La corydale noire: pas si sombre que ça!

Connaissez-vous les mégaloptères?

Larve de la corydale noire (Nigronia serricornis)

Ma toute première chronique DocBébitte parue en 2013 portait sur les larves de cet ordre d’insectes… lesquelles sont aquatiques! Connaissant mon amour des organismes aquatiques, vous n’êtes sans doute pas surpris de cette affirmation!

Depuis, je vous ai entretenu à quelques reprises au sujet de divers membres de cet ordre, incluant :

Par contre, je n’avais pas encore écrit sur l’espèce de mégaloptère que je rencontre le plus – je dirais même presque exclusivement – quand je patauge dans une rivière à courant : la corydale noire (Nigronia serricornis).

Vidéo 1. Capsule sur la larve de la corydale noire.

Initialement, j’allais vous parler du genre Nigronia, mais mes recherches m’ont permis de découvrir qu’il n’y a qu’une seule espèce appartenant à ce genre au Québec. Cela est facilitant pour l’identification des larves, le stade auquel je m’intéresse tout particulièrement!

Une des raisons pour lesquelles j’avais envie d’écrire sur cette espèce de mégaloptère, c’est que je vois fréquemment des erreurs d’identification des larves sur les réseaux sociaux. Comme la corydale cornue est beaucoup plus connue, il est fréquent de voir des larves de la corydale noire être identifiées comme étant celles de la corydale cornue… ou même celles du genre Chauliodes (dont nous avons deux espèces au Québec).

Alors, démêlons tout cela !

Identification des larves de Corydalidae au Québec

Vous capturez ou photographiez une larve de la famille Corydalidae au Québec et voulez connaître le genre auquel elle appartient?

Voici quelques trucs pour vous!

Mais avant de commencer :

Astuce #1. Vérifiez si le spécimen possède des branchies en touffes à la base des branchies ressemblant à de longs filaments et situées tout au long de l’abdomen. Voir cette photo ou encore celle-ci de Bug Guide. Si l’organisme est hors de l’eau, il serait préférable que vous ayez une photo de sa face ventrale, car les branchies en touffes ne seront pas déployées et facilement visibles.

Le spécimen a des branchies en touffes?

Si oui, c’est le genre Corydalus!

Si la réponse est non, passez à l’étape suivante!

La larve de la corydale noire ne possède pas de branchies en touffes en vue ventrale

Astuce #2. Après avoir franchi l’étape ci-dessus, examinez la longueur des deux siphons respiratoires situés près du bout de l’abdomen, en face dorsale. Vérifiez si les siphons sont plutôt longs et dépassent les fausses pattes présentes tout au bout de l’abdomen. Notez que les deux siphons peuvent être de longueur différente. Voir cette photo de Bug Guide où l’on voit très bien les deux siphons.

Les siphons sont-ils longs et dépassent-ils les fausses pattes?

Si oui, c’est le genre Chauliodes.

Si non, c’est le genre Nigronia. Et comme il n’y a qu’une espèce au Québec, il s’agit de la corydale noire (N. serricornis).

Bravo, vous y êtes parvenus !

Les siphons respiratoires sont courts chez la corydale noire (N. serricornis)

Caractéristiques de la corydale noire

Comme mentionné d’emblée, les larves de la corydale noire sont celles que je rencontre le plus souvent. Marshall (2009) indique que cette espèce est très commune en eaux courantes (milieux lotiques) et fréquemment observée le long de cours d’eau où les truites prolifèrent. Les truites sont sensibles à la pollution et ne subsistent pas longtemps dans les cours d’eau plus détériorés. Il est vrai que les membres de la famille Corydalidae ont une cote de tolérance à la pollution très faible (cote de 0 pour la famille; Hauer  et Lamberti (2007), MDDEFP (2013)) et qu’on pourrait par conséquent les retrouver uniquement dans les milieux lotiques peu affectés par l’activité humaine – les cours d’eau « à truite » dont parle Marshall…

