Histoire d’une photo : Psitt ! Psitt ! Psylle !

Mon loisir en tant que DocBébitte m’amène à faire la connaissance de nombreux enthousiastes d’insectes et du monde naturel.

Monsieur Luc Pouliot est l’un d’entre eux. Photographe, il s’amuse depuis déjà quelques années à capturer sur le vif, dans l’œil de sa caméra, une vaste panoplie d’organismes invertébrés.

C’est donc récemment que j’ai eu l’honneur d’être interpellée par ce dernier pour lui donner un coup de pouce dans l’identification de certains sujets.

Si vous me connaissez, vous savez que je ne suis pas une taxonomiste aguerrie, mais davantage une écologiste qui cherche tout de même à connaître l’identité des spécimens qu’elle étudie. C’est un minimum requis si je veux savoir de qui et de quoi je parle !

J’ai donc accepté de relever le défi d’identifier de nouvelles espèces en ayant comme prétexte de pouvoir apprendre plus sur ces dernières… et de pouvoir vous partager mes apprentissages. Car, oui, M. Pouliot m’a gentiment offert d’utiliser également ses photos pour vous parler davantage du fabuleux monde des insectes.

La première découverte que je veux vous partager porte sur les psylles : des hémiptères de la superfamille des Psylloidea, que je ne connaissais pas encore. Plus spécifiquement, je vais parler des membres de la famille Psyllidae.

La photo de Luc Pouliot qui m’a fait découvrir les psylles !

Pourquoi ne les connaissais-je pas déjà ? Peut-être parce qu’il s’agit de tout petits insectes faisant entre 1,5 à 6 mm de long. À cette taille, ce ne sont pas les premiers arthropodes qui nous sautent aux yeux !

Aussi, j’ai d’abord cru que l’organisme photographié était un psocoptère (ou psoque), un ordre complètement différent d’insectes dont certains individus ressemblent beaucoup aux psylles : petite taille, grandes antennes et ailes transparentes, peu nervurées, maintenues en tente au-dessus du corps. J’ai agrémenté la présente chronique d’une photo d’un psoque. Il a un « air de famille » avec les psylles, n’est-ce pas ?

Les psocoptères (psoques), comme celui-ci, ressemblent passablement aux psylles. Ils appartiennent toutefois à deux ordres d’insectes distincts.

Revenons à notre psylle. Pourquoi éprouvai-je tant de difficulté à l’identifier, dès le départ ? C’est que celui sur le cliché de M. Pouliot ne me permettait pas de voir clairement la présence du rostre – un appendice buccal ressemblant à une paille et qui permet d’identifier le spécimen comme faisant partie de l’ordre des hémiptères (voir notamment la clé d’identification dans Marshall 2009). Chez les psylles, le rostre n’est pas aussi visible que, par exemple, chez des punaises assassines. Il est replié et bien caché entre les pattes antérieures. J’hésitai donc initialement à désigner l’individu d’hémiptère.

Une fois la chose classée, il me fallait ensuite distinguer les psylles d’autres hémiptères, comme les cercopes ou les cicadelles. Pour ce faire, j’appris que je devais examiner la taille des antennes. Chez les psylles, ces dernières sont longues et généralement bien visibles, comme en témoigne la photo de M. Pouliot. En revanche, elles sont plus courtes et fines chez les cercopes et les cicadelles. En outre, si vous cherchez une astuce simple pour distinguer les psylles d’autres arthropodes, Marshall (2009) précise que ceux-ci ressemblent beaucoup à des cigales miniatures ornées de longues antennes.

Cela étant dit, les psylles sont des insectes sauteurs et des voleurs actifs. Malgré leur allure plus « sportive », avec leurs pattes adaptées au saut, ils ont des ressemblances comportementales avec les pucerons, d’autres hémiptères jugés moins actifs. En effet, plusieurs produisent du miellat, la substance sécrétée par les pucerons qui attire tant les fourmis (j’en parle dans cette chronique). Nombreux causent aussi des galles sur les plantes et constituent des pestes pour les cultivateurs. À titre d’exemple, le psylle du poirier (Cacopsylla pyricola) excrète du miellat qui génère des moisissures sur les poiriers et leurs fruits.

