Génération spontanée de mouches dans mon terrarium, Partie 1 : la découverte !

Comment tout a commencé

J’élève des mille-pattes géants d’Amérique du Nord (Narceus americanus) depuis novembre 2023.

En janvier dernier, je me suis aperçue qu’il n’y avait pratiquement plus de mille-pattes qui se promenaient dans leur terrarium, alors que j’aurais dû en voir une quinzaine.

Souhaitant vérifier qu’ils se portaient bien, j’ai d’abord soulevé la litière de feuilles à leur recherche. Surprise ! Un premier individu était recroquevillé immédiatement à la surface, l’air moribond, mais toujours vivant. N’étant pas certaine s’il était en mue et ne voulant pas l’interrompre, je décidai de le laisser tranquille en me disant que j’y reviendrais.

Quatre ou cinq jours plus tard, l’individu était mort. Zut !

Premier mille-pattes trouvé mort.

Comme il était recouvert de collemboles, de tous petits arthropodes susceptibles de le décomposer, je le mis derechef dans l’alcool. Mon objectif : le préserver et l’examiner plus tard.

C’est aussi à ce moment que je me rendis compte que le substrat de mon terrarium était très sec. Cela me fit craindre une hécatombe de mille-pattes. Étaient-ils tous morts de sécheresse ?

Comme de fait, une fouille rapide me permit de dénicher un second individu mort. Son stade de décomposition était nettement plus avancé : il se réduisait en morceaux sous mes doigts. Je mis les morceaux dans un pilulier, que j’oubliai de ranger au congélateur.

Trois jours plus tard, coup de théâtre ! Une mouche s’agitait dans mon pilulier ! Abracadabra, apparue !

Pouf, apparue ! Mouche dans le pilulier où j’avais déposé les restes du second mille-pattes mort.

Au même moment, je découvrais la présence de quatre pupariums ovales (enveloppes rigides contenant des pupes) à l’intérieur du corps fragmenté du mille-pattes. Des formes que j’avais déjà observées chez une chenille parasitée (cette chronique).

Mouche et puparium.

Ciel ! Était-il parasité ?!?

Comble de malheur, le premier mille-pattes que j’avais préservé dans l’alcool était maintenant accompagné d’une belle grosse larve de mouche (qu’on appelle communément asticot). Elle avait dû s’en extirper lorsque j’ai plongé son hôte dans le liquide.

Constat : mes deux mille-pattes n’étaient pas simplement morts. Ils avaient été victimes de mouches potentiellement parasitoïdes.

Deux actions s’imposaient donc :

  1. Retirer au plus vite mes mille-pattes sains de mon terrarium;
  2. Me documenter sur lesdites mouches pour comprendre le risque auquel mes mille-pattes étaient exposés.
Larve de mouche qui s’est extirpée de mon premier mille-pattes mort.

1. Sauve qui peut !

La macabre découverte s’est faite un jeudi soir et je travaillais le lendemain. Ne pouvant pas nettoyer mon terrarium de fond en comble en pleine semaine, j’ai opté pour une solution rapide: retirer tous les adultes sains, au cas où d’autres parasitoïdes s’y cachaient encore.

Quelle bonne idée ! Le lendemain, je voyais une première mouche apparaître dans mon terrarium. Puis deux de plus le surlendemain. En parallèle, une autre mouche émergea des pupariums dans ma fiole, pour un total de cinq individus matures.

2. Mais qui sont ces mouches, au juste ?

Comme je me suis peu attardée au monde des diptères (mouches, moustiques et semblables) à ce jour, je ne possède pas d’ouvrages me permettant d’aller bien loin dans leur identification. Cet ordre est effectivement très vaste et comprend des individus assez difficiles à identifier comparativement à d’autres groupes taxonomiques. Néanmoins, la clé bien imagée et simple offerte dans Marshall (2009) me permit de me rendre à la sous-famille Sarcophaginae (famille Sarcophagidae – appelées aussi mouches à damier ou mouches à chair, selon les sources consultées).

En parallèle, j’interpellai des collègues entomologistes sur les réseaux sociaux qui, en plus de me guider vers la famille Sarcophagidae, me partagèrent un intrigant article scientifique (Brousseau et collab., 2020)… sur le parasitage de mille-pattes géants d’Amérique du Nord (N. americanus) par deux espèces de sarcophagidés. Le tout observé ici même au Québec !

