Un ver à plat!

Aviez-vous deviné quel invertébré se cachait sur la photo diffusée lors de la chronique devinette du 26 juillet dernier? Si vous avez donné votre langue au chat, c’est tout à fait normal. Il s’agit en fait d’un membre appartenant à un groupe d’invertébrés peu connu par la population en général : un ver plat, aussi nommé ver planaire ou turbellarié (Embranchement Plathelminthes; Classe Turbellaria).

Turbellaria
L’étrange ver plat (environ 10 mm)

Les vers plats retrouvés en eaux douces se déplacent librement, contrairement à la plupart des autres membres de cet embranchement qui constituent des parasites internes de faible intérêt pour les limnologistes. Cela dit, sur les quelque 200 espèces de planaires d’eau douce d’Amérique du Nord, plus de la moitié mesurent moins de 1 mm et ne se voient pas à l’œil nu. Certains individus (appartenant typiquement à l’ordre Tricladida) peuvent mesurer autant que 30 mm, mais les espèces les plus communes feraient entre 5 à 20 mm. D’ailleurs, au fil de mes lectures, je réalise que les renseignements que je collige sur les vers plats tendent à faire davantage référence aux membres d’un ordre en particulier, soit celui le plus souvent observé : Tricladida (les triclades). Ce n’était pas nécessairement clairement indiqué dans toutes mes sources et c’est sur le tard que j’ai fait cette découverte. Vous en serez donc avertis pour ce qui suit ci-dessous!

Les spécimens d’eau douce se reconnaissent facilement, une fois que vous les avez aperçus (si vous ne les prenez pas pour des débris, bien sûr)! Ils possèdent un corps allongé ressemblant à celui d’un ver, mais qui s’avère non segmenté et lisse, contrairement aux sangsues et aux vers aquatiques (oligochètes). Leur corps plat permet aussi de les distinguer des autres invertébrés non segmentés comme les nématodes et nématomorphes ou encore les némertes (voir notamment Moisan 2010).

Devinette_2019-07-26
Sur cette photo, on pourrait le prendre pour un débris

Autre critère à surveiller : le corps se resserre vers la tête, faisant en sorte que cette dernière ressemble un peu à une pointe de flèche. On y voit fréquemment deux petits yeux situés sur le dessus. Par contre, selon la position prise par l’individu, on ne peut pas toujours bien voir ces éléments (comme en témoigne la vidéo 2 ci-dessous où la tête se distingue moins bien). La face dorsale est couramment mouchetée ou lignée dans les tons de gris, brun ou noir, question de se fondre au milieu, alors que la face ventrale est généralement claire et unie.

Fait particulier, les vers plats possèdent souvent un orifice ventral d’où sort le pharynx. C’est comme si un tube sortait du centre de l’abdomen de ces organismes, tel un cordon ombilical. Cet organe sert tant pour l’ingestion de nourriture que pour l’évacuation de cette dernière; il joue le rôle de bouche et d’anus simultanément (oui, oui, vous avez bien lu!).

Dans ce contexte, que mangent-ils et comment le font-ils? Habituellement, les planaires s’avèrent être des prédateurs d’autres invertébrés; chez les triclades, les références consultées citent les isopodes, les oligochètes, le zooplancton, de même que plusieurs larves d’insectes (diptères, trichoptères et éphémères). Comme ils ne possèdent pas de dents ou d’enzymes digestives, ils vont souvent se positionner au-dessus d’une proie, puis utiliser leur tube digestif pour aspirer l’organisme… entier ou en morceaux (qu’il s’agisse de solides ou de fluides)! Certains peuvent sécréter des neurotoxines afin d’immobiliser leur proie et de faciliter la tâche d’ingestion. De plus, tous les vers planaires sont connus comme étant des charognards à leurs heures. Aussi, plusieurs produisent un fil ou une masse de mucus collant auquel se collent divers organismes aquatiques (bactéries, algues, protozoaires). Ils roulent ensuite le mucus en une boule qu’ils ingèrent. Enfin, quelques-uns « broutent » les algues qui poussent en périphérie des roches où ils s’abritent.

Par ailleurs, ces vers possèdent également la surprenante habileté de régénérer leurs tissus lorsqu’ils sont coupés en deux. Qui plus est, selon Wikipédia, les yeux et le cerveau peuvent être rapidement régénérés lorsque la tête de l’animal est coupée! Il semble que nos vers soient pratiquement indestructibles à cet effet!

