Génération spontanée de mouches dans mon terrarium, Partie 1 : la découverte !

Comment tout a commencé

J’élève des mille-pattes géants d’Amérique du Nord (Narceus americanus) depuis novembre 2023.

En janvier dernier, je me suis aperçue qu’il n’y avait pratiquement plus de mille-pattes qui se promenaient dans leur terrarium, alors que j’aurais dû en voir une quinzaine.

Souhaitant vérifier qu’ils se portaient bien, j’ai d’abord soulevé la litière de feuilles à leur recherche. Surprise ! Un premier individu était recroquevillé immédiatement à la surface, l’air moribond, mais toujours vivant. N’étant pas certaine s’il était en mue et ne voulant pas l’interrompre, je décidai de le laisser tranquille en me disant que j’y reviendrais.

Quatre ou cinq jours plus tard, l’individu était mort. Zut !

Premier mille-pattes trouvé mort.

Comme il était recouvert de collemboles, de tous petits arthropodes susceptibles de le décomposer, je le mis derechef dans l’alcool. Mon objectif : le préserver et l’examiner plus tard.

C’est aussi à ce moment que je me rendis compte que le substrat de mon terrarium était très sec. Cela me fit craindre une hécatombe de mille-pattes. Étaient-ils tous morts de sécheresse ?

Comme de fait, une fouille rapide me permit de dénicher un second individu mort. Son stade de décomposition était nettement plus avancé : il se réduisait en morceaux sous mes doigts. Je mis les morceaux dans un pilulier, que j’oubliai de ranger au congélateur.

Trois jours plus tard, coup de théâtre ! Une mouche s’agitait dans mon pilulier ! Abracadabra, apparue !

Pouf, apparue ! Mouche dans le pilulier où j’avais déposé les restes du second mille-pattes mort.

Au même moment, je découvrais la présence de quatre pupariums ovales (enveloppes rigides contenant des pupes) à l’intérieur du corps fragmenté du mille-pattes. Des formes que j’avais déjà observées chez une chenille parasitée (cette chronique).

Mouche et puparium.

Ciel ! Était-il parasité ?!?

Comble de malheur, le premier mille-pattes que j’avais préservé dans l’alcool était maintenant accompagné d’une belle grosse larve de mouche (qu’on appelle communément asticot). Elle avait dû s’en extirper lorsque j’ai plongé son hôte dans le liquide.

Constat : mes deux mille-pattes n’étaient pas simplement morts. Ils avaient été victimes de mouches potentiellement parasitoïdes.

Deux actions s’imposaient donc :

  1. Retirer au plus vite mes mille-pattes sains de mon terrarium;
  2. Me documenter sur lesdites mouches pour comprendre le risque auquel mes mille-pattes étaient exposés.
Larve de mouche qui s’est extirpée de mon premier mille-pattes mort.

1. Sauve qui peut !

La macabre découverte s’est faite un jeudi soir et je travaillais le lendemain. Ne pouvant pas nettoyer mon terrarium de fond en comble en pleine semaine, j’ai opté pour une solution rapide: retirer tous les adultes sains, au cas où d’autres parasitoïdes s’y cachaient encore.

Quelle bonne idée ! Le lendemain, je voyais une première mouche apparaître dans mon terrarium. Puis deux de plus le surlendemain. En parallèle, une autre mouche émergea des pupariums dans ma fiole, pour un total de cinq individus matures.

2. Mais qui sont ces mouches, au juste ?

Comme je me suis peu attardée au monde des diptères (mouches, moustiques et semblables) à ce jour, je ne possède pas d’ouvrages me permettant d’aller bien loin dans leur identification. Cet ordre est effectivement très vaste et comprend des individus assez difficiles à identifier comparativement à d’autres groupes taxonomiques. Néanmoins, la clé bien imagée et simple offerte dans Marshall (2009) me permit de me rendre à la sous-famille Sarcophaginae (famille Sarcophagidae – appelées aussi mouches à damier ou mouches à chair, selon les sources consultées).