Il devenait possible que mes mille-pattes soient bel et bien parasités…

Merci, Frédéric, Félix-Antoine et Étienne, pour les tuyaux !

Qu’en est-il à ce jour ?

Un des auteurs de l’article susmentionné a vu mes publications et m’a recommandé de tenter de joindre l’une des coautrices, spécialiste dans l’identification de diptères, dont les Sarcophagidae. Malheureusement, la dame semble être à la retraite et je ne suis pas parvenue à la rejoindre.

Avis à tous si vous connaissez quelqu’un prêt à identifier des spécimens de diptères à l’espèce : j’ai maintenant 7 adultes et une larve, tous conservés dans l’alcool ou au congélateur. Et j’ai diffusé des photos sur mon compte DocBébitte iNaturalist,si vous voulez en voir davantage (voir aussi ci-dessous).

Entre autres choses, j’aimerais avoir le cœur net quant à l’espèce exacte en cause. Cela me permettrait de me documenter sur son cycle de vie pour résoudre quelques mystères :

1. Comment ces mouches se sont-elles retrouvées dans un terrarium fermé, dans une maison du Québec en plein hiver ?

Hypothèse 1 : les larves étaient déjà présentes dans les mille-pattes capturés. Or, j’ai introduit les derniers mille-pattes dans mon terrarium le 2 septembre. Cela date!

Hypothèse 2 : une diapause pourrait-elle expliquer l’émergence différée par rapport au moment d’introduction ?

Hypothèse 3 : les œufs ou les larves ont été introduits par les feuilles mortes ou les légumes avec lesquels je nourris mes mille-pattes.

Que faisaient ces mouches dans mon terrarium?

2. Ces mouches sont-elles bien parasitoïdes et serait-il possible que d’autres de mes mille-pattes, sains et vigoureux lors de mon grand ménage de terrarium (je les ai inspectés un à un), s’avèrent également parasités ?

En particulier, l’article sur le parasitage de N. americanus indique un manque de connaissance sur la nature du parasitage. Il n’est pas clair si les mouches s’attaquent uniquement à des mille-pattes déjà blessés ou si elles peuvent cibler des individus sains. Or, dans mon cas, tous mes mille-pattes étaient en bon état lors de leur capture.

De surcroît, j’ai examiné attentivement chacun d’eux quand je les ai retirés de mon terrarium, il y a trois semaines : ils étaient indemnes et très vigoureux.

Mais…

Au moment d’écrire ce billet, je viens de trouver un autre individu mort, que je n’ai pas encore osé disséquer, mais qui pourrait bien être parasité lui aussi.

Mystère et boule de gomme ! Si vous avez des hypothèses, écrivez-moi !

La partie 2 de cette intrigante expérience vous sera présentée lorsque j’arriverai à en savoir plus.

Comme on le dit dans les séries télévisées : « to be continued » ! À suivre !

Supplément : identifier une mouche !

Dans un autre ordre d’idées, le processus d’identification d’une mouche à la famille m’a beaucoup amusée. Examiner les caractéristiques de mouches sous la loupe de mon appareil binoculaire m’a ouvert sur un monde fascinant, que je veux vous partager !

Sans être exhaustive, je vous présente donc, à l’aide de photos, quelques attributs physiques des mouches qui m’ont amenée à les identifier comme étant des Sarcophaginae.

1. Le visage.

Plusieurs familles de mouches, dont les Sarcophagidae, ont le visage concave. On y remarque une ligne de suture en forme de « u » inversé, qui est arquée au-dessus de la base des antennes.

La suture en forme de u inversé est montrée ici en jaune.
Autre vue de face, sur un spécimen que j’ai épinglé.

2. Les antennes et leurs soies.

Une petite soie, nommée arista, émerge du troisième segment antennaire. Sa présence et sa structure sont des critères à utiliser dans l’identification de diptères. Chez mes spécimens, sa base est plumeuse, alors que son extrémité est filiforme. Une toute fine plume, on dirait ! Jolie, non ?

L’arista de ce Sarcophagidae ressemble à une fine plume.
Autre vue où l’on voit une des soies (aristas).

3. Franges de poils

Sur le côté du thorax, sur la plaque située juste au-dessus de la patte médiane, on remarque une frange de poils. Sa présence fait partie des critères à examiner pour distinguer plusieurs familles de mouches.

Voyez-vous la frange de poils (encerclée de jaune)?