C’est sans doute cette caractéristique qui permet aux planaires de se reproduire entre autres par scissiparité – un mécanisme qui génère des clones par la division d’un individu. Les planaires sont hermaphrodites et possèdent donc à la fois des organes mâles et femelles. Voshell (2002) précise que les vers plats ont opté pour différentes stratégies selon l’espèce, mais aussi selon les conditions environnementales. Ainsi, on peut voir certaines espèces se reproduire sexuellement ou asexuellement, notamment en fonction de la saison. Toutes les stratégies sont bonnes!

Plathelminthes_2019
Individu plus petit (environ 3 mm)

Beaucoup de membres de ce groupe sont rencontrés dans les zones peu profondes de milieux calmes et à courant faible comme les lacs, les étangs et certains cours d’eau. Bien que la plupart des individus préfèrent les eaux peu profondes, certains peuplent le fond des lacs profonds (environ 100 mètres de profondeur). La majorité des planaires se retrouvent préférentiellement sur des substrats solides comme des cailloux et des roches. De même, certaines espèces peuvent s’apercevoir sur des plantes et des détritus variés ou à la surface de sédiments plus fins. Bon nombre d’entre eux sont photosensibles. Cela signifie qu’ils tendent à fuir la lumière et à se retrouver sous des objets (roches, par exemple) en plein jour.

Les vers plats se déplacent lentement en sécrétant une fine couche de mucus sur le substrat, puis en utilisant de très petits poils couvrant leur corps pour s’y glisser. Certains taxons peuvent aussi générer des contractions allant de l’avant à l’arrière de leur corps, telles des vagues, afin de se mouvoir.

Ma chronique ne serait pas complète si je ne parlais pas de l’utilité de ces organismes dans l’étude de la santé des milieux aquatiques. Ce qu’il faut savoir, c’est que les taxons de planaires les plus communs sont généralement tolérants à la pollution, quoique cela puisse varier selon l’espèce. À cet effet, Voshell (2002) suggère qu’une abondance disproportionnée de ces invertébrés dans un milieu donné est un témoin de pollution par la matière organique ou les nutriments.

Si vous farfouillez sur Internet, vous verrez que la classe Turbellaria comprend également des vers plats d’eaux marines. Ces derniers tendent à être plus gros et sont nettement plus colorés que ceux observés en eaux douces. Par ailleurs, comme je l’ai mentionné plus tôt dans cette chronique, les descriptions retrouvées dans la littérature portaient majoritairement sur l’ordre de vers plats le plus souvent rencontré (Tricladida). Thorp et Covich (2001) couvrent cependant beaucoup plus d’individus de ce grand groupe de vers… certains n’étant pas plats du tout!

Bref, si le sujet vous intrigue davantage, vous pourrez jeter un coup d’œil aux sources citées plus bas. Bonne lecture!

Vidéo 1. Étrange vers planaire observé en 2018, accompagné de quelques mites d’eau en déplacement.

Vidéo 2. Même ver planaire vu de plus près.

Vidéo 3. Ver planaire beaucoup plus petit (environ 3 mm de long) observé à l’été 2019.

Pour en savoir plus

 

Incursion chez les invertébrés de nos lacs

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Naïade de demoiselle Coenagrionidae

C’est déjà bien établi : j’ai un faible pour les invertébrés aquatiques. Je vous ai souvent parlé d’invertébrés collectés dans des rivières et ruisseaux ou encore ceux retrouvés dans l’étang à poissons que je possédais. Un milieu que j’avais moins exploré en matière de faune invertébrée est celui des lacs. Cependant, au courant des dernières années, j’ai eu la chance de séjourner à quelques reprises sur le bord de jolis lacs québécois. Comme vous pouvez vous en douter, j’en profitai pour recenser la faune locale!

Sur la page Facebook DocBébitte, je vous avais diffusé il y a un peu plus d’une semaine une vidéo d’organismes collectés en donnant quelques coups de filet en zone littorale d’un lac (voir la vidéo 1 ci-dessous). Je vous suggérais de garder l’œil ouvert pour identifier tout ce que vous pouviez y voir, que ce soit furtivement ou en premier plan. Dans cette vidéo, on retrouvait plusieurs bons représentants de la vie sur le littoral d’un lac. Qui sont-ils?

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Asellidae, un isopode aquatique

Commençons par les deux taxons les plus visibles : un isopode aquatique (famille Asellidae) et une naïade de demoiselle (sous-ordre Zygoptera).

