 genres et de 75 espèces! C’est en nageant parmi les herbiers poussant à un mètre de profondeur aux abords d’un petit lac l’été dernier que je pus en effet filmer quelques individus en action et les capturer pour mieux les examiner (tous ont ensuite été relâchés sans dommage!). C’était vraiment étonnant de voir de petites taches rouges se déplacer rapidement autour de moi sous l’eau.

Les rivières ne sont pas en reste : toujours selon Thorp et Covich (2001), le substrat rocheux des ruisseaux et des rivières à courant rapide s’avère, lui aussi, un habitat de choix. Un mètre carré de ce substrat peut comprendre 5000 spécimens appartenant à plus de 30 genres et 50 espèces. C’est donc dire que ces petites bêtes sont omniprésentes!

La capacité des invertébrés à respirer sous l’eau constitue un sujet qui m’a toujours fascinée (voir cette chronique). Les tactiques employées par les invertébrés aquatiques (quels qu’ils soient), sont multiples, incluant l’utilisation de tubes respiratoires, de branchies externes et de branchies cachées dans une chambre où l’eau peut circuler. Chez les hydracariens, la respiration s’effectue simplement par diffusion de l’oxygène contenu dans l’eau à travers les parois de l’exosquelette. Chez les individus munis d’un exosquelette plus rigide, on peut noter la présence de pores dispersés au travers des « plaques » qui facilitent davantage la diffusion des gaz.

Bien que l’été nous ait déjà quittés depuis un petit moment, j’ai une suggestion d’activité que vous pourriez mettre à votre agenda lorsque la chaleur sera de retour (ouf, je ne passerai pas l’hiver si j’ai déjà hâte à l’été prochain!). En effet, je vous propose de vous munir de lunettes de plongée et d’un tuba afin de sillonner les herbiers de plantes aquatiques qui jonchent le littoral d’un lac que vous aurez choisi (pour des suggestions, vous pouvez toujours communiquer avec moi!). En ouvrant l’œil attentivement, vous devriez pouvoir observer quelques hydracariens se déplaçant habilement dans la colonne d’eau… et peut-être même plus!

 

Vidéo 1. Cet été, je me suis amusée à donner quelques coups de filet dans un lac des Laurentides (lac Bonny). On peut d’abord voir une mite d’eau rouge nager dans un petit contenant. Ensuite, je vous transporte vers un bol plus gros contenant de nombreuses mites qui se déplacent vivement. Le bol représente le contenu de quelques coups de filet donnés en zone littorale du lac.

 

Vidéo 2. Mite d’eau capturée dans le lac Cromwell à l’été 2017, sur le territoire de la Station de Biologie des Laurentides. Celle-ci est brune.

 

Vidéo 3. Lors d’une petite sortie en apnée, j’ai pu filmer ces deux mites rouges à la nage, au fond du lac. La mise au point n’est pas idéale (difficile de garder sa stabilité dans une masse d’eau en mouvement!), mais l’on peut bien voir les deux « points » rouges se mouvoir.

 

Pour en savoir plus

  • Bug Guide. Hydrachnidia – Water Mites. https://bugguide.net/node/view/729566
  • Moisan, J. 2010. Guide d’identification des principaux macroinvertébrés benthiques d’eau douce du Québec, 2010 – Surveillance volontaire des cours d’eau peu profonds. 82 p. Disponible en ligne : http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/eau/eco_aqua/macroinvertebre/guide.pdf
  • Thorp, J.H., et A.P. Covich. 2001. Ecology and Classification of North American Freshwater Invertebrates. 1056 p.
  • Voshell, J.R. 2002. A guide to common freshwater invertebrates of North America. 442 p.

