Fesses en l’air : coléoptères du désert!

Avez-vous visionné la vidéo de mon périple dans la Vallée de la mort?

Vous avez sans doute remarqué l’omniprésence de gros coléoptères noirs : des ténébrions du genre Eleodes.

Aviez-vous vu ce gros coléoptère dans ma vidéo?

Ces derniers se retrouvent dans l’ouest de l’Amérique du Nord, leur aire s’étendant du sud du Canada jusqu’au Mexique. Il s’agit du genre le plus vaste de la famille des ténébrions (Tenebrionidae) du Nouveau-Monde, comprenant environ 210 espèces décrites.

Ils sont de bonne taille et font de 10 à 50 mm (variable selon l’espèce). Ceux que j’ai observés faisaient environ 30 mm. Les milieux arides où on les retrouve ne sont pas étrangers au fait qu’ils sont particulièrement gros. Pourquoi donc? C’est que leur plus grosse taille a pour effet de diminuer la perte d’eau : moins de surface exposée pour le volume corporel associé.

Pour donner une idée de la taille. Ici, fesses en l’air, à côté de ma botte de randonnée.

Une autre adaptation contre la déshydratation: leurs élytres sont soudés. Cela les prive de vol, mais ne les empêche pas de déambuler bien en vue, sur le sable et les roches.

Ce comportement, qui semble téméraire à première vue, s’explique bien : ils sont capables d’émettre un jet nauséabond qui décourage tout prédateur de les croquer. Pour indiquer qu’ils possèdent cette arme dissuasive, ils adoptent une posture bien particulière, fesses en l’air, à l’instar d’une moufette, signifiant : « jet fétide en vue – à vos risques et périls »!

La fameuse posture défensive!

On voit très bien cette posture, à quelques reprises, dans ma vidéo de voyage. Par chance, les ténébrions ne me trouvaient pas suffisamment menaçante pour me catapulter leur précieux jet. L’avertissement visuel a suffi!

Fait intéressant, j’ai lu qu’une sorte de souris carnivore, appelée souris à sauterelles (grasshopper mouse), aurait appris à contourner la défense chimique des ténébrions. Lorsqu’elle en capture un, elle le plante fesses premières dans le sable et le dévore par la tête. Nos ténébrions seraient-ils un peu trop sûrs de leur arme chimique? Au moins un prédateur semble avoir trouvé la faille!

Ténébrions se nourrissant de détritus variés, la nuit venue.

Dans ma vidéo, on voit aussi plusieurs individus se nourrir, le soir venu. Mes lectures m’apprennent que ce sont des détritivores : cela concorde avec mes observations. Lesdits ténébrions semblaient en effet se nourrir au milieu d’un tas de graines et de feuilles tombées au sol. En plus de matière végétale, leur alimentation peut comprendre des restes d’animaux en décomposition.

Les larves, quant à elles, se nourrissent de racines et de graines. Celles de certaines espèces sont par conséquent considérées comme des pestes, car elles s’attaquent parfois à des cultures.

Notre première observation des ténébrions fut fortuite : les pieds de mon conjoint percèrent le sol des dunes sablonneuses de Mesquite Flat Sand Dunes, révélant une tanière dans laquelle plusieurs individus se terraient. Ce comportement est connu : pour échapper aux chaleurs trop élevées, ils empruntent, chaque jour, les terriers de rongeurs, où ils peuvent s’amasser par dizaines. Une fois la nuit venue, ils sortent se nourrir. Ils profitent des températures « plus fraîches » pour s’activer – un confortable 29 à 30 degrés durant notre passage! Lors des journées moins chaudes, on peut cependant les voir déambuler à la recherche de nourriture en plein jour.

Les ténébrions cachés sous terre et dévoilés par… le pied de mon conjoint!

Vous avez été fascinés par ces gros coléoptères? Malheureusement, les ténébrions du genre Eleodes ne se rencontrent que dans l’ouest de l’Amérique du Nord. Il vous faudra, tout comme moi, faire une virée dans le désert pour les admirer!

Pour en savoir plus

Voyage à Death Valley : une vallée bien vivante!

À l’automne 2024, j’ai fait un voyage mémorable dans l’Ouest américain, en compagnie de mon conjoint et de son frère.

Nous avons exploré plusieurs parcs nationaux, dont la célèbre Vallée de la mort – Death Valley National Park. L’un de mes coups de cœur de tous les temps. Et avec raison : c’était la troisième fois que j’y mettais les pieds!

Dans cette toute nouvelle capsule vidéo, je vous partage nos aventures dans ce lieu fascinant. Attendez-vous à des paysages saisissants, des animaux surprenants… et quelques moments cocasses!

Je termine la vidéo par une composition inédite: une chanson dont j’ai écrit les paroles et chanté la mélodie, avant de confier la suite à un outil d’intelligence artificielle pour l’amener encore plus loin.

Prêts pour l’aventure? Bienvenue dans la Vallée de la mort: une vallée pleine de vie!