Les aselles sont des cousins de nos cloportes terrestres qui sont tous des isopodes (ordre Isopoda). Saviez-vous qu’il s’agit de crustacés? Faciles à reconnaitre, ils sont de forme aplatie et munis de sept paires de pattes. Ils arborent des teintes de brun, gris ou noirâtre. Leur taille varie de 5 à 20 mm; ils sont assez gros pour les remarquer à l’œil nu. On les retrouve dans une vaste palette d’habitats aquatiques, incluant les zones peu profondes des lacs. Si le substrat est composé de petites cachettes où se planquer, ils y seront! C’est d’ailleurs le cas de la zone du lac que j’ai échantillonnée : elle était constituée de touffes abondantes de plantes submergées offrant un habitat à plus d’une espèce d’invertébrés!

C’est aussi dans cet habitat que je retrouvai la plupart des autres individus, y compris des naïades de libellules zygoptères appartenant à la famille Coenagrionidae. Une très vaste partie des demoiselles bleues adultes que l’on peut apercevoir près des points d’eau ou dans nos jardins font partie de cette grande famille d’odonates. Voshell (2002) indique qu’il s’agit d’un groupe très souvent recueilli lors de collectes d’invertébrés en bordure de lacs, marais et étangs, en particulier là où les plantes et débris sont abondants.

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Végétation aquatique dans laquelle j’ai échantillonné

Outre ces deux groupes, avez-vous été capables d’observer les autres organismes, plus furtifs, dans la vidéo 1? On y aperçoit des mites d’eau (Hydracarina; voir cette chronique) qui dévalent rapidement telles de grosses boules brun-rougeâtre, de même qu’un tout petit zooplancton que je ne parviens pas à identifier tellement il passe vite en arrière-plan (copépode ou cladocère, là est la question!). Un gammare (ordre Amphipoda), sorte de crustacé latéralement aplati, passe, tel un éclair, et disparaît dans les débris. Plus en avant plan, en regardant en ligne droite sous la naïade de zygoptère, on peut voir à plusieurs reprises une larve de chironome qui se fraie un chemin à travers les débris (gardez l’œil ouvert sur ce qui ressemble à une toute petite chenille de couleur pâle).

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Trio de coléoptères aquatiques : haliple, dytique et gyrin (de gauche à droite)

Les autres coups de filet que je donnai me permirent d’observer d’autres individus représentatifs du littoral d’un lac. À titre d’exemple, je mis la main sur plusieurs petits coléoptères aquatiques : dytiques (Dytiscidae), gyrins (Gyrinidae) et haliples (Haliplidae).

Les haliples sont connus sous le nom de « aquatic crawling beetles »; contrairement aux dytiques et gyrins, leur mode de locomotion par prédilection implique de grimper et de ramper sur la végétation aquatique, plutôt que de nager dans ou sur l’eau. Voshell (2002) ajoute que les adultes ne sont pas de très bons nageurs. Ce n’est donc pas surprenant que j’aie mis la main sur un individu en arpentant les touffes de végétation parsemées en bordure de lac.

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Petite écrevisse

En revanche, les dytiques et les gyrins se déplacent beaucoup plus aisément dans l’eau. Je vous ai déjà parlé des prouesses des dytiques dans cette précédente chronique. Ces derniers constituent presque la moitié des espèces de coléoptères que l’on recense en milieu aquatique. Il s’agit d’un groupe très diversifié et omniprésent. Pas étonnant que j’en ai observé!

Les gyrins sont, eux aussi, très présents dans nos milieux d’eau douce. Comme ils se tiennent principalement en grands groupes à la surface d’eaux calmes, ils sont faciles à observer. En anglais, on les appelle « Whirling beetles », ce qui fait référence à leur mode de locomotion : ils tourbillonnent à droite, puis à gauche… De quoi à donner le mal des transports, quoi!

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Escargot aquatique

Je pus également mettre la main sur un insecte fouisseur en donnant des coups de filet dans le sable. Une naïade d’éphémère m’y attendait! Contrairement à la majorité des autres organismes que j’ai capturé dans les plantes et débris, cet éphémère se creuse des tunnels dans le substrat mou et vit à l’abri des regards. D’ailleurs, la morphologie de ces éphémères diffère de leurs confrères : leur corps est cylindrique, alors que leur tête et leurs pattes sont modifiées de sorte à faciliter le creusage du sol. De plus, ils sont munis de défenses! Les individus se construisent un tunnel en forme de U qui peut s’enfoncer jusqu’à 13 cm de profondeur. Ces naïades sont connues de certains pêcheurs qui fabriquent des leurres à poisson à leur effigie.

En plus de tous ces fabuleux spécimens, quelques organismes – souvent mieux connus de la population en général – étaient présents : écrevisses, sangsues, escargots et moules d’eau douce!