En parallèle, j’interpellai des collègues entomologistes sur les réseaux sociaux qui, en plus de me guider vers la famille Sarcophagidae, me partagèrent un intrigant article scientifique (Brousseau et collab., 2020)… sur le parasitage de mille-pattes géants d’Amérique du Nord (N. americanus) par deux espèces de sarcophagidés. Le tout observé ici même au Québec !

Il devenait possible que mes mille-pattes soient bel et bien parasités…

Merci, Frédéric, Félix-Antoine et Étienne, pour les tuyaux !

Qu’en est-il à ce jour ?

Un des auteurs de l’article susmentionné a vu mes publications et m’a recommandé de tenter de joindre l’une des coautrices, spécialiste dans l’identification de diptères, dont les Sarcophagidae. Malheureusement, la dame semble être à la retraite et je ne suis pas parvenue à la rejoindre.

Avis à tous si vous connaissez quelqu’un prêt à identifier des spécimens de diptères à l’espèce : j’ai maintenant 7 adultes et une larve, tous conservés dans l’alcool ou au congélateur. Et j’ai diffusé des photos sur mon compte DocBébitte iNaturalist,si vous voulez en voir davantage (voir aussi ci-dessous).

Entre autres choses, j’aimerais avoir le cœur net quant à l’espèce exacte en cause. Cela me permettrait de me documenter sur son cycle de vie pour résoudre quelques mystères :

1. Comment ces mouches se sont-elles retrouvées dans un terrarium fermé, dans une maison du Québec en plein hiver ?

Hypothèse 1 : les larves étaient déjà présentes dans les mille-pattes capturés. Or, j’ai introduit les derniers mille-pattes dans mon terrarium le 2 septembre. Cela date!

Hypothèse 2 : une diapause pourrait-elle expliquer l’émergence différée par rapport au moment d’introduction ?

Hypothèse 3 : les œufs ou les larves ont été introduits par les feuilles mortes ou les légumes avec lesquels je nourris mes mille-pattes.

Que faisaient ces mouches dans mon terrarium?

2. Ces mouches sont-elles bien parasitoïdes et serait-il possible que d’autres de mes mille-pattes, sains et vigoureux lors de mon grand ménage de terrarium (je les ai inspectés un à un), s’avèrent également parasités ?

En particulier, l’article sur le parasitage de N. americanus indique un manque de connaissance sur la nature du parasitage. Il n’est pas clair si les mouches s’attaquent uniquement à des mille-pattes déjà blessés ou si elles peuvent cibler des individus sains. Or, dans mon cas, tous mes mille-pattes étaient en bon état lors de leur capture.

De surcroît, j’ai examiné attentivement chacun d’eux quand je les ai retirés de mon terrarium, il y a trois semaines : ils étaient indemnes et très vigoureux.

Mais…

Au moment d’écrire ce billet, je viens de trouver un autre individu mort, que je n’ai pas encore osé disséquer, mais qui pourrait bien être parasité lui aussi.

Mystère et boule de gomme ! Si vous avez des hypothèses, écrivez-moi !

La partie 2 de cette intrigante expérience vous sera présentée lorsque j’arriverai à en savoir plus.

Comme on le dit dans les séries télévisées : « to be continued » ! À suivre !

Supplément : identifier une mouche !

Dans un autre ordre d’idées, le processus d’identification d’une mouche à la famille m’a beaucoup amusée. Examiner les caractéristiques de mouches sous la loupe de mon appareil binoculaire m’a ouvert sur un monde fascinant, que je veux vous partager !

Sans être exhaustive, je vous présente donc, à l’aide de photos, quelques attributs physiques des mouches qui m’ont amenée à les identifier comme étant des Sarcophaginae.

1. Le visage.

Plusieurs familles de mouches, dont les Sarcophagidae, ont le visage concave. On y remarque une ligne de suture en forme de « u » inversé, qui est arquée au-dessus de la base des antennes.

La suture en forme de u inversé est montrée ici en jaune.
Autre vue de face, sur un spécimen que j’ai épinglé.

2. Les antennes et leurs soies.

Une petite soie, nommée arista, émerge du troisième segment antennaire. Sa présence et sa structure sont des critères à utiliser dans l’identification de diptères. Chez mes spécimens, sa base est plumeuse, alors que son extrémité est filiforme. Une toute fine plume, on dirait ! Jolie, non ?