De plus, les nymphes de psylles sont capables de produire des sécrétions cireuses générant des masses blanches cotonneuses tout autour d’elles, comme ce que l’on peut voir chez les pucerons laineux. J’ai fouillé dans mes photos récentes, où je croyais avoir photographié des pucerons laineux, et je dois avouer que je ne suis pas franchement parvenue à distinguer si je faisais affaire à un puceron laineux ou à un psylle. Pour aider – un tant soit peu ! – Marshall (2009) indique que les psylles « cotonneux » sont observés plus tôt en été, alors que les pucerons laineux le sont plus tard. Hum, ça ne demeure pas très évident, n’est-ce pas ? D’autant plus que les photos que je vous présente ci-dessous datent du 1er juillet, au Parc national de la Gaspésie… Est-ce considéré tôt ou tard en été pour ce secteur ? Tout conseil d’identification de votre part est bienvenu !

Fait intéressant, lors de mes recherches en vue de vous pondre le présent billet, j’ai appris que ces masses duveteuses réduisent la dessiccation en plus de recouvrir la colonie afin de la protéger des prédateurs. Il n’en demeure pas moins que certains prédateurs et parasitoïdes ont appris à contourner cette protection.

Ces nymphes d’hémiptères pourraient être des psylles – les angles de mes photos ne me permettent pas d’en être certaine à 100 %.

Je vous ai parlé plus tôt du rostre. Les psylles sont des insectes piqueurs-suceurs : ils se servent de leur rostre pour siroter la sève de diverses plantes. Les nymphes sont plus spécifiques à une ou quelques plantes-hôtes, mais les adultes font moins la fine bouche et peuvent être retrouvés sur davantage d’espèces.

Je me souviens, au travers des années, avoir pris un certain nombre de clichés de petits invertébrés que j’estimais être des psoques ou des sortes de petits cercopes. J’ai du retard dans l’identification des insectes que je prends en photo (j’en ai des milliers !), mais je vais désormais rester alerte : il se pourrait que plusieurs de ces individus s’avèrent, finalement, être des psylles !

En somme, j’ai la satisfaction de dire que je connais une toute nouvelle famille d’arthropodes. Et tout cela part d’une unique photo de Luc Pouliot ! Que c’est beau, de pouvoir découvrir et apprendre sans cesse !

D’ailleurs, pour ceux qui veulent jeter un coup d’œil aux superbes œuvres de M. Pouliot, sachez que certaines d’entre elles seront exposées du 12 septembre au 19 octobre 2023 à la Maison du Citoyen de Boisbriand (voir l’affiche ci-dessous pour les détails). Il s’agit d’une belle activité de sensibilisation à encourager !

Vous cherchez une activité à saveur entomologique ? Allez jeter un coup d’œil cet automne aux photos de Luc Pouliot !

Pour en savoir plus

Criocère du lis : ma vie c’est d’la m… !

Eh oui, j’ai bel et bien osé nommer cette chronique ainsi !

(Pour ceux qui s’y connaissent peu côté culture populaire, une pièce musicale franco-canadienne interprétée par Lisa LeBlanc et qui a remporté un franc succès porte ce titre.)

C’est que je veux vous parler d’un insecte dont le stade larvaire est fort étonnant et consiste… à s’enrober dans ses excréments pour échapper aux prédateurs ! Rien de moins !

Derrière ce superbe adulte se cache une enfance troublante !

Il s’agit du criocère du lis (Lilioceris lilii), un invertébré que vous connaissez sans aucun doute si vous avez des lis dans vos plates-bandes.

Le criocère du lis doit en effet sa renommée au fait qu’il cause d’impressionnants dommages aux lis, de jolies fleurs que beaucoup d’entre nous aiment voir trôner dans nos plates-bandes. Introduit d’Europe, la plus ancienne observation à nos latitudes serait au Québec, et plus spécifiquement dans la région de Montréal, en 1943.

J’avais déjà pris quelques photos et vidéos de ces insectes, mais je n’avais pas été aussi gâtée que cet été. Dans les plates-bandes de l’humble demeure où je suis récemment aménagée poussaient quelques plants de lis, plutôt chétifs. Néanmoins, je les ai laissés croître, espérant voir quelques jolies fleurs s’y épanouir. Ce fut le cas… bien que les plants aient été complètement assiégés par des larves et adultes du criocère du lis.

Le criocère du lis… dans mes lis!

Adhérant déjà à la philosophie du Jardinier paresseux (voir la section Pour en savoir plus), je savais que la meilleure option était de laisser aller les choses… et d’en profiter pour documenter le fascinant cycle de vie du criocère du lis.

