Connaissez-vous les mégaloptères?
Ma toute première chronique DocBébitte parue en 2013 portait sur les larves de cet ordre d’insectes… lesquelles sont aquatiques! Connaissant mon amour des organismes aquatiques, vous n’êtes sans doute pas surpris de cette affirmation!
Depuis, je vous ai entretenu à quelques reprises au sujet de divers membres de cet ordre, incluant :
Par contre, je n’avais pas encore écrit sur l’espèce de mégaloptère que je rencontre le plus – je dirais même presque exclusivement – quand je patauge dans une rivière à courant : la corydale noire (Nigronia serricornis).
Vidéo 1. Capsule sur la larve de la corydale noire.
Initialement, j’allais vous parler du genre Nigronia, mais mes recherches m’ont permis de découvrir qu’il n’y a qu’une seule espèce appartenant à ce genre au Québec. Cela est facilitant pour l’identification des larves, le stade auquel je m’intéresse tout particulièrement!
Une des raisons pour lesquelles j’avais envie d’écrire sur cette espèce de mégaloptère, c’est que je vois fréquemment des erreurs d’identification des larves sur les réseaux sociaux. Comme la corydale cornue est beaucoup plus connue, il est fréquent de voir des larves de la corydale noire être identifiées comme étant celles de la corydale cornue… ou même celles du genre Chauliodes (dont nous avons deux espèces au Québec).
Alors, démêlons tout cela !
Identification des larves de Corydalidae au Québec
Vous capturez ou photographiez une larve de la famille Corydalidae au Québec et voulez connaître le genre auquel elle appartient?
Voici quelques trucs pour vous!
Mais avant de commencer :
- Assurez-vous que l’arthropode est bien une larve de mégaloptère. Pour vous aider, lisez Reconnaître les macroinvertébrés aquatiques d’eau douce – Partie 2.
- Faites attention : nous avons aussi des mégaloptères de la famille Sialidae au Québec dont je ne traite pas ici (jetez un coup d’œil à ce billet pour ce qui est des Sialidae).
Astuce #1. Vérifiez si le spécimen possède des branchies en touffes à la base des branchies ressemblant à de longs filaments et situées tout au long de l’abdomen. Voir cette photo ou encore celle-ci de Bug Guide. Si l’organisme est hors de l’eau, il serait préférable que vous ayez une photo de sa face ventrale, car les branchies en touffes ne seront pas déployées et facilement visibles.
Le spécimen a des branchies en touffes?
Si oui, c’est le genre Corydalus!
Si la réponse est non, passez à l’étape suivante!
Astuce #2. Après avoir franchi l’étape ci-dessus, examinez la longueur des deux siphons respiratoires situés près du bout de l’abdomen, en face dorsale. Vérifiez si les siphons sont plutôt longs et dépassent les fausses pattes présentes tout au bout de l’abdomen. Notez que les deux siphons peuvent être de longueur différente. Voir cette photo de Bug Guide où l’on voit très bien les deux siphons.
Les siphons sont-ils longs et dépassent-ils les fausses pattes?
Si oui, c’est le genre Chauliodes.
Si non, c’est le genre Nigronia. Et comme il n’y a qu’une espèce au Québec, il s’agit de la corydale noire (N. serricornis).
Bravo, vous y êtes parvenus !
Caractéristiques de la corydale noire
Comme mentionné d’emblée, les larves de la corydale noire sont celles que je rencontre le plus souvent. Marshall (2009) indique que cette espèce est très commune en eaux courantes (milieux lotiques) et fréquemment observée le long de cours d’eau où les truites prolifèrent. Les truites sont sensibles à la pollution et ne subsistent pas longtemps dans les cours d’eau plus détériorés. Il est vrai que les membres de la famille Corydalidae ont une cote de tolérance à la pollution très faible (cote de 0 pour la famille; Hauer et Lamberti (2007), MDDEFP (2013)) et qu’on pourrait par conséquent les retrouver uniquement dans les milieux lotiques peu affectés par l’activité humaine – les cours d’eau « à truite » dont parle Marshall…
Or, mes observations m’ont amenée à être plus nuancée, puisque j’ai observé plus d’une fois des larves de corydales noires et de corydales cornues dans des rivières affectées par des activités agricoles et urbaines. D’ailleurs, un endroit où je déniche des larves de corydale noire à chacune de mes visites est la rivière du Cap-Rouge… comme le témoigne cette vidéo où j’ai eu l’honneur de faire une sortie « terrain » avec Folles Bestioles. La rivière du Cap-Rouge est une rivière dont le tracé traverse des zones urbaines et agricoles; sa qualité est affectée par ces activités.