L’arista de ce Sarcophagidae ressemble à une fine plume.
Autre vue où l’on voit une des soies (aristas).

3. Franges de poils

Sur le côté du thorax, sur la plaque située juste au-dessus de la patte médiane, on remarque une frange de poils. Sa présence fait partie des critères à examiner pour distinguer plusieurs familles de mouches.

Voyez-vous la frange de poils (encerclée de jaune)?

4. La coloration

Plusieurs insectes, appartenant à des groupes différents, ont des colorations similaires et il est par conséquent toujours recommandé d’utiliser une vaste palette de critères pour les identifier – pas seulement la couleur. Parfois, cependant, la coloration peut être utilisée, en combinaison avec d’autres critères, pour distinguer des taxons les uns des autres. Par exemple, certaines grosses mouches comme les Sarcophagidae se différencient de leurs consœurs Calliphoridae par la couleur. Ces dernières arborent fréquemment une robe vert ou bleu métallique (cette page iNaturalist), alors que celle de la Sarcophagidae est dans les teintes de gris et noir.

La robe des Sarcophagidae est dans les teintes de gris et noir.

En outre, même si je n’ai pas toutes les réponses à ma mystérieuse et macabre découverte, j’espère vous avoir fait voyager dans le monde fascinant des diptères !

Un monde que nous n’avons pas exploré beaucoup ensemble à ce jour, mais qui a encore bien des secrets à révéler !

Pour en savoir plus

Mouches mystères dans mon terrarium!

Apparition subite de mouches dans mon terrarium de mille-pattes en plein hiver?

Oui, oui! C’est ce que j’observe présentement!

J’ai commencé à me documenter pour identifier l’espèce en cause et les risques associés pour mes mille-pattes – s’il y en a!

Je vous partagerai assurément le fruit de mes découvertes, mais voici d’ici là un petit aperçu – un teaser – sur le sujet!

J’ai hâte de vous en dire plus!

PS – Vous voulez voir les autres publications dont je parle dans la vidéo? Suivez-moi également sur Facebook ou Instagram!

Découvrir le mille-pattes géant dans son environnement

Vous êtes plusieurs à me parler des mille-pattes géants d’Amérique du Nord (Narceus americanus) que j’élève. Ils sont fascinants, n’est-ce pas?

J’ai parlé de leur élevage dans ce billet, accompagné d’une capsule vidéo.

Au début du mois de septembre, je suis partie à la recherche de ces gros mille-pattes dans leur environnement naturel, guidée par quatre acolytes passionnés.

Nous avons fait beaucoup d’autres trouvailles… Mais, bien sûr, nous avons pu mettre la main sur les fantastiques mille-pattes! Accompagnez-nous dans cette sympathique aventure, qui nous conduit au cœur d’un boisé mature du sud du Québec, où une découverte n’attend pas l’autre!

Merci à mes accompagnateurs qui, en plus de trouver TOUS les mille-pattes de la journée, ont aussi découvert beaucoup d’autres fascinantes bestioles. Éva, Charles, Élie et Mylène : mille mercis!

Vidéo : à la recherche des mille-pattes géants!

PS – Les mille-pattes récoltés seront présentés et offerts lors d’une prochaine activité destinée à sensibiliser petits et grands au fabuleux monde des insectes et autres invertébrés.

Pour en savoir plus

Connaître et élever le mille-pattes géant d’Amérique du Nord

Si vous me suivez sur les réseaux sociaux, vous savez que j’expérimente depuis l’automne dernier l’élevage de mille-pattes géants d’Amérique du Nord (Narceus americanus).

Dans la présente chronique, je vous parle de cette espèce unique d’arthropode, indigène au Québec, et je vous présente une vidéo inédite sur le sujet.

Tout d’abord, dans ma vidéo ci-dessous, vous verrez :

  • Comment j’en suis venue à élever des mille-pattes géants d’Amérique du Nord : une expérience initiée par l’Association des entomologistes amateurs du Québec (merci, Étienne Normandin!);
  • Qui est le mille-pattes géant d’Amérique du Nord;
  • Comment l’élever à la maison.