À cet effet, quel cycle de vie particulier ! Les larves et les adultes rongent non seulement les feuilles des lis, ils peuvent aussi s’attaquer aux boutons floraux et manger les fleurs. Or, c’est la larve qui se démarque par sa façon d’échapper aux prédateurs… et de répugner les jardiniers qui chercheraient à s’en débarrasser !

Cette dernière s’enroule dans son mucus et ses excréments !

J’ai pu observer des larves de bonne envergure dans mes lis cet été. Nous avons pris des photos et des vidéos de ces larves… et je dois avouer que leur vue m’a plutôt dégoûtée, bien que je sois une amoureuse des insectes et autres invertébrés. La larve ressemble à une sorte de blob visqueux de couleur tout aussi ragoûtante variant entre le jaune, le kaki et le brun ! Même dépourvue de sa généreuse couche de mucus et d’excréments, la bête a une allure particulière : l’abdomen, renflé et jaune, est démesuré à côté de la petite tête et des pattes noires.

L’adulte, de son côté, est nettement plus charismatique. Faisant de 6,3 à 7,3 mm de long, sa tête, ses pattes et sa face ventrale sont noires, alors que ses élytres sont d’un rouge vibrant et brillant. J’en apercevais en grande quantité, souvent affairés à s’accoupler pour produire une autre génération d’étranges larves gluantes.

L’adulte est de taille moyenne

D’ailleurs, les recherches que j’ai effectuées pour écrire le présent billet m’ont permis d’apprendre qu’il y aurait d’une à trois générations (ce chiffre varie selon la source consultée) de ces insectes annuellement au Québec, dont une première génération d’adultes qui émergent tôt au printemps, vers le mois d’avril. De quoi à décourager les jardiniers qui les aiment nettement moins !

Revenons justement aux dommages générés par les criocères du lis. Le Jardinier paresseux recommande vivement – et simplement – d’arracher tous les végétaux auxquels s’attaquent les criocères du lis : lis (Lilium), lis géants (Cardiocrinum) et fritillaires (Fritillaria). Selon Smeesters et coll. (2005), ces arthropodes aimeraient également croquer quelques autres espèces, lorsque leurs plantes favorites ne sont pas disponibles, dont les sceaux-de-Salomon (Polygonatum spp.), les streptopes et les smilacines.

Cette larve couverte de mucus et d’excréments est la larve du criocère du lis!

Si vous cherchez malgré tout à préserver vos lis et êtes prêts à y mettre beaucoup d’énergie, le Jardinier paresseux passe en revue (et critique) quelques méthodes populaires. En voici un résumé (allez sur le site du Jardinier paresseux pour les détails) :

  • Récolte manuelle. Implique d’ausculter les lis tôt tous les matins et d’enlever à la main les adultes et les larves, puis de les jeter dans l’eau savonneuse ou les écraser. Les œufs jaunes, rouges ou orangés, d’environ 1,5 mm de long, peuvent également être repérés ainsi et retirés des plants. À noter que j’ai lu que les criocères du lis peuvent striduler bruyamment s’ils sont perturbés; ne soyez donc pas surpris s’ils lancent un cri lorsque vous les manipulez !
  • Marc de café. Il s’agit de l’épandre au sol afin de cacher l’odeur du lis. Il semble cependant, selon le Jardinier paresseux, que cette stratégie ne fonctionne pas.
  • Plantes répulsives. Il serait véhiculé que le fait de planter certains végétaux près du lis repousse le criocère… Un mythe à nouveau déboulonné par le Jardinier paresseux.
  • Vaporisations. Il s’agit de vaporiser différents produits sur les lis ou directement sur les criocères, dont de l’huile de neem, des savons insecticides et du savon à vaisselle. Le traitement semble avoir du potentiel, mais nécessite des vaporisations fréquentes et risque d’affecter d’autres insectes plus désirables (comme les abeilles, par exemple).