4. La coloration

Plusieurs insectes, appartenant à des groupes différents, ont des colorations similaires et il est par conséquent toujours recommandé d’utiliser une vaste palette de critères pour les identifier – pas seulement la couleur. Parfois, cependant, la coloration peut être utilisée, en combinaison avec d’autres critères, pour distinguer des taxons les uns des autres. Par exemple, certaines grosses mouches comme les Sarcophagidae se différencient de leurs consœurs Calliphoridae par la couleur. Ces dernières arborent fréquemment une robe vert ou bleu métallique (cette page iNaturalist), alors que celle de la Sarcophagidae est dans les teintes de gris et noir.

La robe des Sarcophagidae est dans les teintes de gris et noir.

En outre, même si je n’ai pas toutes les réponses à ma mystérieuse et macabre découverte, j’espère vous avoir fait voyager dans le monde fascinant des diptères !

Un monde que nous n’avons pas exploré beaucoup ensemble à ce jour, mais qui a encore bien des secrets à révéler !

Pour en savoir plus

Histoire d’une photo: Guêpe parasitoïde et sa proie!

Avez-vous déjà vu une guêpe parasitoïde attraper une proie?

Ces guêpes, à l’affût d’une source de nourriture pour leur progéniture, attrapent parfois des proies plus grosses qu’elles.

C’est ce que mon conjoint et moi avons pu constater – photos et vidéos à l’appui – en juillet 2023, lors du congrès de l’Association des entomologistes amateurs du Québec (AEAQ) tenu à la Station de biologie des Laurentides.

D’ailleurs, si vous êtes membres de l’AEAQ, vous avez sans doute vu passer la photographie de mon conjoint sur ce sujet, en première page de l’édition Automne 2023 du bulletin Nouv’Ailes – un périodique conçu par l’AEAQ.

La scène que mon conjoint et moi avons observée. La même photo s’est retrouvée dans le bulletin Nouv’Ailes de l’AEAQ.

Nous avons observé ladite guêpe saisir, déplacer et relâcher sa proie, une grosse chenille vert pomme, à plusieurs reprises.

Que faisait-elle au juste?

Tout d’abord, la guêpe en question s’avère être une ammophile de l’espèce Ammophila procera (identification par l’équipe de Nouv’Ailes). Appartenant à la famille des Sphecidae, elle constitue une espèce commune en Amérique du Nord, avec une présence un peu plus sentie dans l’est du continent.

Il s’agit d’une grosse espèce de guêpe dont la longueur varie entre 25 et 38 mm et pour laquelle les femelles surpassent les mâles en taille. Sa robe est principalement noire et orange, mais son thorax est aussi orné de traits argentés, qui constituent un critère pour l’identification de l’espèce.

Les adultes se nourrissent principalement de nectar; une des sources que j’ai consultées mentionne qu’ils peuvent également manger de petits insectes. Toutefois, dans le but de nourrir leur progéniture, les femelles capturent des chenilles ou des larves de symphytes, d’autres hyménoptères qui incluent par exemple les tenthrèdes. Les larves de symphytes sont d’ailleurs souvent confondues pour des chenilles par beaucoup de gens et j’en parle dans ce billet sur les « imposteurs de chenilles ».

Que font les ammophiles avec ces proies?

C’est qu’elles sont des « parasitoïdes ». Elles ont besoin de parasiter un organisme vivant pour accomplir leur cycle de vie.

Pour ce faire, la femelle creuse d’abord un terrier en sols meubles (fins ou sableux). Elle bouche ensuite temporairement l’entrée de ce dernier, puis mémorise sa localisation en voletant un peu partout autour. Elle remarque les roches, les plantes ou les autres repères présents.

Quelques jours plus tard, elle revient au bercail et capture une proie qu’elle immobilise grâce au venin provenant de son aiguillon. Elle entreprend ensuite le transport de cette dernière en effectuant un curieux rituel de va-et-vient, saisissant et relâchant sa proie, comme illustré dans ma capsule vidéo ci-dessus. Bien que je n’aie pas trouvé la raison derrière ce comportement, je soupçonne qu’il pourrait être en partie dû à la taille imposante de la proie qu’elle doit déplacer. La guêpe doit peut-être prendre de petites pauses ou encore réajuster sa prise en cours de route.