Ensuite, dans la chronique plus bas, je vous dévoile des faits intrigants sur ce charmant myriapode. Vous verrez d’ailleurs que certains faits énoncés dans la littérature… doivent être revisités!

Enfin, concernant l’élevage du mille-pattes géant d’Amérique du Nord, je vous renvoie vers cette page d’élevage de l’AEAQ, où nous vous expliquons comment procéder. Il s’agit de la version écrite de ce que j’explique dans la deuxième partie de ma vidéo. Mais vous aurez aussi accès à des compléments croustillants si vous visionnez la vidéo! À voir!

1. Vidéo : description et élevage du mille-pattes géant d’Amérique du Nord, Narceus americanus

2. Faits saillants sur le mille-pattes géant d’Amérique du Nord

Dans ma capsule vidéo, j’aborde beaucoup de faits et d’observations concernant notre millipède vedette. Je vous en présente quelques-uns dans ce qui suit!

Description générale

Le mille-pattes géant d’Amérique du Nord est le plus gros mille-pattes que l’on peut retrouver au Québec : il peut mesurer jusqu’à 12 cm. Malgré son nom « mille-pattes », il possède environ 200 pattes.

Sa longévité maximale connue est de 11 ans, ce qui est plutôt vieux pour un arthropode. Sa maturité sexuelle serait atteinte entre 1 à 4 ans (varie selon les sources consultées).

Sa vision est très pauvre et il a par conséquent recours à ses antennes pour tâter son environnement. Malgré sa faible vision, il est lucifuge : il tend à fuir la lumière. Néanmoins, j’ai observé que mes mille-pattes ne fuient pas la lumière lorsqu’ils sont affairés à grignoter du concombre ou des courges – deux aliments dont ils raffolent!

Un N. americanus vu de très près! Belle tronche, n’est-ce pas?

Milieu de vie

Le mille-pattes géant d’Amérique du Nord affectionne les endroits sombres et humides comme les dessous de roches ou de bûches, ainsi que la litière de feuilles au sol.

C’est un détritivore qui se nourrit de champignons, d’écorces et d’autres matières organiques en décomposition, y compris des fruits et des fèces d’animaux, comme celles des cerfs de Virginie.

Puisqu’il dépend de la présence de débris ligneux au sol, comme les troncs et les branches mortes, on l’observe plus fréquemment dans les forêts matures, où ces matières sont plus abondantes.

Au Québec, on le retrouve surtout au sud de la province, comme en Montérégie et en Estrie.

Reproduction

Les premières sources que j’ai consultées indiquaient que, contrairement à d’autres millipèdes, le mille-pattes géant d’Amérique du Nord ne pondrait qu’un œuf à la fois. La femelle déposerait son unique œuf dans de la litière déchiquetée, du bois mâché (régurgité) ou des excréments. Elle s’enroulerait ensuite autour de l’œuf jusqu’à ce qu’il éclose, quelques semaines plus tard. Il arriverait aussi qu’elle porte ses œufs non fécondés à l’intérieur d’elle pour les protéger.

En réécoutant la vidéo de Folles Bestioles sur cette espèce, j’ai été surprise de constater que leurs trois adultes avaient eu plusieurs rejetons (on en voit au moins une dizaine dans leur vidéo). Je leur ai écrit pour savoir s’il était possible qu’ils aient ramassé des œufs/juvéniles avec la litière de leur terrarium. La réponse : non! Cela a donc semé un doute sur l’information circulant sur Internet et suggérant que le mille-pattes géant d’Amérique du Nord ne pond qu’un seul œuf à la fois.

Cela m’a ensuite amenée à poser deux autres actions :

  1. J’ai étendu davantage ma revue de littérature sur le sujet, incluant des pages et des forums sur Internet. Je suis tombée sur plusieurs sources qui confirmaient que les femelles peuvent pondre plusieurs dizaines d’œufs (quelque 20 à 50 œufs par femelle). Si vous doutez toujours, jetez un coup d’œil à cette photo de BugGuide, où l’on voit un N. americanus et ses dizaines d’œufs!
  2. J’ai écrit à deux collègues qui ont élevé des N. americanus et, dans l’un des cas, on me confirmait que cinq adultes avaient produit environ 200 rejetons en une courte période, rien de moins!
Trois mille-pattes de tailles différentes. Le plus petit est un rejeton des quelques derniers mois tout au plus.

