À force d’observer les insectes et autres invertébrés, on devient souvent le témoin de scènes surprenantes.
C’est ainsi que, lors d’une marche récente, je pus observer plusieurs interactions entre une araignée sauteuse et une punaise assassine. L’araignée déambulait paisiblement sur une main courante en bois, d’un côté, alors que, de l’autre, la punaise semblait être en mode embuscade.
Les deux individus, des prédateurs voraces, se sont fait face pour quelques instants. Je retins même mon souffle à quelques reprises, me demandant lequel des deux gagnerait si le combat était engagé.
Je ne vous en dis pas plus et je vous laisse être transportés dans l’arène où le combat araignée contre punaise s’amorce dans ma plus récente capsule vidéo « DocBébitte en bref »!
Punaise assassine qui était cachée sous la litière de feuilles
Des feuilles enroulées inspectées l’automne dernier cachaient plusieurs invertébrés
Chaque printemps, je me fais un grand plaisir à « nettoyer » mes plates-bandes. Naturellement, vous aurez deviné que j’effectue cette « corvée » munie d’un appareil photo à mes côtés. Je finis habituellement par passer autant de temps à manipuler et photographier des invertébrés qu’à ramasser des feuilles. J’ai la chance – ou la malchance selon l’angle avec lequel on regarde la situation – d’avoir une forêt dans ma cour, faisant en sorte que mes plates-bandes sont recouvertes d’une épaisse couche de feuilles. Cette importante litière cache de nombreuses bêtes que je découvre une à une le printemps venu. Chaque nouvelle saison offre son lot de surprises : les espèces qui étaient dominantes l’année d’avant ne sont pas nécessairement les mêmes l’année suivante.
Cette année, je notai jusqu’à maintenant une dominance d’invertébrés dits bénéfiques – du moins du point de vue du jardinier. En effet, mes premières observations de l’année portaient toutes sur des invertébrés prédateurs : coccinelles à sept points, araignées-crabes et punaises assassines. Il ne m’en fallut pas plus pour décider de vous pondre une petite chronique faisant le portrait de ces individus… et de quelques autres insectes qui s’avèrent être de précieux alliés!
Première observation : la punaise assassine! J’avais fait la rencontre de ce sympathique insecte pour la toute première fois au printemps 2013 et j’en avais alors fait l’objet d’une chronique (celle-ci). Encore une fois cette année, ce sont des nymphes de l’espèce Zelus luridus que je découvris blotties sous les feuilles. J’avais également observé plusieurs nymphes l’automne dernier qui présentaient toutes le même comportement : elles se cachaient à l’intérieur de feuilles dont le bout avait été enroulé par un précédent insecte (possiblement une sorte de chenille). En inspectant les feuilles « enroulées » des arbres d’un secteur près de chez moi, je réalisai que bon nombre d’entre elles étaient peuplées par des nymphes de punaises assassines. J’ai pu prendre quelques photographies du phénomène, dont une en appui diffusée dans la présente chronique. Les punaises assassines sont considérées des alliées parce qu’elles sont des prédateurs : elles se nourrissent notamment d’insectes indésirables susceptibles d’endommager les plantes ornementales et les arbustes tels les chenilles, les asticots et les punaises phytophages.
Coccinelle à sept points, qui venait elle aussi d’être délogée de sa cachette hivernale
Le carabe bronzé s’attaque notamment aux limaces
Deuxième cas : les coccinelles! En « jouant » dans mes plates-bandes, je dérangeai plusieurs coccinelles à sept points (Coccinella septempunctata) qui s’y étaient installées pour passer l’hiver. Tant les larves que les adultes de ce sympathique arthropode sont en mesure d’engloutir bon nombre de pucerons et autres insectes qui s’attaquent habituellement à nos plantes préférées. Je vous avais d’ailleurs parlé récemment de la coccinelle à sept points, dont l’adulte est en mesure de manger plusieurs dizaines de pucerons par jour. La larve n’en est pas moins efficace, ingérant quelque 200 à 600 pucerons tout au long de son développement qui prend une vingtaine de jours. Bref, en plus d’être jolis à regarder, ces petits bouts de coléoptères nous sont d’une grande aide pour préserver un jardin en santé!