Qu’à cela ne tienne, elle finit par ramener la proie dans son terrier, y pond un unique œuf, en ressort et bouche entièrement l’entrée. L’œuf éclot après environ deux jours. La larve qui en sort se nourrit pendant environ cinq jours de la chenille, paralysée, mais encore vivante. Elle forme ensuite sa pupe, toujours bien protégée au sein de son nid, avant sa transformation finale en adulte ailé.

Chaque femelle peut creuser plus d’un terrier. Il arrive qu’une femelle vole le nid d’une autre, en délogeant l’œuf pondu par la première pour le remplacer par son propre œuf. La proie étant déjà attrapée et maîtrisée, cela demande moins d’énergie!

La guêpe relâche sa proie à plusieurs reprises. Prend-elle une pause?

Une question qu’on me pose souvent sur les guêpes est de savoir si l’individu en question pique. Cette espèce d’ammophile va normalement fuir en présence de danger. Toutefois, elle est capable d’infliger une douloureuse piqûre si elle se sent coincée. Doigts trop curieux s’abstenir!

Autre question qui revient fréquemment : à quoi sert cet insecte?

Sachez qu’en tant qu’organisme parasitoïde, cette guêpe peut aider à réduire la population de chenilles qui, autrement, pourraient dévorer les feuilles des arbres et arbustes environnants. Elle entre aussi dans les chaînes alimentaires en nourrissant, entre autres, oiseaux et insectes prédateurs.

De plus, les adultes constituent des pollinisateurs utiles. Enfin, en creusant des terriers dans les sols meubles, les femelles contribuent à leur aération et au recyclage des nutriments.

Qu’en est-il de la pauvre proie?

Tout au long du présent billet, vous demandiez-vous : quelle est cette belle chenille verte?

Grosse prise pour cette guêpe! Il s’agit de l’hétérocampe du chêne.

Il s’agit de l’hétérocampe du chêne (j’ai aussi vu la chenille variable du chêne), Lochmaeus manteo (identifié par l’équipe de Nouv’Ailes).

Ce lépidoptère, commun dans l’est de l’Amérique du Nord, fait partie de la famille Notodontidae. L’adulte est un papillon de nuit comme on les voit souvent, dans les teintes de brun et de beige. Sa longueur est de 20 à 27 mm, alors que son envergure d’ailes est de 37 à 50 mm, ce qui en fait un assez gros papillon. La chenille, quant à elle, peut atteindre 45 mm.

Comme son nom le suggère, la chenille se retrouve sur les chênes, mais elle ne fait pas la fine bouche et est également susceptible de se délecter d’autres feuillus.

Fait intéressant, les sources consultées indiquent que la chenille peut projeter de l’acide formique pouvant irriter la peau.

L’histoire ne nous dit pas si la malheureuse chenille capturée par la guêpe ammophile a tenté de se défendre de cette façon. Tout ce que nous savons, c’est qu’une jeune guêpe en devenir en fera sans aucun doute un délicieux festin!

Pour en savoir plus

  • Association des entomologistes amateurs du Québec. 2023. La petite histoire d’une photo. Nouv’Ailes, 33 (2) : 4.
  • Beadle, D. et S. Leckie. 2012. Peterson field guide to moths of Northeastern North America. 611 p.
  • Biokids. 2000-2003. Ammophila procera. http://www.biokids.umich.edu/critters/Ammophila_procera/ (page consultée le 24 novembre 2023).
  • Bug Guide. 2023. Species Ammophila procera. https://bugguide.net/node/view/11119 (page consultée le 25 novembre 2023).
  • Bug Guide. 2023. Species Lochmaeus manteo – Variable Oakleaf Caterpillar Moth – Hodges #7998. https://bugguide.net/node/view/418 (page consultée le 25 novembre 2023).
  • Encyclopedia of Life. Ammophila procera Dahlbom 1843. https://eol.org/pages/2738892 (page consultée le 24 novembre 2023).
  • Evans, A.V. 2008. Field guide to insects and spiders of North America. 497 p.
  • iNaturalist. 2023. Ammophila procera. https://inaturalist.ca/taxa/129147-Ammophila-procera (page consultée le 24 novembre 2023).
  • iNaturalist. 2023. Lochmaeus manteo. https://inaturalist.ca/taxa/153443-Lochmaeus-manteo  (page consultée le 24 novembre 2023).
  • Marshall, S.A. 2009. Insects. Their natural history and diversity. 732 p.
  • Normandin, E. 2020. Les insectes du Québec. 620 p.
  • Wagner, D.L. 2005. Caterpillars of Eastern North America. 512 p.