Enfin, pendant que j’éditais ma vidéo, il y a deux semaines, j’ai moi-même observé simultanément trois bébés mille-pattes de taille similaire, alors que j’avais au départ deux femelles (et l’une d’elles est décédée il y a un mois et demi). Et ce n’est sans doute que la pointe de l’iceberg, puisque je ne vois que ceux qui s’aventurent en périphérie de mon terrarium. Avis aux curieux : il n’était pas trop tard pour que j’ajoute cette observation à ma vidéo!

Bref : l’information suggérant que la femelle ne pond et ne prend soin que d’un œuf à la fois n’est pas fondée. Elle proviendrait de Wikipédia et a été réutilisée à plusieurs endroits. Or, lorsqu’on fouille davantage, on voit rapidement qu’elle n’est pas exacte (en date de la préparation de la présente chronique). Observations personnelles à l’appui!

Pour terminer sur le sujet de la reproduction, je vous relate une observation fascinante : j’ai filmé un individu présentant un drôle de comportement (voir cette vidéo courte). Il faisait glisser une « boulette » entre ses pattes, de la tête vers son arrière-train… pour, justement, se l’insérer dans l’arrière-train! Dans ma vidéo complète, vous apprendrez qu’il s’agit d’une femelle qui insère son œuf, enrobé d’une boule de débris, dans son corps, pour mieux le protéger. Étrange!

Fille ou garçon?

J’ai voulu savoir, parmi mes quatre individus matures, combien j’avais de mâles et de femelles.

Différences entre un mâle et une femelle.

Tout comme pour la reproduction, j’ai réalisé qu’il y avait des informations variées et inégales sur Internet. Selon les sources, on aborde l’un ou l’autre de ces différents critères :

  • Certains affirment que les antennes et les pattes des mâles sont plus longues;
  • D’autres mentionnent que les pattes vis-à-vis le 7e segment sont courtes ou atrophiées chez les mâles;
  • Enfin, certains indiquent que le 7e segment des mâles est bossu.

J’ai examiné mes quatre adultes et voici mes constats :

  1. Deux d’entre eux ont à la fois les pattes plus longues (et, je dirais, plus épaisses), ce qui me semble être une absence de pattes au 7e segment (c’est difficile à voir!), ainsi que le 7e segment bossu. Probablement 2 mâles.
  2. Les deux autres ne possèdent pas ces attributs. Pattes plus fines et plus courtes, pattes présentes sur tous les segments et absence de bosse dorsale. Probablement deux femelles. D’ailleurs, l’individu qui insère une « boulette » d’œuf dans son corps, vraisemblablement une femelle, correspond à ces derniers critères. À noter que ce dernier était dans un contenant seul – c’était avant que je les relâche dans mon terrarium –, d’où la haute probabilité que ces œufs lui appartinssent.

Petit bonus cocasse : j’ai remarqué que les mâles, ayant les pattes plus longues, s’agrippent mieux à mes mains quand je les vire à l’envers. Les femelles… tombent!

Autre angle – Comparaison d’un mâle et d’une femelle.

Mécanismes de défense

Lorsqu’il est perturbé, notre mille-pattes peut se rouler en boule, cachant ses segments ventraux plus vulnérables. Il peut aussi relâcher un liquide irritant contenant des benzoquinones, qui tache les doigts de jaune rougeâtre. Puisque ce liquide peut irriter les yeux, les muqueuses et la peau, il est préférable de bien se laver les mains après toute manipulation.

Un de ses mécanismes de défense est de se rouler en boule.

J’ai manipulé ces mille-pattes de très nombreuses fois et j’ai remarqué qu’il est rare qu’ils émettent ce liquide. La première fois que ça s’est produit, je venais d’écraser ledit mille-pattes par mégarde. J’en parle dans ma vidéo. C’est arrivé seulement deux autres fois depuis que je possède ces bêtes (6 mois). Je me lave les mains immédiatement et je n’ai eu aucun inconfort pour ma part. Mes doigts restent cependant légèrement tachés de jaune pendant le restant de la journée.