Remerciements

  • Alexandre Roy et Jean-Isaac Blais-Roy pour la belle compagnie et m’avoir aidée à repousser mes frontières!
  • Nicolas Beaumont-Frenette pour m’avoir fait découvrir ce lieu exceptionnel en 2006… puis à nouveau en 2014!

Gagnant du concours 2024 : le silphe d’Amérique par Antoine Lantin

Roulement de tambour!

C’est l’heure de dévoiler la photographie gagnante du concours amical 2024!

Cette année, j’ai reçu beaucoup de votes et chaque photo a été grandement appréciée. Je vous remercie d’ailleurs d’avoir pris le temps de voter en aussi grand nombre.

Dans la foulée, j’ai aussi eu le plaisir de lire ce commentaire: « Merci pour ce beau concours. Moi qui n’aime pas les bibittes je me suis surprise à les trouver bien mignonnes! »

Objectif atteint!

L’une des raisons d’être du concours amical, c’est justement de mettre en valeur ces fabuleux invertébrés, souvent mal aimés.

Et qui a remporté la victoire? Il s’agit d’Antoine Lantin et de son superbe cliché présentant un silphe d’Amérique!

Félicitations à Antoine Lantin qui a remporté le concours amical 2024!

Chose promise, chose due, ladite photo est mise en vedette dans la présente chronique et je vous parlerai de cet insecte aux mœurs étonnantes dans quelques instants.

Mention honorable à Diane Ducharme pour sa belle argiope jaune et noire.

Or, avant de commencer, j’aimerais chaleureusement remercier tous les participants qui nous ont fait voir de beaux invertébrés que l’on peut retrouver au Québec.

En particulier, j’offre une mention honorable pour la photographie « Argiope jaune et noire avec son repas » de Diane Ducharme, qui s’est hissée sur la seconde marche du podium. Cette belle grosse araignée en a fasciné plus d’un!

Place maintenant au gagnant!

Le silphe d’Amérique d’Antoine Lantin

La photo gagnante de 2024 met en lumière un insecte connu de plusieurs, mais dont les mœurs peuvent surprendre, voire dégoûter. En effet, le silphe d’Amérique (Necrophila americana) est un nécrophage : il se nourrit de cadavres!

Gros coléoptère de la famille des Silphidae, sa taille atteint en moyenne 12 à 22 mm (variable selon les sources consultées). Il se reconnaît facilement par sa coloration noire et orange – une allure qui sied bien en cette période d’Halloween!

J’avais pondu en 2023 une chronique sur son cousin, le silphe marginé (Oiceoptoma noveboracense). Les adultes des deux espèces se distinguent à l’œil nu par l’examen de leur pronotum (partie située immédiatement sous la tête, en vue dorsale). Celui du silphe d’Amérique est caractérisé par une petite tache noire encerclée d’une épaisse bande orange (certaines sources qualifient la couleur de jaune-orangé). Le pronotum du silphe marginé, quant à lui, comporte une tache noire plus étendue, cernée d’un plus mince contour orangé, qui paraît par ailleurs plus rougeâtre.

Le silphe d’Amérique, à gauche, et le silphe marginé, à droite.

À première vue, les larves du silphe d’Amérique peuvent être confondues avec des cloportes si on les observe rapidement (voir ces photos sur iNaturalist). Celles du silphe marginé s’en distinguent, car elles comportent des marges pâles autour du corps.

Les adultes pondent leurs œufs sur ou près des carcasses visitées. Ces derniers se développent en quelques jours. Aussitôt sorties de l’œuf, les larves se nourrissent des restes en décomposition. Au moment de former leurs pupes, elles se laissent tomber au sol, près des carcasses, et y creusent un abri. Environ trois mois s’écoulent entre le début du stade larvaire et le stade adulte. Il n’y a qu’une génération par année et les adultes survivent à l’hiver.

Dans les sources que j’ai consultées, j’ai noté des contradictions dans le nombre d’œufs pondus. Sur BugGuide, au moment de la rédaction du présent billet (20 octobre 2024), il était mention d’un œuf pondu par carcasse visitée. En revanche, j’ai lu ailleurs (LSU – College of Agriculture) qu’une femelle pouvait pondre des masses de 5 à 10 œufs dans le sol autour d’une carcasse donnée, et ce, lors de chaque nouvelle copulation avec un mâle. Ayant observé moi-même de grandes quantités (des centaines!) de larves de silphes en train de dévorer des carcasses, je pencherais davantage pour cette seconde source. Si chaque femelle ne pondait qu’un seul œuf, la quantité totale de larves présentes à un site donné serait sans doute bien moindre! Si vous en savez plus sur ce sujet, je vous invite à m’en faire part dans la section « commentaires ».

Comme indiqué plus tôt, les adultes et les larves sont nécrophages. Ils se nourrissent de cadavres d’animaux – mammifères, poissons et autres, ils ne font point la fine bouche, tant que l’animal est suffisamment gros pour soutenir leur cycle de vie! Ils semblent plus fréquemment évoluer sur des carcasses un peu plus vieilles, que les asticots délaissent, et s’alimentent donc davantage de la chair et de la peau séchées, des os et des poils. De plus, les adultes intègrent à leur diète des champignons et des fruits en décomposition, ainsi que de la sève s’écoulant des blessures des arbres. Les adultes et les larves se délectent également d’insectes vivants, notamment les larves de mouches et des autres silphes qu’ils croisent sur les carcasses dévorées.