Espace pour la vie ainsi que Smeesters et coll. (2005) suggèrent quelques astuces supplémentaires :

  • Couvrir les plants d’une fine toile au printemps pour empêcher les adultes de les atteindre;
  • Pour la récolte manuelle, utiliser un tissu ou contenant au-dessus duquel secouer les plants ou utiliser un aspirateur manuel;
  • Ramasser ou brûler les végétaux morts et les débris au sol à l’automne pour réduire les refuges hivernaux possibles (par contre, vous réduirez ces refuges pour les autres invertébrés qui peuvent s’avérer utiles);
  • Vaporiser les plants d’un extrait de tanaisie pour masquer leur odeur;
  • Biner le sol autour des lis au printemps et à l’automne afin d’exposer les criocères aux intempéries et aux prédateurs.
Larve du criocère du lis et ses dégâts sur le feuillage

Une autre option : plantez des hémérocalles, de jolies fleurs qui ressemblent à celles du lis et que j’adore personnellement. Elles sont de bon couvre-sol (peu d’herbes indésirables poussent à leur pied), demandent très peu d’entretien et fleurissent en une vaste gamme de couleurs ! Qui plus est, les criocères ne s’en nourrissent pas !

En ce qui concerne les lis de mes propres plates-bandes, j’ai laissé les adultes et les larves de criocères du lis vaquer à leurs occupations. Ces individus, bien nourris et engraissés, ont sans doute pour leur part été loin de penser qu’ils ont eu une vie de m… !

Galerie photo

Pour en savoir plus

Gagnant du concours amical de photographie d’invertébrés 2020 : Punaise Euschistus servus par Marc Bergeron

Sortez tambours et trompettes! C’est l’heure du dévoilement de la photographie élue favorite dans le cadre du concours amical DocBébitte 2020!

Vous aviez à choisir parmi 25 jolis clichés d’invertébrés que l’on peut observer au Québec. Et c’est la charmante punaise de M. Marc Bergeron, posée sur une fleur aux doux et chauds contrastes, qui a séduit le plus grand nombre d’entre vous! Bravo, M. Bergeron, pour votre beau cliché!

La belle punaise euschistoïde de Marc Bergeron: photo gagnante du concours 2020

Chose promise, chose due, ladite photo est mise en vedette dans la présente chronique et je m’affairerai à vous parler de cette fantastique punaise dans quelques instants!

Mention honorable à Alexandre Roy pour la seconde place

Or, avant de commencer, j’aimerais chaleureusement remercier tous les participants qui nous ont fait voir de beaux invertébrés québécois, tantôt sur des fleurs et du feuillage, tantôt de plus près sur les murs de nos demeures… ou même sur une toile de chasse entomologique!

En particulier, j’offre une mention honorable pour la photographie « Couple de charançons » d’Alexandre Roy qui s’est hissée sur la seconde marche du podium. L’esthétisme de la photo et l’apparente complicité entre les deux bêtes auront sans doute charmé les électeurs.

La punaise euschistoïde

Malgré plus de 300 chroniques à mon actif, je n’avais pas encore eu l’occasion de vous parler de la punaise euschistoïde (sous-espèce Euschistus servus euschistoides). C’est donc avec plaisir que je vous brosse un portrait de ce sympathique arthropode que M. Bergeron a si bien su mettre en valeur.

Cette punaise ne m’était pas inconnue, puisqu’elle est très commune. J’avais d’ailleurs recueilli plusieurs individus, retrouvés morts dans des piscines, que j’avais identifiés dans mes débuts en entomologie vers 2013-2014. Il est fort probable que vous ayez vous-même déjà rencontré cet insecte.

Une des caractéristiques de la punaise euschistoïde (à combiner aux autres critères)

Plusieurs critères sont à examiner pour distinguer cette punaise de ces consœurs : la couleur globale de l’insecte, la forme du thorax, les segments et la couleur des antennes, de même que la disposition du rostre en sont des exemples (Canadian Journal of Arthropod Identification 2013a; Entomofaune 2020). De plus, l’extrémité de la tête est à regarder de près, car notre punaise a une tronche caractéristique : les joues dépassent le tylus (cela signifie qu’il y a une partie centrale plus courte logée entre deux segments un peu plus longs; voir ma photo ci-contre). Combinée aux autres caractéristiques, il devient assez aisé de la reconnaître, même à partir d’une photo!

La robe arborée par cet arthropode est d’un gris-beige sobre. Selon Entomofaune (2020), certaines variations dans la couleur peuvent être notées entre le début et la fin de l’été. Ces teintes peu criardes n’empêchent cependant pas l’œil averti de repérer notre jolie punaise sur les plants où elle s’alimente. En effet, cette dernière est munie de pièces buccales de type piqueur-suceur (qu’on appelle « rostre ») dont elle se sert pour siroter la sève de nombreuses plantes : « mauvaises herbes », cultures fruitières, maïs et soya peuvent y passer! Elle est donc considérée par certains comme une peste… et n’est pas toujours aimée des jardiniers!