La larve est dénichée en revirant des roches dans les rivières à courant

Or, mes observations m’ont amenée à être plus nuancée, puisque j’ai observé plus d’une fois des larves de corydales noires et de corydales cornues dans des rivières affectées par des activités agricoles et urbaines. D’ailleurs, un endroit où je déniche des larves de corydale noire à chacune de mes visites est la rivière du Cap-Rouge… comme le témoigne cette vidéo où j’ai eu l’honneur de faire une sortie « terrain » avec Folles Bestioles. La rivière du Cap-Rouge est une rivière dont le tracé traverse des zones urbaines et agricoles; sa qualité est affectée par ces activités.

La larve de la corydale noire, comme les autres mégaloptères, est un vorace prédateur. À son menu figurent de nombreux insectes aquatiques (larves de chironomes, de trichoptères et de mouches noires, naïades d’éphémères et de plécoptères, etc.), ainsi que des crustacées, des vers aquatiques et j’en passe! Comme elle est plutôt grosse (elle peut atteindre 30 mm), elle peut engouffrer une vaste palette d’organismes, y compris d’autres mégaloptères.

La larve a des mandibules acérées

La larve passe trois années sous l’eau, à croître et engraisser. Elle sort hors de l’eau quand vient le moment de former une pupe. Elle rampe sous du bois mort, des roches et des débris variés retrouvés près du cours d’eau.

L’adulte qui en émerge mesure entre 36 et 40 mm. Il ne se nourrit pas et, aussitôt ses ailes séchées et prêtes à voler, il part à la conquête d’un partenaire. Il ne vivra qu’environ une semaine. Pendant cette période, la femelle fécondée pondra ses œufs sur la végétation bordant le cours d’eau.

Les adultes sont plus faciles à distinguer des autres mégaloptères que les larves. Au Québec, il n’y a que cette espèce de mégaloptère dont les ailes sont flanquées d’une tache blanche, comme on le voit sur cette photo d’un spécimen vivant prise par ELiSO.

L’adulte, contrairement à son nom, n’est pas tout noir!

J’aurais aimé agrémenter la présente chronique de mes propres photos de corydale noire adulte vivante, mais je n’ai en main que des spécimens naturalisés.

Bien que j’aie rencontré la larve des tonnes de fois, il semble que je n’aie pas encore eu cette chance avec les adultes, hélas! En avez-vous déjà observé ou photographié pour votre part? Avec leurs jolies ailes tachetées de blanc, ces corydales noires sont loin d’être si sombres!

Autre vue sur l’adulte

Pour en savoir plus

Une collection d’insectes… sans en tuer directement?

Faire une collection d’insectes (et autres invertébrés) sans tuer de nouveaux organismes, est-ce possible?

Oui, pourquoi pas!

C’est ce que je vous présente dans le cadre de cette vidéo prise lors d’un Facebook Live le 11 décembre 2021.

Je vous donne quelques conseils pour savoir où regarder… et je vous montre des spécimens à l’appui! Le tout appuyé de quelques sympathiques anecdotes!

Bon visionnement!

Plécoptère ou mégaloptère, là est la question!

Plécoptère adulte (famille Perlidae)
Plécoptère adulte (famille Perlidae)

Les photographes d’insectes, qu’ils soient amateurs ou aguerris, abondent et nombreux sont ceux qui aiment partager leurs découvertes, notamment sur la page Facebook Photos d’insectes du Québec.

À quelques reprises cet été, j’ai vu des photographes se demander s’ils avaient capturé sur le vif un adulte mégaloptère ou un plécoptère. Bien que certains mégaloptères se distinguent très bien par leur taille et leurs mandibules gigantesques (corydales cornues), d’autres groupes comme le genre Chauliodes, en particulier, peuvent ressembler à certains plécoptères.