Turbellaria
L’étrange vers planaire

Enfin, un groupe d’invertébrés nettement plus obscur était aussi compris dans mes échantillons : il s’agit des vers plats ou vers planaires (Classe Turbellaria). Beaucoup de membres de ce groupe peuvent être observés en zones peu profondes de milieux calmes, préférentiellement sur des substrats solides comme des cailloux et roches. Certaines espèces peuvent également se retrouver sur des plantes et détritus variés. Il s’agit d’un taxon particulier et peu connu qui, comme plusieurs des organismes présentés dans le présent billet, m’inspireront sans aucun doute d’autres chroniques!

Histoire à suivre!

Vidéo 1. La naïade de demoiselle et l’aselle sont bien évidents en avant-plan, mais saurez-vous trouver les autres invertébrés qui se cachent dans cette vidéo?

Vidéo 2. Naïade d’éphémère fouisseur de la famille Ephemeridae.

Vidéo 3. Étrange vers planaire, accompagné de quelques mites d’eau en déplacement.

Vidéo 4. Autre naïade de demoiselle Coenagrionidae se déplaçant au fond du lac, après que je l’y ai remise.

Pour en savoir plus

  • Merritt, R.W. et K.W. Cummins. 1996. Aquatic insects of North America. 862 p.
  • Moisan, J. 2010. Guide d’identification des principaux macroinvertébrés benthiques d’eau douce du Québec, 2010 – Surveillance volontaire des cours d’eau peu profonds. 82 p. Disponible en ligne : http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/eau/eco_aqua/macroinvertebre/guide.pdf
  • Voshell, J.R. 2002. A guide to common freshwater invertebrates of North America. 442 p.

Reconnaître les macroinvertébrés aquatiques d’eau douce – Partie 1

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Vue dorsale d’une sangsue en phase d’étirement; on voit les yeux à droite
Gastropoda marée basse
Escargot rampant à marée basse

J’ai eu le plaisir, lors du dernier congrès de l’Association des entomologistes amateurs du Québec (AEAQ) tenu à Waterville, d’animer un atelier d’introduction aux macroinvertébrés d’eau douce. Il ne m’en fallait pas plus pour juger bon de vous faire part de quelques trucs et astuces qui s’avèreront utiles pour identifier des individus pris en clichés ou capturés (selon vos champs d’intérêts, bien sûr!). Étant donné que les invertébrés d’eau douce (lacs, rivières, étangs) sont relativement méconnus, j’espère que ce premier contact vous sera instructif!

Avant de démarrer, je souhaite souligner que, dans la présente chronique, je n’aborderai que les principales catégories d’invertébrés qui se voient à l’œil nu (dits « macroinvertébrés »). Il y aurait matière à écrire beaucoup plus pour tout ce qui est approximativement de la taille d’un grain de sable en descendant, ce que je ne ferai pas dans le présent cas! Par ailleurs, je ne serai pas complètement exhaustive et miserai sur les invertébrés les plus communément observés dans nos lacs et rivières du Québec méridional – avec un petit penchant pour les rivières compte tenu de mon expérience passée à cet effet.

En un premier temps, il importe de mentionner que l’on retrouve trois grandes catégories d’invertébrés dans les milieux aquatiques d’eau douce: 1) les invertébrés non-arthropodes, 2) les arthropodes non-insectes et 3) les insectes proprement dits.

Les non-arthropodes se distinguent des arthropodes par les caractéristiques suivantes : ils ne possèdent ni pattes, ni capsule céphalique (tête) munie de rostre, mandibules ou crochets – à noter cependant que cette dernière peut parfois être dissimulée chez certains insectes. C’est l’absence combinée de ces deux critères qui importent, certaines larves d’insectes n’ayant pas de pattes, mais une tête développée – j’en parlerai ultérieurement.

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Critères d’identification des invertébrés d’eau douce, adapté de Voshell (2002)

Le groupe des non-arthropodes inclut des organismes au corps mou et allongé comme les sangsues, les vers de terre aquatiques, les vers ronds (Nématodes et nématomorphes) et les vers plats. Il comprend également des mollusques, organismes au corps mou mais dotés d’une carapace, comme les moules et les escargots. Les sangsues et les vers de terre sont des annélides (Embranchement Annelida). Cela signifie que leur corps est couvert de petits sillons, tels des anneaux. C’est une bonne façon de les distinguer d’autres invertébrés qui ont une forme de ver, comme les nématodes (Nematoda) et les nématomorphes (Nematomorpha), mais qui ne possèdent pas d’anneaux. Les sangsues possèdent de petits yeux sur les premiers segments situés à l’avant (vue dorsale), ainsi que deux disques localisés à chaque extrémité et destinés à la « succion » (vue ventrale) qui leur permettent de demeurer accrochées au substrat (ou à une proie). Les vers de terre aquatiques (sous-classe Oligochaeta), quant à eux, ne présentent pas ces caractéristiques et sont relativement uniformes, ce qui permet de les différencier des sangsues. Selon l’espèce en cause, ils peuvent être aussi fins qu’un cheveu ou encore atteindre la taille des vers de terre « terrestres » que nous connaissons bien.

