Une punaise pas si verte que ça!

Connaissez-vous la punaise verte (Chinavia hilaris ou, plus anciennement, Acrosternum hilare)? Il est fort à parier que vous avez déjà vu cette belle grosse punaise terrestre, facilement reconnaissable par sa couleur vert flamboyant.

Punaise verte
La punaise verte porte bien son nom lorsque au stade adulte

En revanche, avez-vous déjà observé des nymphes (stade juvénile) de punaise verte? Si oui, ou bien vous ne saviez tout simplement pas de quoi il s’agissait ou bien vous avez fait comme moi et vous avez cherché pendant une bonne demi-heure avant de trouver de quelle espèce il était question! La raison est la suivante : la nymphe de la punaise verte est… tout sauf verte! Elle arbore effectivement de jolies taches de couleur jaune (ou carrément blanche chez les toutes jeunes nymphes, comme sur cette photo) et orange sur fond noir. Les nymphes des stades plus avancés présentent toutefois des teintes de plus en plus vertes sur l’abdomen. C’est le cas de la photographie-mystère de la semaine dernière. Il s’agissait du dos d’une nymphe de punaise verte. Très jolie, mais aussi fort différente de l’adulte.

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Jeune punaise verte (nymphe)
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Nymphe de punaise verte – on voit bien son rostre

La punaise verte est très commune au Québec. On la retrouve couramment dans nos jardins. Elle se délecte de végétaux de toutes sortes : tiges et feuilles de diverses plantes, incluant des arbres fruitiers (pommiers, pêchers), graines en développement (soja, fèves, maïs) et légumes du jardin (tomates, aubergines, etc.). C’est à l’aide de son rostre (long appendice ressemblant à une trompe) qu’elle sirote les fluides de ses aliments préférés. Son comportement alimentaire fait d’elle un insecte pas toujours très apprécié des cultivateurs et des jardiniers.

On me demandait récemment comment je faisais pour savoir si une punaise observée était une nymphe ou un adulte. La réponse est simple : il suffit de regarder son dos! Si celui-ci est muni d’ailes bien développées, il s’agit d’un adulte. En revanche, les nymphes possèdent des ailes peu développées et repliées dans ce que l’on appelle un fourreau allaire. Ce fourreau est noir chez la jeune punaise verte et on peut reconnaître les ailes en devenir en l’examinant de plus près.

Les punaises vertes font partie de la famille Pentatomidae, un groupe riche en individus colorés dont plusieurs espèces sont considérées comme étant bénéfiques (elles ne s’attaquent pas toutes aux plantes). Vous pouvez compter sur moi pour vous en parler à nouveau dans une future chronique! En anglais, le nom commun des punaises appartenant à cette famille est « stink bug ». Celui de la punaise verte en particulier est « green stink bug ». Pourquoi ce nom? À ce qu’il semble, les pentatomidés sont capables d’émettre une odeur désagréable et nauséabonde. Quoi de mieux pour faire fuir les prédateurs qu’un repas qui sent mauvais? Plus précisément, chez la plupart des punaises adultes, ces « mauvaises odeurs » proviendraient de glandes odoriférantes situées sur le thorax. Les nymphes, quant à elles, posséderaient des glandes différentes s’ouvrant sur leur abdomen, mais dont la résultante est la même : puer!

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Nymphe de punaise verte à un stade plus avancé : on devine la coloration de plus en plus verte de l’abdomen

Bien que j’aie manipulé un bon nombre de pentatomidés, il ne m’est jamais arrivée de sentir une odeur déplaisante. Je n’ai pas encore résolu le mystère à savoir si c’est moi qui suis incapable de sentir les composés chimiques qu’ils émettent ou si ils ne me perçoivent simplement pas suffisamment comme une menace pour expulser leurs effluves sous mon nez. Et vous, avez-vous déjà croisé une punaise qui sentait mauvais?

 

Pour en savoir plus

 

Chironomes, maîtres des eaux!

La semaine dernière, je vous offrais une capsule spéciale pour l’Halloween. Il y figurait un invertébré bien particulier, qui ressemblait à une momie arborant une tête squelettique. Pas de pattes, pas de traits distincts. Cela ne vous laissait pas beaucoup d’indices, n’est-ce pas?

Momie
L’invertébré mystère est une nymphe de chironome

L’apparence particulière de cet invertébré est due au stade de vie dans lequel il se retrouvait au moment où je l’ai photographié : il s’agit d’une nymphe. À mi chemin entre la larve et l’adulte, la nymphe de plusieurs insectes ressemble ni plus ni moins à une momie. Certains insectes fabriquent des cocons plus rigides, comme par exemple les chenilles qui forment une chrysalide avant de devenir un papillon. Toutefois, d’autres insectes semblent plutôt se métamorphoser à la vue de tous, sous une pellicule transparente composée de leur exosquelette légèrement durci.

C’est notamment le cas de notre insecte de la semaine : un diptère (ordre incluant les mouches et les moustiques), de la famille des chironomidae. On les appelle communément des chironomes. Les adultes sont, en fait, de toutes petites mouches que l’on peut observer régulièrement accrochées à nos moustiquaires, ou encore formant un « nuage » près des lacs et des rivières (voir cette photo ou celle-ci). Bien qu’elles puissent nous agresser par leur grand nombre (essayer de prendre une marche sur le bord de l’eau à travers des nuées de chironomes n’est pas la chose la plus agréable), elles ne piquent pas.