Mégaloptère adulte (Chauliodes pectinicornis)
Mégaloptère adulte (Chauliodes pectinicornis)

Chez les larves et naïades, la distinction s’effectue assez simplement entre les mégaloptères et les plécoptères. J’avais donné quelques conseils d’identification d’insectes aquatiques dans cette chronique. Pour résumer, les naïades de plécoptères sont munies de fourreaux allaires, ont deux griffes par pattes et portent deux longs appendices effilés situés tout au bout de leur abdomen que l’on appelle « cerques ». Les larves de mégaloptères possèdent un corps mou bordé de longs filaments latéraux (des branchies) et leurs pattes comportent deux griffes. Leur abdomen se termine soit par un long filament unique soit par deux fausses pattes munies de deux crochets chacune. Bien qu’ils puissent être confondus avec d’autres groupes (ex. : coléoptères), les formes que prennent les stades aquatiques de mégaloptères et de plécoptères sont fort différentes.

Les mégaloptères et plécoptères adultes, quant à eux, possèdent quelques attributs qui les distinguent. Mais leur silhouette générale se ressemble. Il s’agit dans les deux cas d’organismes d’assez grande taille qui peuvent mesurer quelques centimètres de longueur. Leur corps est souvent brunâtre, alors que leurs ailes sont longues, nervurées et repliées par-dessus l’abdomen.

Lorsque leurs ailes sont refermées, les deux groupes se ressemblent : plécoptère Pteronarcys à gauche et mégaloptère Chauliodes à droite
Lorsque leurs ailes sont refermées, les deux groupes se ressemblent : plécoptère Pteronarcys à gauche et mégaloptère Chauliodes à droite

Plécoptère (genre Pteronarcys) en haut, mégaloptère (chauliode parchemin) en bas
Plécoptère (genre Pteronarcys) en haut, mégaloptère (chauliode parchemin) en bas

Cerques du plécoptère qui se cachent sous les ailes : vue ventrale
Cerques du plécoptère qui se cachent sous les ailes : vue ventrale

Tarse du plécoptère
Tarse du plécoptère

L’adulte plécoptère est, tout comme la naïade, muni de deux cerques logés au bout de son abdomen. Malheureusement, ses longues ailes cachent souvent ces appendices qui servent de critère d’identification. Si vous ne pouvez voir les cerques, tâchez de vous concentrer sur les pattes (conseil aux photographes!). En effet, les tarses des plécoptères adultes comportent 2 à 3 segments, alors que ceux des mégaloptères en comptent 5. Il s’agit ici d’un des critères utilisés par Merritt et Cummins (1996) afin de discriminer les insectes d’origine aquatique.

Un autre critère que j’ai retrouvé dans mes guides porte sur les ailes. Lorsqu’ouvertes, il est facile de voir que les ailes postérieures des plécoptères sont plus larges que leurs ailes antérieures. Cette différence marquée n’existe pas chez les mégaloptères.

Outre ces critères que je pourrais qualifier « d’officiels » (tirés de guides), on peut noter, à l’œil, d’autres différences aidantes. Par exemple, si vous jetez un coup d’œil à mes photos comparatives, vous remarquerez que le thorax (partie située immédiatement après la tête) de notre plécoptère (ici un individu du genre Pteronarcys) est aussi large que la tête. En revanche, le thorax du chauliode parchemin (Chauliodes pectinicornis) est plus étroit que la tête et de forme légèrement plus allongée. Je ne vous dirai pas que ce critère fonctionne de façon absolue pour toutes les familles de plécoptères et de mégaloptères, mais il donne un petit coup de pouce pour les groupes qui se ressemblent beaucoup (plécoptères Perlidae/Pteronarcyidae versus mégaloptères Chauliodes). En cas de doute, recherchez les cerques ou regardez les tarses et les ailes!

Tarse du mégaloptère
Tarse du mégaloptère

J’aimerais vous dire « à vos appareils photo », mais la saison des insectes tire à sa fin. J’espère néanmoins que ces quelques conseils vous seront utiles lors de la prochaine saison estivale. Vous saurez alors quels angles utiliser et quels organes photographier pour vous permettre d’identifier vos spécimens. Si vous êtes comme moi, ce ne sont pas les angles et le nombre de clichés qui manqueront!