Reconnaître les macroinvertébrés aquatiques d’eau douce – Partie 1

Hirudinea_micro
Vue dorsale d’une sangsue en phase d’étirement; on voit les yeux à droite
Gastropoda marée basse
Escargot rampant à marée basse

J’ai eu le plaisir, lors du dernier congrès de l’Association des entomologistes amateurs du Québec (AEAQ) tenu à Waterville, d’animer un atelier d’introduction aux macroinvertébrés d’eau douce. Il ne m’en fallait pas plus pour juger bon de vous faire part de quelques trucs et astuces qui s’avèreront utiles pour identifier des individus pris en clichés ou capturés (selon vos champs d’intérêts, bien sûr!). Étant donné que les invertébrés d’eau douce (lacs, rivières, étangs) sont relativement méconnus, j’espère que ce premier contact vous sera instructif!

Avant de démarrer, je souhaite souligner que, dans la présente chronique, je n’aborderai que les principales catégories d’invertébrés qui se voient à l’œil nu (dits « macroinvertébrés »). Il y aurait matière à écrire beaucoup plus pour tout ce qui est approximativement de la taille d’un grain de sable en descendant, ce que je ne ferai pas dans le présent cas! Par ailleurs, je ne serai pas complètement exhaustive et miserai sur les invertébrés les plus communément observés dans nos lacs et rivières du Québec méridional – avec un petit penchant pour les rivières compte tenu de mon expérience passée à cet effet.

En un premier temps, il importe de mentionner que l’on retrouve trois grandes catégories d’invertébrés dans les milieux aquatiques d’eau douce: 1) les invertébrés non-arthropodes, 2) les arthropodes non-insectes et 3) les insectes proprement dits.

Les non-arthropodes se distinguent des arthropodes par les caractéristiques suivantes : ils ne possèdent ni pattes, ni capsule céphalique (tête) munie de rostre, mandibules ou crochets – à noter cependant que cette dernière peut parfois être dissimulée chez certains insectes. C’est l’absence combinée de ces deux critères qui importent, certaines larves d’insectes n’ayant pas de pattes, mais une tête développée – j’en parlerai ultérieurement.

Identification_Schéma_CAnderson
Critères d’identification des invertébrés d’eau douce, adapté de Voshell (2002)

Le groupe des non-arthropodes inclut des organismes au corps mou et allongé comme les sangsues, les vers de terre aquatiques, les vers ronds (Nématodes et nématomorphes) et les vers plats. Il comprend également des mollusques, organismes au corps mou mais dotés d’une carapace, comme les moules et les escargots. Les sangsues et les vers de terre sont des annélides (Embranchement Annelida). Cela signifie que leur corps est couvert de petits sillons, tels des anneaux. C’est une bonne façon de les distinguer d’autres invertébrés qui ont une forme de ver, comme les nématodes (Nematoda) et les nématomorphes (Nematomorpha), mais qui ne possèdent pas d’anneaux. Les sangsues possèdent de petits yeux sur les premiers segments situés à l’avant (vue dorsale), ainsi que deux disques localisés à chaque extrémité et destinés à la « succion » (vue ventrale) qui leur permettent de demeurer accrochées au substrat (ou à une proie). Les vers de terre aquatiques (sous-classe Oligochaeta), quant à eux, ne présentent pas ces caractéristiques et sont relativement uniformes, ce qui permet de les différencier des sangsues. Selon l’espèce en cause, ils peuvent être aussi fins qu’un cheveu ou encore atteindre la taille des vers de terre « terrestres » que nous connaissons bien.

Nematomorpha
Nématomorphe recueilli dans la rivière du Cap-Rouge, Québec

Fait intéressant, vous connaissez sans doute les nématomorphes (aussi nommés vers gordiens) à cause de leur propension à parasiter des invertébrés… et à s’en extirper si l’invertébré en question est tué. Vous avez probablement vu sur Internet, comme moi, quelques vidéos de très longs « vers » qui sortent du corps d’invertébrés, un peu à l’instar du monstre « Alien » qui sort du corps d’un humain (cette vidéo, par exemple, qui est devenue très populaire sur YouTube). Il s’agissait de nématomorphes!

