Oh, carabes! Comme vous avez de grandes dents!

La capsule de la semaine du 18 novembre présentait un insecte doté de fort larges mandibules. Aviez-vous deviné qu’il s’agissait d’une sorte de coléoptère?

Plus particulièrement, notre individu est un carabe bronzé et il fait partie de la famille des carabidés (sous-famille: carabinae). Comme le suggère la taille de ses mandibules, il s’agit d’un féroce prédateur. Il est d’ailleurs apparenté à un autre groupe de coléoptères aussi connu pour sa voracité : les cicindèles (voir cette précédente chronique).

Microscope - 18Nov
« Qui suis-je » de la semaine dernière! Il s’agit d’un carabe bronzé.

Cette sorte de carabe chasse habituellement au sol. Plusieurs des sources que j’ai consultées indiquent qu’il est surtout nocturne, bien que cette page française mentionne que certaines populations puissent également être diurnes. Bref, il n’en demeure pas moins qu’il lui arrive, au moins à l’occasion si ce n’est pas plus souvent, de sortir de sa cachette pendant le jour, ce qui nous permet de l’observer et d’apprécier sa taille. C’est d’ailleurs de cette façon que mes parents ont pu prendre deux superbes individus en photo (qui accompagnent la présente chronique!). Pour ma part, je n’ai pu observer que des individus qui s’étaient noyés dans ma piscine. C’est ainsi que j’ai mis la main sur le spécimen examiné de plus près sous la loupe de mon microscope!

Les carabes sont des « chasseurs actifs ». Ils tendent à se déplacer constamment à la recherche de proies, faisant en sorte qu’ils se retrouvent fréquemment dans des conteneurs expédiés vers d’autres pays. Ainsi, plusieurs espèces de carabes ont été introduites dans divers endroits du monde. C’est le cas du carabe bronzé, qui est indigène à l’Europe, mais qui constitue une espèce introduite en Amérique du Nord.

Carabe bronzé 1
Carabe bronzé

Les carabes se délectent de nombreux invertébrés retrouvés dans les plates-bandes. Ils ont d’ailleurs une préférence pour les invertébrés à corps mou tels que les chenilles et les limaces. Il s’agit donc, de toute évidence, d’un puissant allié du jardinier!

À cet effet, ils sont utilisés comme indicateurs de l’état de la biodiversité en milieu agricole. En effet, comme ils se nourrissent d’autres invertébrés, il est possible qu’ils accumulent les contaminants utilisés dans les champs de culture dite conventionnelle. Certaines espèces de carabes retrouvées en France, par exemple, sont plus souvent recensées dans les zones d’agriculture biologique que dans celles où l’agriculture intensive est pratiquée.

Carabe bronzé 2
On voit d’où le carabe bronzé tire son nom! Voyez les jolies couleurs miroiter!

Je termine avec une question qui vous brûle sans doute les lèvres: est-ce que les carabes sont susceptibles de mordre les humains avec ces larges mandibules? Cela est fort possible, quoique je n’aie jamais eu l’occasion de le tester! Si cette possibilité vous inquiète, rappelez-vous que les insectes préféreront habituellement fuir s’ils en ont la chance! En cas de doute, abstenez-vous de les manipuler à mains nues… et évitez de faire comme dans cette vidéo que j’ai trouvée sur YouTube!!!

 

Pour en savoir plus

Chironomes, maîtres des eaux!

La semaine dernière, je vous offrais une capsule spéciale pour l’Halloween. Il y figurait un invertébré bien particulier, qui ressemblait à une momie arborant une tête squelettique. Pas de pattes, pas de traits distincts. Cela ne vous laissait pas beaucoup d’indices, n’est-ce pas?