 

PS – Pour ceux d’entre vous qui cherchent des conseils supplémentaires pour distinguer les deux espèces de chauliodes que nous avons au Québec, vous pouvez aussi consulter cette chronique.

 

Pour en savoir plus

  • Borror, D.J. et R.E. White. 1970. Peterson Field Guides – Insects. 404 p.
  • Bug Guide. Order Megaloptera – Alderflies, Dobsonflies, and Fishflies. https://bugguide.net/node/view/233428
  • Bug Guide. Order Plecoptera – Stoneflies. https://bugguide.net/node/view/76
  • Evans, A.V. 2008. Field guide to insects and spiders of North America. 497 p.
  • Merritt, R.W. et K.W. Cummins. 1996. Aquatic insects of North America. 862 p.
  • Moisan, J. 2010. Guide d’identification des principaux macroinvertébrés benthiques d’eau douce du Québec, 2010 – Surveillance volontaire des cours d’eau peu profonds. 82 p. Disponible en ligne : http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/eau/eco_aqua/macroinvertebre/guide.pdf
  • Voshell, J.R. 2002. A guide to common freshwater invertebrates of North America. 442 p.

Comme vous avez de grandes ailes! Les mégaloptères!

Larve de Corydalidae
Larve de Corydalidae

Larve de Sialidae
Larve de Sialidae

Deux larves de Corydalidae par rapport à ma main
Deux larves de Corydalidae par rapport à ma main

La semaine dernière, j’ai participé à un échange sur la page Facebook Photos d’insectes du Québec au sujet de l’identification de larves de mégaloptères. Il y était question des caractéristiques permettant de distinguer les deux grandes familles de mégaloptères sillonnant nos cours d’eau.

Comme il s’agit d’un groupe que j’affectionne beaucoup, je dois avouer ne pas avoir hésité très longtemps avant de sauter sur l’occasion pour vous en parler davantage!

Les mégaloptères ont déjà fait partie de l’ordre des neuroptères (Neuroptera), mais sont maintenant considérés comme appartenant à l’ordre Megaloptera. Leur nom signifie « larges ailes » et réfère au fait que les ailes sont très grandes par rapport au reste du corps. Néanmoins, pour certains individus, on pourrait simplement parler de « larges organismes », quelques-uns d’entre eux faisant en effet la démonstration de proportions quasi monstrueuses.

Les deux familles de mégaloptères recensées sont les Sialidae et les Corydalidae. Les larves appartenant à ces deux familles sont aquatiques et s’avèrent également être de voraces prédateurs. Toutefois, elles se distinguent assez aisément.

Tout d’abord, les larves matures de Corydalidae peuvent atteindre une impressionnante taille frisant les 10 cm (25 à 90 mm). Lorsque j’échantillonnais bon nombre de rivières québécoises, dans le cadre de ma maîtrise et de mon doctorat, j’observais fréquemment des spécimens de bonne taille. À l’époque, j’avais utilisé le numériseur du laboratoire où je travaillais (pas d’appareil photo numérique… eh oui, cela trahit quelque peu mon âge!) afin de prendre une image de ma main apposée contre deux individus qui avaient été préservés. Vous pouvez voir cette image ci-jointe; les organismes étaient aussi gros et longs que mes doigts! Et que dire de leurs mandibules! Larges et coupantes, on ne voudrait absolument pas y mettre les doigts!

Les larves de Sialidae matures sont de taille plus modeste et mesurent entre 10 et 25 mm. Néanmoins, les individus moins matures d’une ou l’autre de ces familles peuvent être confondus si l’on n’est pas attentifs aux autres caractéristiques.

À cet effet, les larves de Corydalidae portent deux fausses pattes ornées de deux crochets chacune tout au bout de leur abdomen, alors que les Sialidae sont munis d’un seul long filament terminal. Il s’agit là de la meilleure méthode pour distinguer ces deux groupes, peu importe leur taille.