Les vers plats, de leur côté, font partie d’un tout autre embranchement : Platyhelminthes (Classe : Turbellaria). Leur corps n’est pas segmenté et a une forme plutôt aplatie (voir cette image). De plus, on peut apercevoir deux yeux à l’avant du corps. Les vers plats d’eau douce sont largement méconnus, notamment parce qu’ils sont généralement petits et qu’ils se dissimulent très bien dans l’environnement. Ils ressemblent à de petits débris mous, arborant des couleurs sobres comme le brun, le gris et le noir. J’en ai rarement vu en rivières, ceux-ci affectionnant davantage les milieux à courant lent selon Voshell (2002).

La deuxième catégorie d’invertébrés d’eau douce dont je veux vous entretenir porte sur les arthropodes non-insectes. Comme mentionné plus haut, les arthropodes sont habituellement dotés d’une capsule céphalique assez développée (ou minimalement d’appendices buccaux visibles comme des crochets) et, la plupart du temps, de pattes segmentées. Les arthropodes non-insectes sont munis de 4 à 7 paires de pattes, alors que les insectes en possèdent 3 ou aucune.

Décapoda
Les écrevisses n’ont pas besoin de description!
Amphipoda Port-au-Saumon
Exemple d’amphipode (celui-ci a toutefois été collecté en milieu marin)

Ils comprennent tout d’abord les mites d’eau (photo), membres de la classe des arachnides. Ces dernières, généralement appelées Hydracarina ou Hydrachnidia, ont huit pattes et sont de petite taille – presque microscopique (1 à 3 millimètres). Elles sont abondantes en eaux douces et j’en ai souvent retrouvé dans mes échantillons pris en rivières au Québec. Elles sont faciles à reconnaître, puisqu’elles ressemblent à de petits acariens (elles font d’ailleurs partie de l’ordre Acariformes).

Les arthropodes non-insectes incluent aussi les écrevisses, les amphipodes – de petites crevettes d’eau douce – et les asellidés, des isopodes aquatiques apparentés aux cloportes. Il s’agit dans les trois cas de crustacés (sous-embranchement Crustacea). Ils se distinguent aisément : les écrevisses sont munies de pinces et ressemblent à de petits homards. Ils ont cinq paires de pattes au total. Les asellidés (Asellidae) sont aplatis sur le plan horizontal et portent sept paires de pattes (voir cette photo). Les amphipodes sont couramment appelés gammares bien que ce ne soient en réalité pas tous les individus observés en eaux douces qui fassent partie de la famille Gammaridae. Ceux-ci possèdent également sept paires de pattes comme les isopodes, mais ils sont aplatis sur le plan latéral. D’autres espèces de crustacés sont retrouvées en eaux douces, mais on les observe habituellement surtout en lacs (quoique présentes dans les rivières élargies ou dans les tronçons situés en aval de barrages), alors que j’ai fréquemment collecté des écrevisses, des gammares et des asellidés dans les rivières du Québec. Ces autres groupes pourront sans doute faire l’objet de futures chroniques!

Pour ce qui est de la troisième grande catégorie, les arthropodes qui sont des insectes, celle-ci comprend de nombreux ordres. J’aborderai les principaux ordres d’insectes retrouvés en eaux douces québécoises dans le cadre de la prochaine chronique.

Bonne identification d’ici là!

 

Vidéo 1. Sangsues sous une roche soulevée à marée basse (Cap-Rouge, Québec)

 

Vidéo 2. Ver gordien (Nématomorphe) recueilli dans la rivière du Cap-Rouge, Québec

 

Pour en savoir plus

Des tricoteuses miniatures!

Beau petit tricot tendance fait à la main en laine jaune, rouge et bleue. On se croirait dans un défilé de haute couture. Détrompez-vous! La fine tricoteuse qui a fabriqué ce joli pull n’est pas humaine… Il s’agit plutôt d’une petite chenille dont le nom fait frémir : la mite des vêtements porte-case (Tinea pellionella).