Momie
L’invertébré mystère est une nymphe de chironome

L’apparence particulière de cet invertébré est due au stade de vie dans lequel il se retrouvait au moment où je l’ai photographié : il s’agit d’une nymphe. À mi chemin entre la larve et l’adulte, la nymphe de plusieurs insectes ressemble ni plus ni moins à une momie. Certains insectes fabriquent des cocons plus rigides, comme par exemple les chenilles qui forment une chrysalide avant de devenir un papillon. Toutefois, d’autres insectes semblent plutôt se métamorphoser à la vue de tous, sous une pellicule transparente composée de leur exosquelette légèrement durci.

C’est notamment le cas de notre insecte de la semaine : un diptère (ordre incluant les mouches et les moustiques), de la famille des chironomidae. On les appelle communément des chironomes. Les adultes sont, en fait, de toutes petites mouches que l’on peut observer régulièrement accrochées à nos moustiquaires, ou encore formant un « nuage » près des lacs et des rivières (voir cette photo ou celle-ci). Bien qu’elles puissent nous agresser par leur grand nombre (essayer de prendre une marche sur le bord de l’eau à travers des nuées de chironomes n’est pas la chose la plus agréable), elles ne piquent pas.

La raison pour laquelle on les retrouve en grande quantité près des milieux aquatiques, c’est que les larves évoluent dans l’eau. De taille pratiquement microscopique jusqu’à un maximum de 3 centimètres, ces larves ressemblent un peu à des chenilles. Elles sont toutefois dépourvues des six « vraies » pattes que possèdent les chenilles. Elles sont plutôt munies de deux paires de « fausses » pattes : une première sous la tête et une seconde tout au bout de l’abdomen (voir cette photo). Elles s’en servent pour ramper, bien qu’elles se déplacent aussi en réalisant des mouvements ondulatoires assez brusques les propulsant à travers la colonne d’eau.

Chironomes Trois
Quelques larves de chironomes provenant de mon étang

J’ai eu l’occasion de filmer quelques petites larves de chironomes vivantes que j’ai prélevées en grattant des plantes et des roches de mon étang à poissons. Ces larves étaient toutes petites (la plus grosse ayant un diamètre tout juste un peu plus grand qu’un cheveu et mesurant 3 millimètres de long), mais le fait de les regarder au microscope m’a permis de prendre quelques vidéos intéressantes, que j’ai insérées à la fin de la présente chronique (pensez à les afficher en haute résolution, pour mieux voir les détails!).

Les larves de chironomes sont ubiquistes. On les retrouve dans tous les milieux aquatiques : lacs, rivières, étangs… même les trous d’arbres remplis d’eau n’y échappent pas! Elles constituent plus de la moitié des espèces invertébrées retrouvées en eau douce, rien de moins! De plus, de nombreuses espèces s’avèrent très tolérantes à la pollution. Certains individus arborent d’ailleurs une superbe couleur rouge vif (photo) associée à l’hémoglobine contenue dans leur sang, qui leur permet de subsister dans les milieux très pauvres en oxygène. Habituellement, une trop forte dominance de chironomes par rapport aux autres organismes n’est pas un bon signe quant à l’état de santé du lac ou du cours d’eau examiné.

Bien que certains chironomes aiment porter le rouge, il importe de noter que les couleurs des membres de cette famille peuvent être très variables : teintes brunâtres, verdâtres, jaunâtres, orangées… J’ai même un livre qui parle de pigmentations incluant le bleu, le rose et le violet (ce que je n’ai pas encore eu l’occasion d’observer pour ma part).

On peut détecter la présence de larves de chironomes, même lorsqu’on ne les voit pas. En effet, ces dernières élaborent souvent des tubes composés d’algues, de sédiments fins et de détritus divers qu’elles agglomèrent à l’aide de soie qu’elles produisent. Elles s’y enroulent et s’y cachent afin de fuir les prédateurs. Ainsi, il m’est fréquent de retrouver de longs (~1 cm) tubes d’algues et de matières variables lorsque je nettoie des objets qui ont trempé dans mon étang ou mon aquarium, sans toutefois apercevoir les chironomes qui les ont construits.