Des chenilles qui se déhanchent ?

Plus tôt cet été, une lectrice m’a écrit au sujet d’une observation singulière : des chenilles qui réagissent à l’unisson face à des cris et des sons soudains. Elle s’interrogeait sur la nature de cette réaction et son but.

Cette observation, soutenue par des vidéos disponibles sur YouTube, dont celle-ci mettant en vedette la livrée des forêts, a en effet de quoi à surprendre.

Mais pourquoi donc ces chenilles gigotaient-elles de la sorte ?

La livrée des forêts a fait l’objet de la vidéo YouTube mentionnée en début de chronique

J’ai feuilleté mes livres d’entomologie sans trouver de réponse claire…

Pourtant, j’ai découvert en fouillant sur Internet, en particulier dans des articles de périodiques scientifiques, qu’il s’agissait d’une réaction bien connue des chercheurs.

Effectivement, plusieurs articles scientifiques, dont quelques-uns cités dans la section « Pour en savoir plus » ci-dessous, rapportent des réactions de différentes espèces de chenilles – dont la très connue chenille du monarque – à diverses fréquences sonores. Les réactions sont déclenchées par une vaste gamme de sons incluant la voix humaine, la toux, les claquements de main, le trafic autoroutier et les avions.

Les réactions des chenilles à ces sons sont également variées. En plus des chenilles qui « dansent » et se tortillent, certaines peuvent entre autres figer, se laisser tomber au sol, contracter leur corps ou agiter des appendices d’apparence tentaculaires (exemple de l’espèce Furcula borealis).

Mais pourquoi donc afficher de telles réactions ?

Il semble que la réaction des chenilles aux sons subits ne soit rien de moins… qu’une stratégie de défense !

En effet, selon les sources consultées, les fréquences mises en cause concordent à celles produites par des prédateurs et des parasitoïdes aériens, plus particulièrement au son généré par le battement de leurs ailes.

La chenille du monarque peut, elle aussi, réagir aux sons soudains

Si l’on revient aux mouvements brusques mentionnés au début du présent billet, ils auraient donc pour effet de dérouter ou de secouer les invertébrés prédateurs ou parasitoïdes, qui ne seraient pas en mesure de compléter leur besogne. Par exemple, un insecte parasitoïde aura de la difficulté à pondre son œuf sur une proie qui se secoue. Et, fait intéressant, les études semblent démontrer que les fréquences auxquelles les chenilles sont les plus sensibles correspondent à celles émises par bon nombre de diptères et d’hyménoptères – des groupes qui comprennent plusieurs prédateurs et parasitoïdes de lépidoptères.

Vraisemblablement, la fréquence sonore générée par les cris d’un humain correspond à celle émise par ces prédateurs et parasitoïdes… et déclencherait donc le « déhanchement » noté chez les chenilles.

Mystère résolu !

Pour en savoir plus

De l’aide pour la lutte aux scarabées japonais?

À la mi-juillet, un des lecteurs DocBébitte – et collègue entomologiste – m’écrivait afin de me parler d’un parasitoïde de plus en plus répandu au Québec qui pourrait nous donner un souffle nouveau dans la lutte aux gourmands et abondants scarabées japonais. Ce lecteur me transmettait, dans le même message, un hyperlien vers un site qui décrivait davantage la situation (Les vivaces de l’Isle; voir section Pour en savoir plus).

Peu après la réception de ce commentaire, j’eus la chance d’observer moi-même deux scarabées parasités, dont un qui semblait mort. Je pus prendre des clichés et vidéos de ce dernier, qui semblait complètement figé sur place. À la suite de ces observations, j’effectuai quelques recherches supplémentaires et je souhaitais aujourd’hui vous partager mes trouvailles.

Scarabée japonais parasité
Scarabée japonais parasité

Tout d’abord, les traces du parasitoïde en question sont facilement visibles : elles consistent en un ou plusieurs œufs blancs pondus sur le thorax des scarabées, soit la partie verdâtre située tout juste derrière leur tête. Ces œufs sont celle d’une mouche – Istocheta aldrichi – qui origine elle aussi du Japon.