Bout de l’abdomen d’une larve de Sialidae (gauche) et de Corydalidae (droite)
Bout de l’abdomen d’une larve de Sialidae (gauche) et de Corydalidae (droite)

Différents mégaloptères québécois (gracieuseté Cégep de Sherbrooke, par le biais de Sylvie Norman). Rangée du haut (gauche à droite) : Sialis sp., Chauliodes pectinicornis, Chauliodes rastricornis. Rangée du bas : Nigronia sp., Cordydalus cornutus.
Différents mégaloptères québécois (gracieuseté Cégep de Sherbrooke, par le biais de Sylvie Normand). Rangée du haut (gauche à droite) : Sialis sp., Chauliodes pectinicornis, Chauliodes rastricornis. Rangée du bas : Nigronia sp., Cordydalus cornutus.

Je me permets un petit complément d’information pour les curieux : les larves de mégaloptères ressemblent passablement à certaines larves de trichoptères (j’ai quelques chroniques sur le sujet : Hydropsychidae, Limnephilidae ou Rhyacophilidae). Une bonne façon de les distinguer est de porter attention aux caractéristiques de leur abdomen. Premièrement, les mégaloptères sont munis de longs filaments situés de chaque côté de l’abdomen, ce qui n’est pas le cas des trichoptères. Par ailleurs, le bout de l’abdomen des trichoptères se termine par deux fausses pattes, plus ou moins proéminentes, munies chacune d’une seule griffe. S’il y a un long filament ou deux paires de griffes, il ne s’agit pas d’un trichoptère. À noter dans un tel cas qu’il ne s’agit pas systématiquement d’un mégaloptère non plus, certaines larves de coléoptères, par exemple, portant également deux paires de griffes. D’où l’importance de s’attarder à la combinaison de plusieurs critères et non d’un seul!

La tête de ce chauliode (C. rastricornis) est ornée d’ocelles
La tête de ce chauliode (C. rastricornis) est ornée d’ocelles

Cette corydale cornue femelle possède aussi des ocelles (entre les antennes)… et de larges mandibules!
Cette corydale cornue femelle possède aussi des ocelles (entre les antennes)… et de larges mandibules!

Chez les adultes, les différences sont aussi facilement observables et permettent de séparer les deux groupes. Les adultes Sialidae font 10 à 25 millimètres, alors que les adultes Corydalidae ont une envergure s’étalant de 25 à 80 mm (les sources consultées mentionnent quelques espèces dont l’envergure des ailes serait de plus de 100 mm). Les Sialidae ne sont pas ornés d’ocelles, contrairement aux Corydalidae. Leurs ailes sont également repliées au-dessus de leur abdomen, telle une tente, lorsqu’ils sont au repos, par opposition aux ailes des corydales qui sont étalées. Finalement, le quatrième segment tarsal des Sialidae est élargi et possède deux lobes, ce qui n’est pas le cas des Corydalidae.

Comme les larves sont aquatiques, les adultes vont généralement se retrouver à proximité des lacs et des cours d’eau. Beaucoup d’espèces de mégaloptères adultes ne se nourrissent pas, quoique certaines corydales se nourriraient de nectar et de fruits. J’avais d’ailleurs déjà observé un adulte de l’espèce Chauliodes rastricornis (voir cette chronique) en train de se nourrir à la miellée – soit un mélange de sucre et de fruits en décomposition concocté par un collègue entomologiste lors d’une chasse nocturne. Certains individus sont donc encore en mesure de s’alimenter, bien que nombreux sont ceux qui survivent grâce aux réserves accumulées par les voraces larves. Justement, celles-ci sont si gloutonnes qu’elles se nourrissent non seulement d’une myriade d’autres invertébrés, mais elles sont également susceptibles de s’attaquer à des têtards et des petits poissons!

Bien que l’ordre des mégaloptères ne soit pas constitué d’un très grand nombre d’espèces, les préférences de ces dernières en matière d’habitat sont plutôt diversifiées. Alors que certaines seront retrouvées dans les rivières à courant rapide et constant, d’autres seront observées dans les zones littorales de lacs, voire dans des marais et des étangs.