Il n’y a pas que les coccinelles chez les coléoptères qui sont de redoutables prédateurs : les carabes bronzés (Carabus nemoralis) sillonnent aussi nos plates-bandes à l’affut d’une délicieuse collation invertébrée. Ces jolis et gros coléoptères sont notamment friands d’organismes à corps mou comme les limaces, les escargots et les chenilles, des bêtes qui transforment typiquement nos plantes en gruyère suisse tellement elles y font de trous! J’avais observé une quantité impressionnante de carabes bronzés chez ma belle-sœur dont les plates-bandes étaient également envahies par un nombre effarant d’escargots. J’ai présumé qu’il y avait un lien entre l’abondance des proies et des prédateurs respectivement. Avez-vous déjà fait une telle observation?
Lorsque j’enlève l’épaisse couche de feuilles recouvrant mes plates-bandes, j’ai aussi le plaisir de découvrir bon nombre de jolies araignées-crabes (Thomisidae). Elles sont à peine visibles, car elles se fondent bien au décor avec leurs couleurs beige et brun. Je retrouve en particulier plusieurs individus que j’avais identifiés dans le passé comme étant de l’espèce Xysticus elegans (voir cette chronique), une araignée dont le mâle arbore de jolis motifs sur son abdomen. Les araignées-crabe chassent à vue, sans l’aide d’une toile. Elles attendent patiemment, au sol ou sur la végétation, le passage d’une proie à laquelle elles s’agrippent le temps venu! Comme elles sont des prédateurs hors pair, elles contribuent à la régulation des populations d’espèces d’insectes qui pourraient autrement s’avérer néfastes. C’est d’ailleurs le cas de nombreux autres arachnides qui foulent nos plates-bandes ou qui y tissent leur toile : opilions, araignées-loup (Lycosidae), Agelenidae et j’en passe!
Araignée-crabe qui se cachait sous les feuilles ce printemps
Pélécinide adulte qui nous aide dans la lutte aux « vers blancs »!
Les pélécinides (Pelecinus polyturator) constituent un dernier groupe – mais non le moindre – dont je voulais vous parler. Contrairement aux espèces citées plus haut qui sont davantage printanières, je retrouve les pélécinides adultes dans mes plates-bandes un peu plus tard en été. Ce qu’il faut dire, c’est que ce sont les larves qui jouent un rôle plus actif dans le contrôle d’une espèce indésirable en particulier : le fameux ver blanc (larve du hanneton). La femelle pélécinide est munie d’un très long ovipositeur dont elle se sert pour atteindre les larves de hanneton enfouies sous terre. C’est ce long appendice qui fait généralement peur aux observateurs, car l’on tend à penser qu’il sert à piquer! Une fois qu’elle a déniché des larves de hanneton, la femelle y pond ses œufs. Les larves du pélécinide font le reste du travail, dévorant les pauvres hannetons en devenir. Étant donné que les larves de hanneton sont reconnues pour les dommages qu’elles effectuent aux pelouses et à certains plants, le travail des pélécinides s’avère fort bénéfique.
Il existe bon nombre d’autres invertébrés qui sont nos alliés. Avant de chercher à vous débarrasser d’un insecte ou d’une araignée que vous trouvez dégoûtants, il pourrait valoir la peine de vous poser la question suivante : « cet invertébré est-il en train de m’aider »? Vous pourriez être surpris par la réponse! Si vous voulez en savoir plus sur les arthropodes bénéfiques, vous pouvez notamment consulter les sources citées dans la section « Pour en savoir plus ». Bon jardinage!
Vidéo 1. Punaise assassine trouvée ce printemps dans mes plates-bandes.
Vidéo 2. Carabe bronzé rescapé de ma piscine. On voit bien ses larges mandibules.
Pour en savoir plus
Brisson, J.D. et al. 1992. Les insectes prédateurs : des alliés dans nos jardins. Fleurs Plantes et Jardins : Collection no. 1. 44 p.
Dubuc, Y. 2007. Les insectes du Québec. 456 p.
Marshall, S.A. 2009. Insects. Their natural history and diversity. 732 p.
Smeesters, E. et al. 2005. Solutions écologiques en horticulture. 198 p.