La raison pour laquelle on les retrouve en grande quantité près des milieux aquatiques, c’est que les larves évoluent dans l’eau. De taille pratiquement microscopique jusqu’à un maximum de 3 centimètres, ces larves ressemblent un peu à des chenilles. Elles sont toutefois dépourvues des six « vraies » pattes que possèdent les chenilles. Elles sont plutôt munies de deux paires de « fausses » pattes : une première sous la tête et une seconde tout au bout de l’abdomen (voir cette photo). Elles s’en servent pour ramper, bien qu’elles se déplacent aussi en réalisant des mouvements ondulatoires assez brusques les propulsant à travers la colonne d’eau.

Chironomes Trois
Quelques larves de chironomes provenant de mon étang

J’ai eu l’occasion de filmer quelques petites larves de chironomes vivantes que j’ai prélevées en grattant des plantes et des roches de mon étang à poissons. Ces larves étaient toutes petites (la plus grosse ayant un diamètre tout juste un peu plus grand qu’un cheveu et mesurant 3 millimètres de long), mais le fait de les regarder au microscope m’a permis de prendre quelques vidéos intéressantes, que j’ai insérées à la fin de la présente chronique (pensez à les afficher en haute résolution, pour mieux voir les détails!).

Les larves de chironomes sont ubiquistes. On les retrouve dans tous les milieux aquatiques : lacs, rivières, étangs… même les trous d’arbres remplis d’eau n’y échappent pas! Elles constituent plus de la moitié des espèces invertébrées retrouvées en eau douce, rien de moins! De plus, de nombreuses espèces s’avèrent très tolérantes à la pollution. Certains individus arborent d’ailleurs une superbe couleur rouge vif (photo) associée à l’hémoglobine contenue dans leur sang, qui leur permet de subsister dans les milieux très pauvres en oxygène. Habituellement, une trop forte dominance de chironomes par rapport aux autres organismes n’est pas un bon signe quant à l’état de santé du lac ou du cours d’eau examiné.

Bien que certains chironomes aiment porter le rouge, il importe de noter que les couleurs des membres de cette famille peuvent être très variables : teintes brunâtres, verdâtres, jaunâtres, orangées… J’ai même un livre qui parle de pigmentations incluant le bleu, le rose et le violet (ce que je n’ai pas encore eu l’occasion d’observer pour ma part).

On peut détecter la présence de larves de chironomes, même lorsqu’on ne les voit pas. En effet, ces dernières élaborent souvent des tubes composés d’algues, de sédiments fins et de détritus divers qu’elles agglomèrent à l’aide de soie qu’elles produisent. Elles s’y enroulent et s’y cachent afin de fuir les prédateurs. Ainsi, il m’est fréquent de retrouver de longs (~1 cm) tubes d’algues et de matières variables lorsque je nettoie des objets qui ont trempé dans mon étang ou mon aquarium, sans toutefois apercevoir les chironomes qui les ont construits.

Les préférences alimentaires des chironomes varient énormément, selon l’espèce. Les repas favoris incluent : détritus tels les feuilles en décomposition, algues, plantes vasculaires, fongus et autres animaux (prédation ou parasitisme). Les chironomes jouent un rôle particulièrement important dans les écosystèmes aquatiques. Comme ils sont fort abondants, ils constituent une source de nourriture considérable à la base des chaînes alimentaires. Ils entrent dans l’alimentation de nombreux organismes, vertébrés ou non. Les larves et les nymphes forment notamment une grande partie du régime de multiples espèces de poissons.

D’ailleurs, lors d’une journée de pêche mémorable datant de quelques années (mémorable à cause de l’anecdote qui suit), je m’étais amusée à examiner le contenu alimentaire de truites mouchées (ombles de fontaine) que nous avions capturées. C’était à la fête de la pêche et nous partagions le lieu de « dissection » avec d’autres pêcheurs amateurs que nous ne connaissions pas. J’étais très impressionnée de découvrir que les estomacs de nos truites étaient remplis de nymphes de chironomes (et je l’exprimais à voix haute). Toutefois, les autres pêcheurs environnants ne partageaient pas tout à fait mon enthousiasme. J’ai appris que certaines personnes sont dégoutées par le fait de connaître ce qu’il y a dans l’estomac des poissons qu’ils prévoient manger! Bref, je me fais encore taquiner à l’occasion par les amis avec qui j’étais à la pêche à l’effet que je « traumatise » les gens en leur parlant de contenu stomacal… Vous serez avertis si vous souhaitez m’amener à la pêche un jour!

 

Galerie vidéo

Larves de chironomes vivantes, sous mon microscope. Elles représentent différentes formes et colorations.

 

Ici, on voit une larve qui est cachée dans son fourreau. On peut voir les différents éléments constituant le fourreau (algues, sédiments, etc.).

 

Pour terminer, voici trois autres larves de chironomes, dont deux qui étaient cachées dans des fourreaux.

Pour en savoir plus

  • Marshall, S.A. 2009. Insects. Their natural history and diversity. 732 p.
  • Merritt, R.W. et K.W. Cummins. 1996. Aquatic insects of North America. 862 p.
  • Thorp, J.H. et A.P. Covich. 2001. Ecology and classification of North American freshwater invertebrates. 1056 p.
  • Voshell, J.R. 2002. A guide to common freshwater invertebrates of North America. 442 p.
  • Bug Guide. Family Chironomidae – Midges. http://bugguide.net/node/view/3163
  • Troutnut. Chironomidae (Midges) True fly larva pictures. http://www.troutnut.com/specimen/455