Les préférences alimentaires des chironomes varient énormément, selon l’espèce. Les repas favoris incluent : détritus tels les feuilles en décomposition, algues, plantes vasculaires, fongus et autres animaux (prédation ou parasitisme). Les chironomes jouent un rôle particulièrement important dans les écosystèmes aquatiques. Comme ils sont fort abondants, ils constituent une source de nourriture considérable à la base des chaînes alimentaires. Ils entrent dans l’alimentation de nombreux organismes, vertébrés ou non. Les larves et les nymphes forment notamment une grande partie du régime de multiples espèces de poissons.

D’ailleurs, lors d’une journée de pêche mémorable datant de quelques années (mémorable à cause de l’anecdote qui suit), je m’étais amusée à examiner le contenu alimentaire de truites mouchées (ombles de fontaine) que nous avions capturées. C’était à la fête de la pêche et nous partagions le lieu de « dissection » avec d’autres pêcheurs amateurs que nous ne connaissions pas. J’étais très impressionnée de découvrir que les estomacs de nos truites étaient remplis de nymphes de chironomes (et je l’exprimais à voix haute). Toutefois, les autres pêcheurs environnants ne partageaient pas tout à fait mon enthousiasme. J’ai appris que certaines personnes sont dégoutées par le fait de connaître ce qu’il y a dans l’estomac des poissons qu’ils prévoient manger! Bref, je me fais encore taquiner à l’occasion par les amis avec qui j’étais à la pêche à l’effet que je « traumatise » les gens en leur parlant de contenu stomacal… Vous serez avertis si vous souhaitez m’amener à la pêche un jour!

 

Galerie vidéo

Larves de chironomes vivantes, sous mon microscope. Elles représentent différentes formes et colorations.

 

Ici, on voit une larve qui est cachée dans son fourreau. On peut voir les différents éléments constituant le fourreau (algues, sédiments, etc.).

 

Pour terminer, voici trois autres larves de chironomes, dont deux qui étaient cachées dans des fourreaux.

Pour en savoir plus

  • Marshall, S.A. 2009. Insects. Their natural history and diversity. 732 p.
  • Merritt, R.W. et K.W. Cummins. 1996. Aquatic insects of North America. 862 p.
  • Thorp, J.H. et A.P. Covich. 2001. Ecology and classification of North American freshwater invertebrates. 1056 p.
  • Voshell, J.R. 2002. A guide to common freshwater invertebrates of North America. 442 p.
  • Bug Guide. Family Chironomidae – Midges. http://bugguide.net/node/view/3163
  • Troutnut. Chironomidae (Midges) True fly larva pictures. http://www.troutnut.com/specimen/455

Une perle d’invertébré!

La semaine dernière, je vous proposais un petit jeu visant à deviner quel était l’invertébré aperçu dans l’œil de mon microscope. La réponse est la suivante : il s’agit d’une larve de perle (famille des perlidae), une sorte de plécoptère (ordre).

Perlidae larve
Larve de plécoptère (Perlidae)

Les perles ne sont pas les plus connus des invertébrés. Peut-être est-ce même la première fois que vous en entendez parler. J’ai fait la connaissance de cet ordre d’insecte lors de mes études, puisque les larves de perles sont très communes dans les rivières du Québec. Elles aiment les ruisseaux et les rivières bien oxygénés – faisant en sorte qu’on les retrouve typiquement dans des zones peu profondes à courant rapide, où les roches émergent de l’eau. Ces larves sont sensibles à la pollution d’origine humaine et s’avèrent, par conséquent, de bons indicateurs de la qualité des eaux courantes.

Les larves de perlidae sont munies de branchies à la base de leurs pattes (l’équivalent de nos aisselles). C’est ainsi qu’elles peuvent respirer sous l’eau. Leur corps est aplati et leurs pattes possèdent deux « griffes », faisant en sorte qu’elles peuvent se mouvoir aisément sans être emportées par les forts courants des milieux où elles vivent.