T. pellionella_fourreau
Ce joli fourreau est une gracieuseté d’une mite des vêtements porte-case

C’est en décembre 2013 que nous avons découvert le pot aux roses. Il faut dire que nous soupçonnions déjà avoir affaire à un problème de mites des vêtements, mais ne trouvions aucune larve dans nos garde-robes.

Aux printemps 2011 et 2012, nous avions observé quelques très petits papillons (10 à 15 millimètres) brun-beige qui se promenaient dans la maison, sans plus. À l’été 2013, surprise, nous nous sommes retrouvés avec 5 à 7 papillons par jour pendant deux ou trois mois. Nous avons scruté tapis, dessous de meubles et autres recoins sans réussir à trouver la source. Or, en décembre 2013, je tombai sur une toute petite chenille enveloppée d’un fourreau laineux qui grimpait le long du mur de la salle de bain (voir la première vidéo à la fin de la chronique). En l’examinant sous le microscope je compris 1) qu’il s’agissait d’une mite des vêtements porte-case (on la nomme aussi « teigne ») et 2) que son joli fourreau arborait des couleurs que l’on retrouvait… dans les couvertes de notre lit! C’est à ce moment que nous eûmes l’idée de tirer le lit et d’examiner en dessous. Ouf! Quel spectacle nous eûmes, voyant tout un tas de petites chenilles entrelacées avec brindilles de tissus et de poussière!

Mite vêtements
Les teignes adultes sont toutes petites
T. pellionella
Première larve de teigne porte-case observée… avant de trouver le pot aux roses!

À partir de mon stéréomicroscope, je pris quelques vidéos des amas de fourreaux entremêlés, incluant les chenilles bien vivantes qui s’y cachaient. Vous pouvez les visionner à la toute fin de la présente chronique. J’en entends déjà certains d’entre vous dire « ouache »! Oui, ces belles petites bêtes étaient bien sous mon lit!

À partir de ce moment, nous avons commencé à trouver des larves de ces mites un peu partout au sol dans la chambre. Par chance, aucune ne semblait s’intéresser à nos vêtements, qu’ils soient suspendus ou dans des tiroirs.

Évidemment, bien que je n’aime pas maltraiter les insectes, nous avons dû prendre des mesures pour nous en débarrasser. Malheureusement, ces teignes peuvent avoir des impacts négatifs lorsqu’elles se faufilent dans nos demeures. Les larves peuvent ronger les vêtements et les tissus (couvertes, par exemple), de même que les tapis. Il s’agit d’une espèce nuisible.

Elles ne sont pas, non plus, appréciées des établissements muséologiques, car elles affectionnent tout ce qui contient de la kératine (poils, peaux, fourrures, plumes et cornes), ainsi que les tissus, tapisseries et tapis (attention objets et meubles anciens!).

Ces teignes font partie de la famille Tineidae, qui compte de nombreuses espèces dont les larves se nourrissent principalement de fongus, de lichens et de détritus. Outre la mite porte-case, deux autres espèces de teignes envahissent nos demeures : la teigne commune des vêtements et la teigne du tapis. Ce ne sont cependant que les larves de Tinea pellionella qui tissent de jolis petits fourreaux.

Bref, il me fut facile de confirmer à quoi nous faisions face. C’est un expert en extermination qui nous indiqua quoi faire pour nous débarrasser de ces insectes dont les populations étaient visiblement en train d’exploser dans notre demeure. La solution : un produit à vaporiser tout le long des murs et du lit et qui tue tout ce qui rampe. Malheureusement, ce produit n’était pas spécifique et je craignais bien que d’autres petites bêtes que j’aime et que je laisse promener dans ma maison – des poissons d’argent et des araignées – allaient aussi être affectées. Ce fut le cas, car je retrouverai beaucoup de poissons d’argent morts le long des murs de la chambre dans les jours qui suivirent. Toutefois, l’effet fut concluant pour les teignes également et nous permit de réduire les populations à un point tel que nous n’avons vu qu’un très faible nombre d’adultes (4 ou 5) se promener au printemps dernier.