Ce n’est certainement pas le cas de notre punaise qui a remporté le premier prix au concours amical 2020! Cette dernière semble en avoir charmé plus d’un!

Selon les sources consultées, la longueur des individus varierait de 10 à 15 mm. La croissance est importante, les œufs et les rejetons fraîchement éclos mesurant environ 1 mm! D’ailleurs, concernant le cycle de vie de cette punaise, vous apprécierez les photos et explications disponibles sur cette page d’Entomofaune.

Les adultes matures aperçus à la fin de l’été vont se chercher un abri pour traverser les rigueurs de l’hiver. Ainsi, la litière de feuilles et les débris végétaux laissés au sol leur serviront de protection. Plusieurs individus ne réussiront malheureusement pas à survivre jusqu’au printemps. C’est un fait que j’ai observé moult printemps alors que j’enlevais d’épaisses couches de feuilles de mes plates-bandes : je retrouvais beaucoup de carcasses de ces punaises, ainsi que de la punaise verte (Chinavia hilaris) dont je vous ai entretenus dans cette précédente chronique. Heureusement, il m’arrivait aussi de tomber sur des spécimens vivants qui, dès qu’un peu réchauffés par les rayons du soleil, prenaient leur envol.

De nombreuses sources indiquent que les membres de la famille Pentatomidae, dont fait partie la punaise euschistoïde, sont réputés pour l’odeur nauséabonde qu’ils dégagent. Il semble que ce soit là un mécanisme de défense bien utile contre les prédateurs. Pourtant, de toutes les fois où j’ai manipulé un pentatome, jamais je ne suis parvenue à sentir l’odeur si caractéristique. Se pourrait-il que certaines personnes ne parviennent pas à détecter cette odeur? Ou peut-être n’ai-je pas suffisamment malmené les spécimens que j’ai manipulés, qui sait? Avez-vous déjà senti leur odeur, de votre côté? Je serais curieuse d’en connaître la réponse!

Vous voulez en savoir plus sur cette jolie punaise croquée sur le vif par notre gagnant M. Marc Bergeron? Jetez un coup d’œil aux sources citées dans la section « Pour en savoir plus ».

Bravo encore à Marc Bergeron et merci à tous pour votre participation et votre intérêt!

Pour en savoir plus

Un scarabée qui aime les roses

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Mon tout premier scarabée du rosier!

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Il a une « bette » sympathique, non?

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Scarabée du rosier dans son milieu typique : entouré de fleurs!

Depuis que je fais partie de l’Association des entomologistes amateurs du Québec (AEAQ), j’ai l’occasion de faire quelques sorties entomologiques annuellement, entourée d’amateurs et d’érudits qui me permettent d’en apprendre plus sur de nouvelles espèces. C’est ainsi que je fis la découverte d’un sympathique scarabée à l’été 2015 : le scarabée du rosier (Macrodactylus subspinosus).

Plus précisément, c’est dans le cadre du congrès de 2015 que je rencontrai pour la première fois un individu de cette espèce. Le congrès se déroulait à Waterville, en Estrie, sur le territoire du Camp Val-Estrie. Nous étions entourés de boisés et de champs, lesquels étaient parsemés d’une vaste variété de plantes herbacées. Un terrain de jeu paradisiaque pour tout entomologiste amateur, car qui dit plantes herbacées dit nombreux invertébrés! En effet, nos fameuses « mauvaises herbes » attirent une myriade de petites bêtes à six pattes et plus!

C’est d’ailleurs sur un plant d’asclépiades – une « mauvaise herbe » par excellence – que j’aperçus mon premier spécimen… qui n’échappa point à mon appareil photo! Pendant ce séjour, qui fut également suivi d’une escapade de quelques jours supplémentaires aux abords du lac Magog, je pris tout un tas de ces scarabées en photographie. Je n’en avais pas encore observé, moi qui sillonne surtout les environs de la ville de Québec.