Perlidae patte
Patte d’une larve de perle

Les larves sont également de voraces prédateurs et j’en ai vu à quelques reprises se nourrir d’invertébrés alors que je les observais, sur une roche que je venais tout juste de sortir de l’eau. En revanche, elles sont des proies de choix pour les poissons et les autres invertébrés prédateurs. Même les canards les apprécient comme collation! Elles jouent donc un rôle important dans les écosystèmes aquatiques.

Les larves peuvent passer plus d’une année sous l’eau, avant d’émerger en tant qu’adulte ailé. Plus précisément, le cycle de vie total peut varier de une à trois années, selon la localisation géographique. Les individus peuvent subir un grand nombre de mues (plus d’une vingtaine, selon l’espèce), avant de parvenir au stade adulte final. C’est d’ailleurs un exosquelette (peau de mue, en d’autres termes!) d’une larve de plécoptère que j’ai prise en photo sous le microscope (voir la chronique de la semaine dernière).

Les adultes ressemblent beaucoup aux larves, comme on peut le voir sur les photographies. La différence principale se situe au niveau des ailes qui, bien sûr, ne seraient pas utiles pour la larve qui vit en milieu aquatique!

Plecoptère
Plécoptère adulte

Une fois émergés, les adultes s’abritent dans la végétation près des cours d’eau où ils ont grandi. Ils s’affairent alors à chercher un partenaire pour se reproduire. Pour la majorité des espèces de plécoptères, cette recherche se traduit par une chanson à répondre! Cette activité est appelée « drumming » en anglais. Plus particulièrement, les mâles frappent le sol avec leur abdomen et les femelles répondent à cette « bonne vibration ». Au milieu de ce concert de percussions, les femelles finissent par trouver des mâles et la reproduction a lieu!

Lorsque les œufs ont atteint un certain niveau de maturité, les femelles les joignent en une masse qu’elles maintiennent au bout de leur abdomen (voir cette image). Elles sillonnent alors la surface de l’eau afin de les libérer. Selon l’espèce de plécoptère concernée, les femelles peuvent même aller jusqu’à se glisser sous l’eau afin d’y laisser leurs œufs sur tout substrat disponible (roche, bois, débris, etc.).

Les perles sont identifiées comme étant des insectes bénéfiques. Elles ne se nourrissent pas de cultures ou de plantes appréciées des jardiniers, ne conduisent pas à des émergences massives, comme certaines espèces d’éphémères (voir cette chronique) et ne constituent pas de danger pour l’homme. Elles jouent un rôle-clé dans les écosystèmes aquatiques et sont de bons indicateurs de la qualité des cours d’eau.

Bref, elles gagnent à être connues!

 

Pour en savoir plus

  • Marshall, S.A. 2009. Insects. Their natural history and diversity. 732 p.
  • Merritt, R.W. et K.W. Cummins. 1996. Aquatic insects of North America. 862 p.
  • Thorp, J.H. et A.P. Covich. 2001. Ecology and classification of North American freshwater invertebrates. 1056 p.
  • Voshell, J.R. 2002. A guide to common freshwater invertebrates of North America. 442 p.
  • Bugguide (femelle tenant une masse d’oeufs): http://bugguide.net/node/view/195667/bgimage

 

Il y a de la vie dans mes plates-bandes!

L’été approche à grands pas. Comme moi, vous avez sans doute déjà commencé à « jouer » dans vos plates-bandes. Lorsque vous vous êtes affairés à les nettoyer et que vous avez enlevé la (parfois imposante) couche de feuille automnale laissée en guise de protection, avez-vous remarqué la vaste quantité d’invertébrés qui prenait refuge sous ce couvert feuillu?