Silphe d’Amérique sur une carcasse de poisson.

On les rencontre au printemps et à l’été, particulièrement dans les milieux ouverts ou boisés, pourvu qu’ils soient plutôt humides. Leur aire de distribution s’étend du Manitoba à la Nouvelle-Écosse, au nord, et de l’est du Texas à la Floride, au sud. Bref, ils sont bien représentés sous nos latitudes et constituent des coléoptères souvent rencontrés au Québec – à condition que vous soyez prêts à examiner les carcasses d’organismes morts!

Lors de mes recherches, j’ai lu que ces gros coléoptères, actifs durant le jour, ressemblent à des bourdons lorsqu’ils sont en vol. Cela m’a fait sourire: lors d’activités en plein air cet été, j’ai aperçu à plusieurs reprises de gros arthropodes noir et orange, en vol, qui me faisaient penser à des bourdons, mais que je soupçonnais être des coléoptères. Je n’aurai pas eu le temps de les photographier, mais il est fort possible que j’aie assisté au vol de silphes, qui sait?

Un autre fait intéressant, c’est qu’il existe une relation de mutualisme entre le silphe d’Amérique et les acariens du genre Poecilochirus (voir ce genre sur iNaturalist). Ces petites « mites » dévoreuses de carcasses en décomposition sont incapables de voler. Elles utilisent donc le silphe d’Amérique en guise de taxi, grimpant sur ce dernier pour être transportées d’un animal mort à l’autre!

Si l’étude des silphes vous interpelle, Dubuc (2007) indique qu’il est facile de les collecter, en les attirant à l’aide d’un piège-fosse contenant des restes de viande. Une fois capturés, il recommande cependant de les manipuler à l’aide de petites pinces et de les tremper dans l’alcool pour tuer les bactéries. Si vous avez le cœur solide, vous pouvez également les récolter… en examinant les cadavres d’animaux le long des routes!

Même si les habitudes de ces insectes vous semblent répugnantes, sachez qu’il s’agit néanmoins d’organismes fort utiles! Les silphes d’Amérique contribuent à la décomposition et au recyclage, dans l’environnement, de la matière organique et des substances nutritives qu’elle contient. Ils jouent par conséquent un rôle important dans le bon fonctionnement des écosystèmes.

De manière générale, les nécrophages peuvent aussi être utilisés en entomologie judiciaire, comme je l’explique dans mon précédent billet sur les silphes marginés. Quelle belle façon de nous aider à résoudre des crimes!

Je félicite à nouveau Antoine Lantin de nous avoir fait découvrir le très utile silphe d’Amérique! Malgré son mode de vie particulier, il s’agit d’un très bel insecte franchement bien capturé sur photo par M. Lantin.

Enfin, je remercie les participants au concours, de même que toutes les personnes qui ont pris le temps de voter. Ce concours amical nous a fait voyager à travers le Québec et nous a fait découvrir la fabuleuse diversité de sa faune invertébrée!

On se dit à l’année prochaine!

Pour en savoir plus

À la découverte d’invertébrés aquatiques, un jour de pluie

Que fait-on sur le bord d’un lac, un jour de pluie?

On part à la recherche d’insectes et d’autres invertébrés aquatiques, bien sûr!

Suivez-moi dans cette capsule vidéo, où mes découvertes sont accompagnées de quelques explications sur les comportements observés.

Pour en savoir plus

  • Merritt, R.W. et K.W. Cummins. 1996. Aquatic insects of North America. 862 p.
  • Moisan, J. 2010. Guide d’identification des principaux macroinvertébrés benthiques d’eau douce du Québec, 2010 – Surveillance volontaire des cours d’eau peu profonds. 82 p. Disponible en ligne: https://environnement.gouv.qc.ca/eau/eco_aqua/macroinvertebre/guide.pdf
  • Thorp, J.H., et A.P. Covich. 2001. Ecology and Classification of North American Freshwater Invertebrates. 1056 p.
  • Voshell, J.R. 2002. A guide to common freshwater invertebrates of North America. 442 p.

Manipuler des insectes au Festival des Insectes 2024

Chaque année, je me pointe le bout du nez au Festival des Insectes, offert à l’Aquarium du Québec grâce à La Bibitte Mobile.

Cette année, l’Indonésie était à l’honneur, avec des insectes (et autres invertébrés) de toutes les couleurs! Bien sûr, il y avait, comme coutume le veut :

  • Dégustations d’insectes;
  • Conférence de Pierre-Olivier Ouellet sur son voyage en Indonésie;
  • Manipulations d’invertébrés;
  • Expositions variées : vente d’insectes vivants et naturalisés, peintures d’insectes et d’araignées… et j’en passe!

J’ai manipulé et observé de près bon nombre d’invertébrés. Curieux d’en voir quelques-uns de près? Visionnez ma vidéo ci-dessous de cette belle journée!