Une question qu’on me pose souvent sur les arthropodes en général est : mordent-ils? Les mille-pattes sont munis de mandibules servant à gruger feuilles, écorces et autres débris. Par conséquent, oui, ces mandibules peuvent servir à croquer de la peau humaine. Encore une fois, malgré les nombreuses fois où j’ai manipulé mes mille-pattes, je me suis fait mordre… une seule fois! C’est si rare que je ne m’y attendais pas et j’ai sursauté, faisant tomber le mille-pattes de ma main. Heureusement, je le maintenais près du sol de son terrarium!

Plus encore!

Le mille-pattes géant d’Amérique du Nord est fascinant et j’aurais pu en dire tellement plus sur cette espèce. Si vous êtes curieux d’en savoir davantage, jetez un coup d’œil aux différentes ressources que je vous propose dans la section « Pour en savoir plus » ci-dessous! Mais faites attention : comme j’en parle plus haut, au moment de la rédaction du présent billet, certaines sources véhiculent des informations qui devront être rajustées!

3. Élevage du mille-pattes géant d’Amérique du Nord

Le N. americanus est robuste et facile d’entretien : il constitue un bon animal de compagnie pour une personne occupée et qui aime voyager… comme moi!

De plus, selon les sources consultées, il s’agirait du seul millipède de grande taille qu’un particulier peut légalement détenir au Québec. Profitons-en donc pour mieux les connaître!

Comme mentionné d’emblée, j’explique comment élever ce mille-pattes dans ma capsule vidéo plus haut. Pour les instructions écrites, je vous invite à les lire et les imprimer à partir de cette page de l’AEAQ.

Prêts pour l’élevage de ces charmants millipèdes?

Une DocBébitte heureuse avec ses charmants millipèdes!

Pour en savoir plus

Marcher à cent pattes

Marcher à quatre pattes, nous avons tous déjà fait cela. Bien que beaucoup d’invertébrés, de leur côté, se traînent sur six pattes (les insectes), plusieurs portent un plus grand nombre de ces très pratiques appendices.

C’est le cas des individus appartenant au grand groupe (super-classe) des myriapodes (lire myriade de pattes!), que l’on tend à appeler communément des « mille-pattes ». Or, ce groupe se compose non seulement des mille-pattes en tant que tels (classe Diplopoda), mais comprend aussi des « cent-pattes » (classe Chilopoda).

Chilopode_Lithobiomorpha
Chilopode de l’ordre Lithobiomorpha (ordre communément observé), rescapé de ma piscine

C’est de cette deuxième classe que je veux vous entretenir! Il s’agit par ailleurs de l’invertébré-mystère de la semaine dernière. Aviez-vous deviné qu’il s’agissait d’un cent-pattes?

Première question qui vous vient sans doute à l’esprit : les chilopodes possèdent-ils bel et bien cent pattes? En fait, les centipèdes adultes retrouvés en Amérique du Nord peuvent compter de 15 à plus de 50 paires de pattes (selon les ouvrages consultés, certaines espèces peuvent dépasser largement la centaine de pattes pour atteindre quelque 350 pattes). Ce qui les distingue des mille-pattes, c’est le nombre de pattes observées par segment. Les centipèdes ne possèdent qu’une seule paire de pattes par segment, alors que les millipèdes en ont deux. De plus, les premiers présentent une forme aplatie. Les millipèdes, en revanche, sont plutôt cylindriques.

Autre différence entre ces deux classes : la dernière paire de pattes des chilopodes est plus longue et donne l’impression qu’elle traîne à l’arrière du corps. Elle ne sert pas à la locomotion, mais plutôt, selon l’espèce, à maîtriser des proies, à projeter des matériaux gluants à des prédateurs ou encore en guise de « pinces » aiguisées pour se défendre!

Myriapodes
Chilopode (à droite) et diplopode (à gauche) qui étaient cachés sous la litière de feuille du printemps

Devinnette_2015-02-02
Ces appendices (vue ventrale) sont des pattes modifiées qui injectent du venin!