Millipède
Millipède
Centipède
Centipède

Il s’agit en grande partie de décomposeurs. Ce sont des invertébrés qui se nourrissent de matière en décomposition et qui passent la majorité de leur vie cachés sous la litière, les souches de bois ou dans d’autres cachettes sombres et humides. Vous en avez d’ailleurs sûrement déjà vu en déplaçant des panneaux, briques ou roches qui étaient restés longtemps au sol.

De nombreuses espèces de décomposeurs habitent dans nos plates-bandes. Ces organismes jouent un rôle considérable dans les écosystèmes terrestres, puisqu’ils contribuent à décomposer la matière organique et l’intégrer au sol. Sans eux, nos sols seraient appauvris et la matière organique ne cesserait de s’accumuler. Dans le cadre de la présente chronique, je vais vous parler plus particulièrement de trois groupes de décomposeurs, parmi les plus connus : les myriapodes, les cloportes et les vers de terre.

Le terme « myriapode » signifie « une myriade de pattes ». Ce sont, vous l’aurez deviné, ce qu’on appelle communément des mille-pattes! Ce groupe comprend les centipèdes et les millipèdes. Les centipèdes ne possèdent qu’une paire de pattes par segment thoracique, alors que les millipèdes en possèdent deux. Cela peut expliquer la différence dans le nom (cent-pattes ou mille-pattes), bien que, en réalité, aucun des deux groupes ne possède jusqu’à mille pattes. Les millipèdes ont un aspect rond et compact et on les retrouve souvent immobiles, roulés en boule. Les espèces les plus communes possèdent entre 36 et 400 pattes. Ce sont essentiellement des décomposeurs. En revanche, les centipèdes, bien qu’ils se cachent sous la litière, sont plutôt des prédateurs. Leur alimentation se compose de petits invertébrés, incluant diverses larves qui se nourrissent de bois mort. Ils ont une forme davantage aplatie et ceux de nos régions présentent une teinte plus vive (rougeâtre). Ils sont capables d’immobiliser leurs victimes grâce à des appendices venimeux situés à l’avant du corps. D’ailleurs, certains centipèdes géants retrouvés dans les tropiques peuvent constituer un danger pour l’être humain, justement à cause de cette caractéristique. Les centipèdes possèdent, tout comme les millipèdes, un nombre fort variable de pattes, allant de 20 à 300 pattes.

Une autre espèce que vous connaissez sûrement est le cloporte. Le cloporte fait partie de l’ordre des isopodes. Il s’agit, croyez-le ou non, d’un crustacé – comme les crevettes et les écrevisses! Il est reconnaissable par sa forme ronde, sa robe sobre dans les teintes de gris-brun, ainsi que par un assez grand nombre de pattes. Si vous n’avez pas peur de les manipuler, vous pourrez d’ailleurs observer que les cloportes possèdent douze pattes. Ils sont inoffensifs et constituent une espèce bénéfique, puisqu’ils contribuent eux aussi à la dégradation et au recyclage de la matière organique laissée au sol. Fait intéressant, certaines espèces de cloportes sont sensibles à la pollution et sont ainsi utilisées en tant qu’indicatrices de la qualité des sols dans le cadre d’études d’impacts environnementaux.

Ver terre
Ver de terre
Cloporte
Cloporte

On retrouve finalement les vers de terre (lombrics). Saviez-vous que cet organisme, bien connu de tous, a en fait été introduit d’Europe? En fait, la quasi-totalité des espèces de nos régions sont des espèces introduites! Difficile à croire, compte tenu de leur omniprésence, mais aussi de leur rôle crucial dans la fertilisation naturelle des sols. En effet, le ver de terre ingurgite une vaste gamme d’aliments – généralement de la matière en décomposition, mais aussi des végétaux et des petits animaux – pour en extirper les éléments nutritifs essentiels à sa croissance. Il excrète ensuite les éléments non utilisés, qui incluent des agrégats de matière organique riche en sucres et en nutriments. Ces éléments contribuent à enrichir les sols et augmenter leur fertilité. De plus, les vers brassent incessamment la terre en se déplaçant et contribuent ainsi à mélanger les différentes couches de sol. Cela a pour effet de disperser les nutriments dans le sol, mais également d’aérer ce dernier. Sans les vers, nos sols seraient donc nettement plus pauvres et beaucoup moins fertiles. Si vous pouvez jardiner ou faire pousser des fleurs sans trop de difficulté, vous pouvez en remercier les vers de terre!