Aucun ocelle présent sur la tête de ce Sialidae adulte (Sialis sp.)
Aucun ocelle présent sur la tête de ce Sialidae adulte (Sialis sp.)

Ce qui est fascinant des mégaloptères, outre leur taille remarquable, c’est leur adaptation à la vie aquatique. Les larves portent de longs filaments, de chaque côté de leur abdomen, qui leur permettent d’assimiler l’oxygène dissous. Elles sont également en mesure de capter cet oxygène à partir des tissus mous du reste de leur abdomen. Comme si ce n’était pas assez, certaines espèces sont munies de touffes de branchies intercalées entre chaque filament abdominal, leur permettant de capter encore plus d’oxygène. De même, plusieurs individus qui vivent dans les eaux peu profondes sont munis de siphons respiratoires un peu plus longs et situés au bout de leur abdomen; ils utilisent ces derniers afin d’aller puiser l’air tout juste au-dessus de la surface de l’eau.

Autre fait intéressant : les larves vivent plusieurs années sous l’eau (parfois jusqu’à 5 années pour les Corydalidae), alors que les adultes ne survivent que quelques semaines pendant la période estivale. La vaste majorité de leur cycle de vie se déroule donc dans les lacs et les rivières. Les mégaloptères sont considérés comme étant plutôt sensibles à la pollution et on les utilise comme indicateurs de l’état de santé du milieu aquatique où ils ont été prélevés. La famille Corydalidae, en particulier, s’est vue attribuer par Hilsenhoff (voir Hauer et Lamberti, 2007) une cote de sensibilité de 0 sur 10, 0 étant la plus sensible possible.

Pourtant, mes propres observations, ainsi que des échanges que j’ai eus avec quelques collègues entomologistes, m’ont conduite à dire que cela est plus ou moins vrai. J’ai retrouvé des larves de ces jolies bêtes en très grand nombre dans des sites modérément affectés par les activités humaines (zones agricoles et/ou urbaines), qui étaient toutefois riches en proies de toutes sortes. C’est donc dire que ces gros prédateurs sont probablement tolérants à un certain niveau de pollution, pourvu que la nourriture soit disponible! Quels goinfres! Leur appétit est sans doute aussi grand que leurs ailes!

 

Vidéo 1. Courte vidéo que j’avais prise lors d’une sortie sur le terrain en 2004. Notez la taille de l’individu en question!

 

Vidéo 2. Ce chauliode parchemin n’aime pas être manipulé et je me fais pincer à la fin de la vidéo!

 

Pour en savoir plus

  • Bug Guide. Order Megaloptera – Alderflies, Dobsonflies, and Fishflies https://bugguide.net/node/view/233428
  • Espace pour la vie. Mégaloptères. http://espacepourlavie.ca/insectes-arthropodes/megalopteres
  • Evans, A.V. 2008. Field guide to insects and spiders of North America. 497 p.
  • Hauer, F.R., et G.A. Lamberti. 2007. Methods in stream ecology. 877 p.
  • Merritt, R.W. et K.W. Cummins. 1996. Aquatic insects of North America. 862 p.
  • Moisan, J. 2010. Guide d’identification des principaux macroinvertébrés benthiques d’eau douce du Québec, 2010 – Surveillance volontaire des cours d’eau peu profonds. 82 p. Disponible en ligne : http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/eau/eco_aqua/macroinvertebre/guide.pdf
  • Thorp, J.H., et A.P. Covich. 2001. Ecology and Classification of North American Freshwater Invertebrates. 1056 p.
  • Voshell, J.R. 2002. A guide to common freshwater invertebrates of North America. 442 p.

Une semaine et demie de biodiversité aquatique ou le bonheur selon DocBébitte!