T. pellionella 1
Mites des vêtements qui s’agitent sous la loupe de mon stéréomicroscope
T. pellionella 2
Deux autres larves que j’ai préservées dans l’alcool

Selon les conseils de l’expert en extermination, nous avions aussi suspendu un piège à phéromones destiné à attirer et capturer les mâles de sorte à éviter tout accouplement. Nous n’avons capturé aucun individu, mais compte tenu du très faible nombre d’adultes observés cette année, je ne saurais dire s’il s’agit d’un échec.

En plus de ces stratégies, nous nettoyons beaucoup plus souvent qu’avant le dessous du lit! Par ailleurs, nous nettoyons aussi plus fréquemment les couvertes, car j’avais lu que les larves de ces teignes ont un faible pour les vêtements un peu défraîchis (elles aiment l’odeur de sueur, à ce qu’il paraît!). Nous nous assurons aussi d’une certaine rotation des vêtements à laver – j’étais du genre à porter un chandail de laine plusieurs fois avant de le mettre au lavage (je n’aime pas gaspiller l’eau!). Il s’agit d’une seconde stratégie : en effet, si des œufs ou des larves de teignes se retrouvaient sur ces vêtements, ils seraient éliminés.

J’aimerais terminer par l’épineuse question : comment peut-on se retrouver avec des mites des vêtements dans notre maison? Bien que je ne saurai jamais exactement quelle est la source d’introduction, je soupçonne que les coussins de nos chaises de patio, qui passent l’été dans notre remise et que l’on entrepose dans la maison pour l’hiver, pourraient être un vecteur. Autrement, des vêtements, couvertes ou  matériaux de ce genre achetés dans des magasins pourraient, à l’occasion, contribuer à introduire des individus. À titre d’exemple, en allant acheter des articles de Noël à un Dollarama cette année, j’observai un tout petit papillon brun-beige de ce type qui passa à un mètre de moi. D’où venait-il? Y avait-il des larves cachées dans un objet quelque part? L’histoire ne le dira pas!

Pour conclure, si vous observez de petits papillons dans votre maison, il serait pertinent que vous tentiez de les identifier avant que les populations n’explosent. Il pourrait s’agir de teignes des vêtements, mais aussi d’autres microlépidoptères qui, pire encore, s’attaquent aux denrées alimentaires. Habituellement, les spécialistes en extermination pourront vous aider à l’identification des spécimens et aux solutions associées.

 

Vidéo 1. La toute première teigne aperçue, grimpant le long du mur de ma salle de bain.

 

 

Vidéo 2. Teignes porte-case qui s’agitent sous mon stéréomicroscope.

 

 

Vidéo 3. Deux autres teignes porte-case en mouvement.

 

 

 

Pour en savoir plus

Les envahisseurs!

Lépisme et main
Poisson d’argent (lépisme)

Ils sont nombreux et diversifiés. Ils se cachent dans les moindres recoins de votre maison. Non, il ne s’agit pas du scénario d’un nouveau film d’horreur. Ni d’envahisseurs extra-terrestres. Ce sont tout simplement les invertébrés qui habitent avec nous, dans nos humbles demeures!

Bien que certains d’entre eux ne coexistent que de façon temporaire avec nous, question de fuir l’hiver, d’autres demeurent avec nous tout au long de l’année. C’est le cas, par exemple, des lépismes, que vous connaissez sans doute sous le nom de « poissons d’argent ». Les lépismes sont discrets et se tiennent dans les coins plus sombres et humides de nos maisons. Ils sortent de leur cachette la nuit pour se nourrir d’une panoplie de nos « restes » alimentaires et organiques (poussière, cheveux) laissés au sol, ainsi que d’autres produits incluant la colle à tapisserie et les reliures de livres. Ils sont inoffensifs et contribuent même à « nettoyer » certains recoins inatteignables!