La larve qui émerge de l’œuf pénètre dans le scarabée et se nourrit de ses tissus internes. Le scarabée s’en retrouve rapidement paralysé. Ensuite, la larve bien nourrie forme une pupe et passe l’hiver sous cette forme, à l’abri, dans la carcasse vidée du scarabée. La carcasse immobile que je pus observer constituait sans doute de tels restes. Ce qui me surprit, cependant, c’est que le scarabée était bien fixé à la feuille et demeurait ainsi très visible. Un prédateur (oiseau?), aurait-il pu avaler le tout – scarabée et parasitoïde inclus? À ce que j’ai pu en lire, les scarabées infestés auraient plutôt tendance à s’enfouir. Avez-vous fait des observations qui diffèrent de ces dires, comme ce qui semble être mon cas?

Fait intéressant, les femelles sont davantage infestées que les mâles. Notre mouche profiterait en effet de la plus grande immobilité des femelles en période d’accouplement pour y pondre ses œufs. Et cela est d’autant plus intéressant – du point de vue de la lutte biologique –, car les femelles parasitées mourraient avant d’être en mesure de pondre leur précieuse cargaison (40 à 60) d’œufs. Cela étant dit, les mouches sont susceptibles de pondre jusqu’à une centaine d’œufs sur une période d’un mois. C’est que ça en fait beaucoup de scarabées potentiellement parasités!

Le coléoptère parasité était agglutiné à la feuille, immobile
Le coléoptère parasité était agglutiné à la feuille, immobile

L’œuf du parasitoïde vu de plus près
L’œuf du parasitoïde vu de plus près

Notre diptère allié a été introduit au New Jersey en 1922, pour des raisons de lutte biologique… justement contre le scarabée japonais qui y faisait ravage depuis 1912. Il est demeuré cependant très discret… trop sans doute pour ceux qui espéraient voir cette espèce décimer les populations de scarabées japonais. Les cas de parasitisme n’auraient été réellement recensés que plusieurs décennies plus tard, dans les années 1970. En effet, au New Jersey, le climat engendrait un décalage entre la mouche et le scarabée, rendant peu efficace son introduction. Néanmoins, la mouche est parvenue à s’établir plus au nord et – de toute évidence – à y proliférer. Au Canada, les premières observations de I. aldrichi sont très récentes et datent de 2013 ou 2014 (varie selon les sources), en Ontario.

Vous pouvez voir une très belle photo de cette mouche sur le site Le Jardinier paresseux (voir section Pour en savoir plus). Elle ne fait que 5 mm de longueur. Malgré sa petite taille, gardez l’œil ouvert : elle peut être observée dans nos plates-bandes, puisqu’elle se nourrit de nectar.

Plus précisément, deux des sites consultés énumèrent quelques plantes que notre mouche parasitoïde affectionne. Elles incluent de multiples plantes typiques de nos plates-bandes et jardins comme les asters, les marguerites, les rudbeckies, l’origan et la coriandre. Je vous suggère de jeter un coup d’œil à ces sites (Les vivaces de l’Isle, Le Jardinier paresseux), qui pourraient vous donner des idées si vous souhaitez prendre des mesures encourageant la présence de cette mouche parasitoïde.

Dans la même veine, les experts recommandent d’éviter de tuer les scarabées qui sont parasités. En outre, il semble que les insecticides soient plus nocifs pour les mouches (que l’on veut voir se multiplier) que pour nos coléoptères ravageurs.

En tant qu’écologiste, je dois enfin me garder une petite réserve. Cette mouche, bien qu’utile dans la lutte aux scarabées japonais, pourrait-elle s’avérer nocive pour des insectes indigènes que l’on cherche à protéger? Souvent, lorsque l’on introduit une espèce exotique, on se retrouve avec des effets imprévus sur les organismes qui étaient déjà présents dans l’environnement… Espérons que la venue de cette mouche dans nos jardins sera uniquement synonyme de saine lutte biologique! Je garderai certainement un œil ouvert pour la suite des événements!

Pour votre information : Espace pour la vie a émis une publication sur sa page Facebook au mois de juin et invite les personnes qui observent des œufs sur le thorax des scarabées japonais à signaler leurs observations par le biais de son site Internet : https://monespace.espacepourlavie.ca/en/identify-insect

 

Vidéo 1. Scarabée japonais immobile (et sans doute mort) que j’ai filmé à la fin du mois de juillet 2018, en Montérégie.

 

Pour en savoir plus