Tout comme les cloportes, les vers de terre sont utilisés comme indicateurs de la pollution des sols. Ces derniers sont considérés comme de bons indicateurs de plusieurs types de polluants ou de contaminants. Des études démontrent notamment que la densité de vers de terre est affectée par l’agriculture intensive et que, en particulier, leur cycle de vie serait altéré par l’utilisation des pesticides. Or, compte tenu de leur apport considérable dans le maintien d’un sol riche, on se retrouve de toute évidence devant un cercle vicieux. Plus on ajoute d’engrais et de pesticides pour améliorer les cultures, moins l’on a de vers de terres. Moins la densité de vers de terre est élevée, plus on a besoin d’ajouter des suppléments…

En conclusion, une myriade d’invertébrés se cache dans nos plates-bandes. Je n’ai qu’effleuré le sujet dans la chronique de cette semaine. Toutefois, on comprend rapidement qu’ils sont nombreux à nous rendre des services écologiques d’une grande valeur en mélangeant et aérant la terre, ainsi qu’en y intégrant des nutriments essentiels à la croissance des plantes. Sans leur présence, nous aurions beaucoup plus de travail à faire! Merci les amis jardiniers!

 

Vidéo 1: Ce qui se passe lorsque l’on soulève une tuile de béton.

 

Vidéo 2: Course de millipèdes! Sur qui misez-vous?

 

Pour en savoir plus

 

Les Odonates – Partie 2: d’étranges créatures aquatiques

Ma première rencontre avec une larve d’odonate remonte à bien des années et s’est avérée fort mémorable. C’était à l’époque où j’allais fréquemment rejoindre une cousine, qui restait sur le bord de la Baie Saint-François, pour pêcher et se baigner. Je devais être au tout début de l’adolescence.

Macromiidae Larve
Larve d’anisoptère (Famille: Macromiidae)

Je pataugeais sur le bord de la rive et mes pieds s’enfonçaient dans les sédiments fins. En me relevant, quelle ne fut pas ma surprise de voir, collée à ma cuisse, une étrange créature d’un brun foncé. Elle était d’une grosseur appréciable, d’ailleurs. Soudain submergée de peur, je me suis imaginée que j’avais, accrochée après moi, une sorte d’insecte déformé par la pollution (on disait déjà à l’époque que la baie était polluée, surtout dans le temps des fameuses Régates)… Ou encore un extra-terrestre, qui sait! Oui, j’ai toujours eu passablement d’imagination…

Bref, l’évènement m’avait suffisamment marquée pour que l’image de la bestiole en question soit saisie dans ma mémoire, telle une photographie! Quelle ne fut donc pas ma surprise de reconnaître mon « extra-terrestre », bien des années plus tard, alors que je commençai à collecter et identifier des insectes aquatiques dans le cadre de ma maîtrise!

Comme je le mentionnais dans ma chronique de la semaine dernière, les larves d’odonates évoluent en milieu aquatique et sont généralement méconnues. Pourtant, certaines de ces larves présentent des similitudes marquées avec les odonates adultes. La tête – d’une bonne grosseur par rapport au reste du corps – est munie de gros yeux. Les mâchoires sont également fort impressionnantes. Elles sortent, en fait, tout droit d’un film d’horreur! Les mandibules acérées se situent au bout d’un long « tube » qui se déploie, tel la langue d’une grenouille, pour capturer les proies. Cette image, sur Internet, vous donnera une idée de ce dont je vous parle! Ou encore celle-ci!