Une myriade d’espèces d’araignées est également retrouvée de façon régulière dans nos demeures. C’est le cas de Cheiracanthium inclusum (agrarian sac spider), une araignée jaunâtre d’assez grande envergure (environ 1 cm) qui, bien que normalement retrouvée dans le feuillage des arbres ou des herbacées, à l’affut d’une proie, se faufile aisément dans nos maisons. Ces araignées laissent souvent derrière elles un fil unique, en guise de « corde de sécurité » si elles tombent. Si vous observez de ces fils chez vous (à ne pas confondre avec des fils de poussière!), il est bien possible que vous hébergiez quelques araignées de ce groupe! Selon le livre Common spiders of North America, il s’agit effectivement d’une des araignées les plus communément retrouvées à l’intérieur de nos bâtiments. Toutefois, d’autres espèces, souvent toutes petites (quelques millimètres d’envergure), nous tiennent également compagnie.

Araignée_Sac spider
Cheiracanthium inclusum, araignée commune dans nos maisons

Ces araignées ne représentent aucun danger pour l’être humain. Elles peuvent tout de même mordre pour se défendre, mais aucune d’entre elles n’est venimeuse… si nous demeurons au Québec, bien sûr! Elles contribuent même à nous débarrasser d’autres envahisseurs qui, eux, pourraient s’avérer bien plus néfastes.

Et justement, certains invertébrés « envahisseurs » sont nettement moins bienvenus. Je vous avais parlé, dans un article précédent, de plusieurs charançons qui causaient des dommages aux plantes d’intérieur de mes parents. D’autres envahisseurs s’en prennent directement à nous. Je pense en particulier aux punaises de lit. Ces hémiptères dépourvus d’ailes sont des parasites d’animaux, incluant… les humains. En fait, les punaises de lit nous auraient suivis depuis les cavernes de la préhistoire jusque dans nos demeures des temps modernes. Elles auraient été moins abondantes à partir du milieu du XXe siècle, mais présentent une remontée spectaculaire depuis les années 1990, possiblement attribuable à la mondialisation (accroissement du commerce international, du nombre de voyages internationaux, etc.). Les punaises se nourrissent la nuit, en repérant leurs hôtes par la chaleur qu’ils dégagent. Elles génèrent des morsures qui démangent (et qui dérangent!). Les références que j’ai consultées indiquent qu’il n’est pas démontré que les punaises de lit soient d’importants vecteurs de maladies. Toutefois, une étude a démontré que le VIH pouvait survivre pendant une heure dans l’estomac d’une punaise. Il a aussi été observé que des morsures fréquentes peuvent conduire à une carence en fer, voire à une anémie (comme dans les histoires de vampires!). Nous ne sommes plus bien loin d’un film d’horreur, ici… Et au moment de terminer l’écriture de cette section, j’ai drôlement envie de me gratter!

Un autre envahisseur indésirable est la mite des vêtements (lépidoptère de la famille des Tineidae). J’ai pris des photos de ces mites dans ma maison, ce printemps. Nous retrouvons un adulte par semaine, depuis quelques semaines déjà. L’invasion ne semble pas massive, mais je m’interroge tout de même sur leur provenance. Retrouverais-je éventuellement un vieux chandail de laine rongé? En plus de s’attaquer aux vêtements, les larves de mites peuvent se satisfaire d’autres substrats, tels le tissu d’un tapis, ou encore un amas de poussière localisé sous un meuble. Bref, difficile de trouver la « source d’émanation » dans une grande maison!

Mite vêtements
Mite des vêtements

Des espèces d’invertébrés que nous abritons, certaines sont totalement inoffensives, alors que d’autres sont plus dérangeantes. Mieux les connaître aide à mieux orienter nos actions. Et, bonne nouvelle, la plupart ne nécessitent, en fait, aucune intervention… en autant qu’on soit prêt à ce qu’elles nous tiennent compagnie!

 

Pour en savoir plus