Nematomorpha
Nématomorphe recueilli dans la rivière du Cap-Rouge, Québec

Fait intéressant, vous connaissez sans doute les nématomorphes (aussi nommés vers gordiens) à cause de leur propension à parasiter des invertébrés… et à s’en extirper si l’invertébré en question est tué. Vous avez probablement vu sur Internet, comme moi, quelques vidéos de très longs « vers » qui sortent du corps d’invertébrés, un peu à l’instar du monstre « Alien » qui sort du corps d’un humain (cette vidéo, par exemple, qui est devenue très populaire sur YouTube). Il s’agissait de nématomorphes!

Les vers plats, de leur côté, font partie d’un tout autre embranchement : Platyhelminthes (Classe : Turbellaria). Leur corps n’est pas segmenté et a une forme plutôt aplatie (voir cette image). De plus, on peut apercevoir deux yeux à l’avant du corps. Les vers plats d’eau douce sont largement méconnus, notamment parce qu’ils sont généralement petits et qu’ils se dissimulent très bien dans l’environnement. Ils ressemblent à de petits débris mous, arborant des couleurs sobres comme le brun, le gris et le noir. J’en ai rarement vu en rivières, ceux-ci affectionnant davantage les milieux à courant lent selon Voshell (2002).

La deuxième catégorie d’invertébrés d’eau douce dont je veux vous entretenir porte sur les arthropodes non-insectes. Comme mentionné plus haut, les arthropodes sont habituellement dotés d’une capsule céphalique assez développée (ou minimalement d’appendices buccaux visibles comme des crochets) et, la plupart du temps, de pattes segmentées. Les arthropodes non-insectes sont munis de 4 à 7 paires de pattes, alors que les insectes en possèdent 3 ou aucune.

Décapoda
Les écrevisses n’ont pas besoin de description!
Amphipoda Port-au-Saumon
Exemple d’amphipode (celui-ci a toutefois été collecté en milieu marin)

Ils comprennent tout d’abord les mites d’eau (photo), membres de la classe des arachnides. Ces dernières, généralement appelées Hydracarina ou Hydrachnidia, ont huit pattes et sont de petite taille – presque microscopique (1 à 3 millimètres). Elles sont abondantes en eaux douces et j’en ai souvent retrouvé dans mes échantillons pris en rivières au Québec. Elles sont faciles à reconnaître, puisqu’elles ressemblent à de petits acariens (elles font d’ailleurs partie de l’ordre Acariformes).

Les arthropodes non-insectes incluent aussi les écrevisses, les amphipodes – de petites crevettes d’eau douce – et les asellidés, des isopodes aquatiques apparentés aux cloportes. Il s’agit dans les trois cas de crustacés (sous-embranchement Crustacea). Ils se distinguent aisément : les écrevisses sont munies de pinces et ressemblent à de petits homards. Ils ont cinq paires de pattes au total. Les asellidés (Asellidae) sont aplatis sur le plan horizontal et portent sept paires de pattes (voir cette photo). Les amphipodes sont couramment appelés gammares bien que ce ne soient en réalité pas tous les individus observés en eaux douces qui fassent partie de la famille Gammaridae. Ceux-ci possèdent également sept paires de pattes comme les isopodes, mais ils sont aplatis sur le plan latéral. D’autres espèces de crustacés sont retrouvées en eaux douces, mais on les observe habituellement surtout en lacs (quoique présentes dans les rivières élargies ou dans les tronçons situés en aval de barrages), alors que j’ai fréquemment collecté des écrevisses, des gammares et des asellidés dans les rivières du Québec. Ces autres groupes pourront sans doute faire l’objet de futures chroniques!

Pour ce qui est de la troisième grande catégorie, les arthropodes qui sont des insectes, celle-ci comprend de nombreux ordres. J’aborderai les principaux ordres d’insectes retrouvés en eaux douces québécoises dans le cadre de la prochaine chronique.

Bonne identification d’ici là!

 

Vidéo 1. Sangsues sous une roche soulevée à marée basse (Cap-Rouge, Québec)

 

Vidéo 2. Ver gordien (Nématomorphe) recueilli dans la rivière du Cap-Rouge, Québec

 

Pour en savoir plus