Naturellement, vous ne serez pas surpris, après avoir vu ces images, si je vous dis que ce sont de redoutables prédateurs, tout comme les adultes. Les larves d’odonates consomment effectivement toutes sortes d’invertébrés aquatiques – incluant des larves d’éphémères, de diptères (mouches noires, maringouins), d’autres odonates, etc. Elles ont un appétit tellement vorace qu’elles se nourrissent même de têtards et de petits poissons aussi gros qu’elles!

Aeshnidae larve
Larve d’anisoptère (Famille: Aeshnidae)

On retrouve des larves d’odonates autant dans les milieux lotiques (eaux courantes, comme les rivières et les ruisseaux) que dans les milieux lentiques (courant lent, comme les lacs ou les abords du fleuve). On peut fréquemment en observer en déplacement, sur les sédiments du fleuve, à marée basse. Il suffit de suivre les traces laissées sur le sable. Parfois elles conduisent à des escargots, mais il m’est arrivée à quelques reprises de tomber sur un odonate! Pour ceux qui n’habitent pas là où l’on retrouve des marées, sachez que vous pouvez également simplement déplacer quelques roches sur le bord d’un lac ou du fleuve. Vos chances de tomber sur un odonate sont appréciables, parole de Doc Bébitte (j’ai plusieurs tentatives à mon actif)!

Si vous « dérangez » une larve d’odonate – en particulier les anisoptères ou libellules (voir l’article de la semaine dernière pour les descriptions) – vous risquez sans doute de la voir se propulser de façon étonnante dans l’eau. En fait, les larves d’anisoptères se déplacent en aspirant l’eau par leur anus en un premier temps et en l’éjectant soudainement en un deuxième temps. D’ailleurs elles se servent de cette « particularité » quand vous tentez de les manipuler hors de l’eau… pour vous asperger!!! C’est aussi de cette façon qu’elles respirent sous l’eau, puisque leurs branchies sont internes – soit localisées dans leur rectum, rien de moins! En « aspirant » de la nouvelle eau oxygénée, les larves peuvent donc rester submergées. En revanche, les larves de zygoptères ou demoiselles ne sont pas munies d’un tel système. Elles possèdent simplement des branchies qui ont plus ou moins l’allure de trois feuilles tout au bout de leur abdomen.

Gomphidae
Larve d’anisoptère (Famille: Gomphidae)

En plus de ces caractéristiques, les larves de zygoptères et d’anisoptères se différencient par la forme de leur corps. En effet, de façon similaire aux odonates adultes, les larves de zygoptères sont plus allongées et frêles que les larves d’anisoptères. Quelques bons guides pour entomologistes aquatiques amateurs ou plus avancés existent : vous pouvez vous référer à la section « Pour en savoir plus » si le sujet vous intéresse! En particulier, le guide du Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs est propre au Québec et est bien vulgarisé. Il est disponible sur Internet, autre fait intéressant!

Pour terminer, les larves d’odonates peuvent passer plusieurs années sous l’eau, à se développer. Certaines espèces peuvent prendre jusqu’à 6 années pour réaliser un cycle de vie complet. Ce n’est donc pas pour rien qu’elles atteignent une taille appréciable : jusqu’à environ 7 centimètres!

Je vous avais dit qu’il y avait beaucoup de choses à raconter sur les odonates? Et bien, je n’ai même pas tout dit! Il faudra bien que je vous parle une prochaine fois de l’intérêt d’étudier les larves d’odonates en tant qu’indicatrices de la qualité des milieux aquatiques! Ça viendra…

Entre temps, j’espère que cette chronique vous aidera à mieux identifier les larves d’odonates lorsque vous en verrez… Afin d’éviter que vous les preniez pour des extra-terrestres!!!

Pour en savoir plus