Asellidae observé dans le lac Croche à la Station de biologie des Laurentides
Asellidae observé dans le lac Croche à la Station de biologie des Laurentides

Larve d’Hydropsychidae, un trichoptère présent en grand nombre dans l’exutoire du lac Croche
Larve d’Hydropsychidae, un trichoptère présent en grand nombre dans l’exutoire du lac Croche

Cette année, mes vacances ont été fortement teintées par un thème qui me tient à cœur : la biodiversité en milieu aquatique. Étant limnologiste de formation, j’ai un faible tout particulier pour les organismes vivant sous la surface de l’eau. On peut donc dire que j’ai filé le parfait bonheur pendant mon congé estival… qui lui a simplement filé trop vite!

Le coup d’envoi a été donné par le 44e congrès de l’Association des entomologistes amateurs du Québec, dont le thème cette année était la biodiversité. Dans le cadre de cette activité annuelle, j’ai eu la chance d’effectuer une présentation sur l’importance des insectes aquatiques comme indicateurs de biodiversité et de santé des milieux d’eau douce. De plus, le congrès se déroulait sur le territoire de la Station de biologie des Laurentides de l’Université de Montréal, un site que je connaissais déjà bien puisque je l’avais fréquenté à maintes reprises lors de mes études. Le territoire de cette station est parsemé d’une vaste quantité de lacs et de ruisseaux et s’avère donc un terrain de jeu de rêve pour tout limnologiste.

Lors de notre séjour, j’ai pu y visiter trois lacs (Croche, Cromwell et Triton), ainsi qu’une tourbière (lac Geai). J’ai pataugé dans l’un des lacs, armée de mon nouvel appareil photo Olympus Tough TG-5, un appareil conçu pour prendre des photos et des vidéos sous l’eau. Ce n’est cependant pas dans ce lac que j’ai observé la plus grande diversité d’invertébrés. En effet, je n’y ai capturé que des mites d’eau (Hydracarina), ainsi que quelques isopodes aquatiques (Asellidae), des cousins de nos cloportes terrestres. Il faut dire toutefois que je m’étais restreinte à une petite bande le long du littoral et que je ne me suis pas aventurée très loin dans le lac.

Un coup de filet dans une tourbière (lac Geai) révèle une grande diversité et abondance
Un coup de filet dans une tourbière (lac Geai) révèle une grande diversité et abondance

Naïade de libellule observée au lac Geai
Naïade de libellule observée au lac Geai

Moule d’eau douce photographiée au lac Bonny
Moule d’eau douce photographiée au lac Bonny

Quatuor d’insectes capturés au lac Bonny
Quatuor d’insectes capturés au lac Bonny

L’exutoire du lac – un petit ruisseau – comportait une bien plus grande diversité d’organismes : écrevisses, trichoptères, éphémères, mégaloptères, odonates et plécoptères, notamment, étaient au rendez-vous. Il en fut de même pour les abords de la tourbière : en quelques coups de filet, nous fûmes en mesure d’observer une grande diversité et densité d’organismes tels que libellules (zygoptères et anisoptères), corises (Corixidae) et larves de dytiques.

Après cette sortie, je passai ensuite une semaine complète aux abords d’un petit lac dans les Laurentides (lac Bonny). J’avais également amené avec moi mon filet troubleau et plusieurs pièces d’équipement destinées à observer et manipuler les invertébrés aquatiques capturés. Naturellement, ces derniers furent tous relâchés après que les observations aient été complétées. En plus de cela, j’ai allégrement barboté dans le lac et pris des photos et vidéos sous-marines à l’aide de ma caméra. Au menu de la semaine figurèrent bon nombre d’insectes, ainsi que plusieurs invertébrés : moules d’eau douce, mites d’eau, ranatres, naïades de libellules et d’éphémères, etc.!

Dans les prochaines semaines, je compte vous parler plus en détail de plusieurs des organismes rencontrés pendant mes vacances… incluant quelques surprises dont je ne fais pas mention ici pour l’instant! D’ici là, je vous souhaite une bonne poursuite de la saison estivale… et peut-être des découvertes aquatiques pour vous aussi?