Ainsi, c’est sans grande surprise que j’en vis à nouveau en grand nombre lors d’un second congrès de l’AEAQ, lui aussi situé plus au sud, dans la région de Contrecœur. Les bêtes en questions étaient manifestement en période de reproduction : on les voyait regroupées en amas de dizaines d’individus, les mâles se chamaillant pour dégoter une femelle. Je vous invite d’ailleurs à visionner la vidéo en fin de chronique à cet effet!

En effectuant mes recherches pour la présente chronique, j’appris que ce scarabée se rencontre effectivement plus au sud du Québec. Hardy (2014) mentionne que l’espèce est commune à partir de Trois-Rivières en descendant. Cela expliquerait pourquoi je ne me souvenais pas d’avoir vu cet insecte, pourtant commun, dans la région de Québec où j’habite.

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Couple de scarabées du rosier s’adonnant à la chose

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Rude compétition… ou ménage à trois?

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Moins de 18 ans, fermez les yeux! Ici, c’est une orgie de scarabées!

Au Québec, le scarabée du rosier est relativement facile à identifier. De couleur beige-jaunâtre, il se caractérise par un corps plutôt allongé et des pattes très longues. Ses fémurs et ses tibias sont rougeâtres, alors que ses tarses sont plutôt noirs. Ses antennes se terminent par trois articles bien visibles, qui peuvent cependant être repliés (il faut donc bien observer!). Il s’agit d’un coléoptère d’assez bonne taille – dans les environs d’un centimètre. Il se perçoit facilement à l’œil nu. Sur la côte est américaine, plus au sud, une autre espèce de Macrodactylus (M. augustatus) ressemble beaucoup à M. subsinosus. Il faut par conséquent être plus prudent lors de l’identification des spécimens si ceux-ci sont recueillis aux États-Unis et effectuer des vérifications plus poussées.

Comme son nom commun en témoigne, on peut retrouver le scarabée du rosier… sur les rosiers! Il ne dédaigne pas, non plus, les vignes et diverses espèces de fleurs sauvages, d’arbustes et d’arbres. Il peut se nourrir des feuilles, des fleurs, des bourgeons et des fruits de ces différents végétaux. Par conséquent, il arrive qu’il soit considéré comme une peste, étant donné sa capacité à faire des dommages sur les plants bien-aimés. J’ai d’ailleurs découvert un petit paragraphe sur ce scarabée dans Les 1500 trucs du jardinier paresseux (Hodgson 2006), où l’auteur donne quelques conseils à suivre si vos rosiers sont attaqués par ce scarabée… qu’il qualifie de « même pas beau »! Pourtant, je le trouve très mignon, moi! C’est dire que tous les goûts sont dans la nature!

La larve évolue sous terre, où elle se nourrit des racines d’herbacées et de plantes variables. Lors de la ponte, la femelle se fraie un chemin dans le sol. Selon les sources consultées, elle enfouit ses œufs, chacun dans une cloison individuelle, à quinze centimètres de profondeur. Les petites larves s’en extirpent une à trois semaines plus tard.

C’est sous cette forme larvaire, bien enfouie sous terre, que l’espèce survit aux rigueurs de l’hiver. Une fois le printemps venu, la larve migre vers la surface du sol pour se transformer en pupe, puis émerger en tant qu’adulte au courant des mois chauds de l’été. L’adulte peut vivre jusqu’à six semaines, ce qui nous laisse suffisamment de temps pour apprécier la beauté – peu importe ce que certains en disent! – de ce sympathique et commun coléoptère!

 

Vidéo 1. Quelques individus observés en période de reproduction.

 

Pour en savoir plus

Petite, cette punaise de l’asclépiade!

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Quelle surprise! Une petite punaise de l’asclépiade… sur une feuille d’asclépiade!

Vous êtes plusieurs lecteurs à m’avoir répondu au sujet de la dernière devinette : eh oui, il s’agissait bien de la petite punaise de l’asclépiade (Lygaeus kalmii), un insecte que nombreux d’entre vous ont observé cet été.

En effet, cette sympathique punaise orange et noire n’est pas demeurée inaperçue cette année! Vous êtes notamment deux lecteurs à m’avoir transmis des photographies de cet insecte dans le cadre du concours annuel de photographie d’insectes DocBébitte (cette chronique). Par ailleurs, mes parents en ont trouvé trois noyées dans leur piscine, que j’ai pu récupérer pour ma collection. J’en ai observé moi-même à deux reprises… à mon grand bonheur, puisque je n’avais pas encore de photographies de cette espèce dans ma banque personnelle. C’est dire que je n’en avais pas observé les années dernières. En outre, il semble que cet été en était un où la petite punaise de l’asclépiade abondait.