Aussi, pour ceux qui ont participé à la devinette de la semaine dernière, à quoi peuvent bien servir les drôles d’appendices que l’on retrouve à l’avant de la tête des chilopodes? Il s’agit en fait d’une paire de pattes modifiées qui servent à… injecter du venin dans des proies! On les appelle « forcipules ». Plus précisément, ce sont des glandes, situées à la base de ces pattes, qui produisent du venin. Ce dernier trouve son chemin jusqu’aux « griffes », qui sont utilisées pour faire pénétrer le venin dans les tissus des proies! Vous aurez donc compris que les chilopodes sont de voraces prédateurs! Ils se nourrissent habituellement d’autres invertébrés, quoique les espèces de plus grande taille puissent également s’attaquer à de petits rongeurs, reptiles et oiseaux. Dans les régions plus au sud de l’Amérique du Nord et en région tropicale, on retrouve des chilopodes géants (16-17 centimètres) dont le venin est assez puissant pour causer de fâcheuses réactions chez les humains (enflure, douleur pouvant durer plusieurs heures, fièvre et vomissements, selon les individus). Doigts curieux s’abstenir!

Ici, au Québec, vous n’avez pas à vous inquiéter, mais devez être prudents si vous souffrez d’allergies aux piqûres d’abeilles. À ce qu’il semble, vous seriez davantage susceptibles de présenter une réaction si vous êtes mordus. Par ailleurs, bien que les centipèdes puissent techniquement nous mordre, ils le font très rarement et cherchent d’abord à fuir. Finalement, il semblerait que les petites espèces de centipèdes ne sont pas assez puissantes pour rompre la peau en mordant. Pour ma part, j’en ai manipulé à plusieurs reprises (espèces québécoises) et je ne me suis pas fait mordre jusqu’à maintenant!

Les centipèdes sont des chasseurs de nuit et vont préférer les lieux sombres et humides. En plein jour, on peut donc les retrouver sous des roches et des troncs, ou encore sous la litière de feuilles. C’est d’ailleurs une joie pour moi de nettoyer mes plates-bandes au printemps. Lorsque je soulève l’épaisse couche de feuilles (j’ai un bois dans ma cour!), j’y observe notamment beaucoup de chilopodes qui ont vite fait de se sauver et de se cacher dans un interstice à proximité. Il faut dire qu’ils sont des champions coureurs et se défilent très rapidement! Plusieurs se cachent également dans mon compost, dans doute à l’affut de proies.

Chilopode_Lithobiomorpha 2
Chilopode de l’ordre Lithobiomorpha, autre prise de vue

Comme ils affectionnent les lieux humides, ils peuvent parfois se retrouver dans nos habitations, en particulier dans nos sous-sols. Bien que cela ne soit pas nécessairement agréable, ils ne constituent pas une menace réelle. Si vous bouchez les trous par lesquels ils peuvent s’infiltrer et enrayez les sources d’humidité (ex. : une infiltration d’eau dans votre demeure) et de nourriture (autres insectes, qui eux, sont généralement nuisibles!), le milieu ne les intéressera guère.

Une sorte de chilopode qui peut s’infiltrer dans nos demeures et qui, je dois l’avouer, est fort impressionnant en apparence est la scutigère. Vous verrez des photos de cet individu en suivant ce lien sur le site de « Espace pour la vie ». Malgré son allure digne d’un film d’Indiana Jones (vous vous rappelez sans doute la caverne tapissée de gros invertébrés effrayants – voir cette séquence sur YouTube), la scutigère est un invertébré bénéfique!

Je termine avec un fait intéressant en cette semaine de la Saint-Valentin : la reproduction chez les chilopodes n’implique pas de copulation. Plutôt, lorsque vient le temps de se reproduire, les mâles chilopodes présentent leur spermatophore (un « paquet » de sperme, si l’on veut) en guise de cadeau aux femelles. Elles peuvent ensuite décider de prendre ce petit cadeau afin de se féconder. Mesdames, espérons que ce ne soit pas le genre de cadeau que nos conjoints comptent nous offrir pour la Saint-Valentin!

 

Vidéo : Chilopode (ordre Lithobiomorpha) rescapé de ma piscine et se faisant sécher. Habituellement, ils courent vite et se laissent peu prendre en photo. Pensez à mettre la vidéo en haute résolution pour une meilleure qualité!

 

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