La larve de la corydale noire, comme les autres mégaloptères, est un vorace prédateur. À son menu figurent de nombreux insectes aquatiques (larves de chironomes, de trichoptères et de mouches noires, naïades d’éphémères et de plécoptères, etc.), ainsi que des crustacées, des vers aquatiques et j’en passe! Comme elle est plutôt grosse (elle peut atteindre 30 mm), elle peut engouffrer une vaste palette d’organismes, y compris d’autres mégaloptères.
La larve passe trois années sous l’eau, à croître et engraisser. Elle sort hors de l’eau quand vient le moment de former une pupe. Elle rampe sous du bois mort, des roches et des débris variés retrouvés près du cours d’eau.
L’adulte qui en émerge mesure entre 36 et 40 mm. Il ne se nourrit pas et, aussitôt ses ailes séchées et prêtes à voler, il part à la conquête d’un partenaire. Il ne vivra qu’environ une semaine. Pendant cette période, la femelle fécondée pondra ses œufs sur la végétation bordant le cours d’eau.
Les adultes sont plus faciles à distinguer des autres mégaloptères que les larves. Au Québec, il n’y a que cette espèce de mégaloptère dont les ailes sont flanquées d’une tache blanche, comme on le voit sur cette photo d’un spécimen vivant prise par ELiSO.
J’aurais aimé agrémenter la présente chronique de mes propres photos de corydale noire adulte vivante, mais je n’ai en main que des spécimens naturalisés.
Bien que j’aie rencontré la larve des tonnes de fois, il semble que je n’aie pas encore eu cette chance avec les adultes, hélas! En avez-vous déjà observé ou photographié pour votre part? Avec leurs jolies ailes tachetées de blanc, ces corydales noires sont loin d’être si sombres!

Pour en savoir plus
- Bug Guide. Species Corydalus cornutus – Eastern Dobsonfly. https://bugguide.net/node/view/4873 (page consultée le 19 mars 2022).
- Bug Guide. Species Nigronia serricornis – Saw-combed Fishfly. https://bugguide.net/node/view/40329 (page consultée le 19 mars 2022).
- Conseil de bassin de la rivière du Cap-Rouge. Bassin versant – Qu’est-ce qu’un bassin versant? https://cbrcr.org/index.php/bassin-versant/ (page consultée le 19 mars 2022).
- ELiSO. Corydale noire. https://www.eliso.ca/fiches-especes/corydale-noire (page consultée le 19 mars 2022).
- Hauer, F.R., et G.A. Lamberti. 2007. Methods in stream ecology. 877 p.
- Marshall, S.A. 2009. Insects. Their natural history and diversity. 732 p.
- Merritt, R.W. et K.W. Cummins. 1996. Aquatic insects of North America. 862 p.
- Ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP), 2013. Guide de surveillance biologique basée sur les macroinvertébrés benthiques d’eau douce du Québec – Cours d’eau peu profonds à substrat grossier. 88 p. Disponible en ligne: https://www.environnement.gouv.qc.ca/eau/eco_aqua/macroinvertebre/surveillance/benthiques.pdf
- Moisan, J. 2010. Guide d’identification des principaux macroinvertébrés benthiques d’eau douce du Québec, 2010 – Surveillance volontaire des cours d’eau peu profonds. 82 p. Disponible en ligne : http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/eau/eco_aqua/macroinvertebre/guide.pdf
- Normandin, E. 2020. Les insectes du Québec. 620 p.
- Thorp, J.H., et A.P. Covich. 2001. Ecology and Classification of North American Freshwater Invertebrates. 1056 p.
- Voshell, J.R. 2002. A guide to common freshwater invertebrates of North America. 442 p.
- Wikipedia (anglais). Nigronia serricornis. https://en.wikipedia.org/wiki/Nigronia_serricornis (page consultée le 22 mars 2022).