Cet hémiptère appartient à la famille Lygaeidae, qui comprend également une espèce nommée la grande punaise de l’asclépiade (Oncopeltus fasciatus). Cette dernière, comme son nom le suggère, est de taille un peu plus grande (13-18 mm) que la petite punaise de l’asclépiade (10-12 mm). Bien que colorées de noir et d’orange, les deux espèces se distinguent aisément : les ailes antérieures de la petite punaise de l’asclépiade sont marquées d’un X orange bien visible. Ce n’est pas le cas de la grande punaise de l’asclépiade (voir cette photographie tirée de Bug Guide). Par ailleurs, la petite punaise de l’asclépiade peut s’observer plus au nord que sa consœur, cette dernière n’étant pas en mesure de survivre aux rigueurs de l’hiver. Cela explique peut-être pourquoi aucun individu d’O. fasciatus n’avait été répertorié au Québec par Bug Guide au moment de la rédaction du présent billet, bien que Dubuc (2007) indique bel et bien sa présence dans son guide « Les insectes du Québec ».

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La petite punaise de l’asclépiade se retrouve sur d’autres herbacées

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Photo soumise lors du concours de photo 2016

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Autre photo soumise lors du concours de photo 2016

Les deux espèces de punaises marient l’orange (voire le rouge) et le noir, tout comme d’autres espèces se nourrissant de l’asclépiade : le monarque, la chrysomèle de l’asclépiade et le longicorne de l’asclépiade. Cela n’est pas un hasard! En effet, l’asclépiade confère aux espèces qui s’en nourrissent un goût désagréable. Par conséquent, les insectes adoptent un « code de couleurs » qui permet d’indiquer à tout prédateur en un coup d’œil que ce n’est pas une bonne idée de les croquer! Il s’agit d’une stratégie évolutive faisant en sorte que nos jolies punaises diminuent considérablement les risques de figurer au menu. Néanmoins, Marshall (2009) indique que certains individus ne se nourrissent pas d’asclépiade – ils préfèrent d’autres herbacées – et que ce ne sont ainsi pas toutes les petites punaises qui ont mauvais goût. Les prédateurs, eux, ne le savent cependant pas!

D’ailleurs, on peut lire que les adultes aiment bien déguster le nectar des fleurs appartenant à différentes variétés de plantes herbacées. Il semblerait même qu’ils apprécient, par moment, siroter les fluides d’autres insectes morts ou vifs. Ils peuvent donc être charognards ou même prédateurs à leurs heures!

En préparant la présente chronique, je suis tombée sur des photographies de nymphes de la petite punaise de l’asclépiade sur Bug Guide. À ce qu’il semble, ces dernières seraient assez facilement reconnaissables (quoiqu’il faille faire attention à la nymphe de la grande punaise de l’asclépiade qui présente plusieurs traits similaires). C’est en voyant cette photo en particulier que je réalisai que j’en avais déjà vu de similaires à la plage Jacques-Cartier, à Québec. Étant donné que j’ai beaucoup de retard dans l’identification et le classement de mes photos, je passai plus d’une heure à tenter de retrouver les photographies en question… pour réaliser qu’il était incertain qu’il s’agisse de L. kalmii. En effet, Bug Guide précise que le pronotum (face dorsale du premier segment situé immédiatement après la tête) est majoritairement rouge et ponctué de deux marques noires diagonales. Mon spécimen n’en possède pas, suggérant que ce ne serait pas L. kalmii. Toutefois, je n’étais pas en mesure lors de l’écriture du présent article de confirmer hors de tout doute quelle espèce, au juste, j’avais photographiée. Si vous en avez une idée, prière de me le signaler!

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Nymphe d’hémiptère qui porte le rouge et le noir, mais il ne s’agirait pas de L. kalmii si je me fie aux critères de Bug Guide

Pour terminer, certains se demanderont si cette jolie punaise colorée est un insecte bénéfique ou néfaste. Une des sources consultées la décrit comme un « phytophage des mauvaises herbes ». C’est donc dire que cette punaise peut s’avérer une alliée… à condition que vous ne cherchiez pas à cultiver des plantes herbacées habituellement identifiées comme étant des mauvaises herbes!

 

Pour en savoir plus